Un fils de bonne
famille, Martial, mal dans sa peau, dépressif, PDG d'une chaîne de
supermarchés, profite de raisons professionnelles pour prendre un peu de recul.
Il se pose à Limoges semant le trouble dans la vie des bourgeois locaux, dont
les gérants du supermarché de la ville, Monsieur Fonfrin et sa femme, comme
dans le cœur d'une provinciale, Francine, à qui il propose de rester quelques
jours avec lui, en échange de quoi elle pourra se voir offrir tout ce qu'elle
veut.
Après l’échec commercial de Garçon ! (1983), Claude Sautet était passé par une période de
doute. Le cinéaste était alors associé dans l’imaginaire
cinéphile à un cinéma du passé, celui des années Giscard à travers ses castings
récurrents (Michel Piccoli, Yves Montand, Romy Schneider ou Serge Reggiani) et
le leitmotiv de la crise masculine (et par extension de la quarantaine) courant dans tous les films de cette
période. Un procès d’intention assez injuste tant Sautet aura su faire évoluer
ses thèmes, que ce soit le féminisme de Une histoire simple (1978) ou le point de vue plus lumineux et juvénile de Un mauvais fils (1980). Seulement ses œuvres
avaient remporté un succès moindre, enfermant Sautet dans une case. Celui-ci
fera donc véritablement sa révolution avec Quelques-jours
avec moi.
Le projet naît au fil d’entretiens réalisés entre Sautet et
le critique Philippe Carcassonne dans le cadre de la revue Le Cinématographe. Les deux hommes sympathisent et Carcassonne
annonce à Sautet son projet de se lancer prochainement dans la production se
propose de produire son film à venir. Sautet y voit l’occasion qu’il attend de
renouveler son œuvre et partant de la base du roman éponyme de Jean-François
Josselin va tenter une autre approche avec de nouveaux scénaristes (les
débutants Jacques Fieschi et Jérôme Tonnerre), une équipe technique renouvelée
et un casting rajeuni. Sautet se sera plu dans des œuvres comme Max et les ferrailleurs (1971) ou Mado (1976) à montrer des figures
masculines dépassées par les femmes dont ils se pensaient les mentors. Quelques jours avec moi reprend ce schéma
dans une tonalité différente. Martial (Daniel Auteuil) est un jeune héritier d’une
famille de propriétaire de supermarché qui va justement retrouver gout à la vie
en partageant le quotidien de Francine (Sandrine Bonnaire). Celle-ci est la
bonne de Monsieur Fonfrin et sa femme (Jean-Pierre Marielle et Dominique
Lavanant) propriétaire du supermarché provincial qu’il était venu inspecter.
Fasciné par Francine, il l’engage pour sa compagnie durant quelques jours
moyennant finance et un curieux rapport va s’installer.
La première partie du film exprime le regard décalé et
distancié qu’entretient Martial par rapport au monde. Daniel Auteuil, le regard
absent observe ses interlocuteurs s’agiter sur leurs petites ou grandes
affaires qui lui semblent si insignifiante. On a ainsi un portrait mordant de
la bourgeoisie parisienne (la mère jouée par Danielle Darrieux, le triangle
amoureux admis avec son épouse) comme provinciale avec comme pic ce dîner où il
raillera les discussions politiques creuses des Fonfrin et leurs convives.
Cette vacuité se vérifiera autant par le cynisme parisien que par la stupidité
provinciale, Fonfrin étant idéalement incarné par un Marielle à la bonhomie
vide de sens. C’est un même jeu ironique mêlé d’attirance qui semble se nouer
entre Martial et Francine mais notre héros va être pris à son propre piège par
sa protégée qui ne s’en laisse pas compter.
Le scénario dépeint ainsi l’éveil à l’amour et à la vie de
Martial. Le regard amusé se fait progressivement tendre pour les Fonfrin, bien
plus attachant que la caricature sous laquelle ils ont été introduits.
Contrairement aux personnages obstinés et fonçant vers leurs destinée tragique
des œuvres désespérées des70’s (Vincent,François, Paul... et les autres (1974), Mado),
Sautet pose ici un regard bienveillant où il croit en des protagonistes capable
d’évoluer. Le ton est également très différent pour l’exprimer, s’autorisant
des moments de comédies enlevés (la longue scène de la fête dans l’appartement)
où les barrières sociales tombent par la désinhibition festive. Sautet s’éloigne
de la veine pesante d’antan, osant un mauvais goût assumé (les tenues criardes
de Sandrine Bonnaire) qui rend l’ensemble plus léger. Ce cheminement, Martial
semble comme surpris de devoir l’emprunter en tombant réellement amoureux de
Francine.
Cette dernière sentant l’hésitation de cet homme encore prêt à lui
échapper préfèrera ainsi se perdre entre les mauvaises mains. Martial va donc
paradoxalement prouver sa sincérité en perdant tout espoir de d’accomplir leur
union dans un sacrifice final poignant. Daniel Auteuil (après le diptyque Jean de Florette et Manon des sources)
acquérait définitivement la reconnaissance d’acteur dramatique et ce rôle chez
Sautet hanterait nombres de ses prestations à venir. Sandrine Bonnaire,
lumineuse et ardente offre également une composition magnifiques tandis que
Marielle confère une humanité rare à Fonfrin qui reste touchant dans la bêtise
comme l’émotion. Succès public et critique, le film ramène Sautet au premier
plan avec ce qui est à la fois autant une brillante synthèse qu’un renouveau
brillant de son œuvre.
Sorti en dvd zone 2 français et bluray chez Studiocanal
Quelques jours avec moi est sans doute le seul film de Claude Sautet que je n'ai pas apprécié. D'abord sa vision du monde ouvrier, via le personnage de Francine, ne m'a pas du tout convaincue. Ensuite je n'ai pas retrouvé son empathie habituelle pour ses personnages, les rendant souvent assez pathétiques (un peu moins vers la fin, où l'approche s'affine un peu). Ce fut en tout cas une réelle déception en ce qui me concerne mais je ne peux que conseiller de voir les autres films de sa filmographie :-)
RépondreSupprimerOui moi même il m'a fallu du temps pour rentrer dedans même si j'ai apprécié. Vu les caricatures volontaires qu'il fait de la bourgeoisie comme du monde ouvrier (alors que dans "Un mauvais fils" il y parvenait avec brio) je ne pense pas que c'est ce qui l'intéressait vraiment passé la satire. C'est le côté lunaire et imprévisible de Daniel Auteuil ou l'antipathie initiale pour Marielle qui bouscule un peu mais j'ai quand même ressenti cette empathie au final la dernière rencontre est superbe et j'aime beaucoup l'évolution de Marielle. Pas mon préféré (Les Choses de la vie, César et Rosalie et Une histoire simple sont les sommets mais pas encore vu Un coeur en hiver et Nelly et Monsieur Arnaud) mais j'ai apprécié cette remise en question.
SupprimerJe te rejoins sur Le mauvais fils, film plus inspiré et moins caricatural des milieux qu'il explore. Le regard changeant sur le personnage de Marielle est effectivement un des éléments le plus réussi du film. Je me rends compte qu'il me reste encore à voir Une histoire simple :-)
RépondreSupprimerUn merveille "Une histoire simple" un des plus beaux rôles de Romy Schneider et un propos très progressiste et féministe pour l'époque où Sautet opère déjà une mue en sortant des figures masculines machistes dépassées de ses films précédents. J'en parlais ici
RépondreSupprimerhttp://chroniqueducinephilestakhanoviste.blogspot.fr/2012/11/une-histoire-simple-claude-sautet-1978.html
Vu que les vignettes sous le texte buguent sérieusement autant te mettre le lien ^^
Je me suis fait un cycle Claude Sautet il y a quelques années et ce fut un grand plaisir de revoir quelques-unes de ses pépites. Merci pour le lien, j'ai le film en stock depuis des mois mais il m'était sorti de la tête. Je vais essayer de le voir prochainement, histoire de me replonger dans l’œuvre de Claude Sautet, de retrouver Romy puis de découvrir enfin ce film qui semble très prometteur !
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