En plein hiver, Jerry
Lundegaard, un vendeur de voitures d'occasion à Minneapolis, a besoin d'un prêt
de Wade Gustafson, son riche beau-père. Endetté jusqu'au cou, il fait appel à
Carl Showalter et Gaear Grimsrud, deux malfrats, pour qu'ils enlèvent son épouse
Jean. Il pourra ainsi partager avec les ravisseurs la rançon que Wade paiera
pour la libération de sa fille. Mais les choses ne vont pas se dérouler comme
prévu.
Sixième film des frères Coen, Fargo est une de leurs œuvres les plus célébrées et personnelles.
En intégrant à leur scénario la fausse information comme quoi la trame serait
inspirée d’un fait divers réel (ne révélant la vérité qu’au détour d’une
question d’un des acteurs durant le tournage, et n’éventant l’information que
durant le générique du film pour le spectateur) les Coen amènent une tonalité
qui prolonge et détache à la fois le film de leurs essais précédents. Les
quidams ordinaires embarqués dans une spirale criminelle implacable fait de
poisse et d’incompréhension rappelleront bien évidement Sang pour sang (1984), leur magistral galop d’essai. Enfin l’excentricité
et le caractère doux-dingue des protagonistes lorgne également sur le
cartoonesque Arizona Junior (1987). Fargo se déleste pourtant du marqueur du
film noir du premier tout comme de la loufoquerie du second pour dépeindre une
comédie humaine sanglante. Le cadre de leur Minnesota natal est si
minutieusement scruté que le film offre un fascinant entre-deux entre
sécheresse narrative et riches études de caractères.
Le Minnesota et le Dakota du nord voisin où se déroule l’intrigue
constituent le berceau d’une certaine Amérique simple, rurale et authentique. C’est
un environnement apaisé où le mal-être et la violence doivent se dissimuler
sous un vernis de politesse et de bonhomie constante. Fargo évoque tout à la fois les gens paisible qui s’en accommode
sans perdre de leur lucidité quant au mal tapis sous la douceur aseptisée (la policière Marge Gunderson jouée par Frances
McDormand ), des ratés rongés par ce poids des apparences (William H. Macy) et
des vrais être malfaisants cédant à leurs bas-instincts avec le duo Steve
Buscemi/Peter Stormare.
Ce cadre hivernal rude et sa blancheur enneigée
clinique possèdent une dimension étouffante qui ne peut qu’éveiller des traits
de caractères extrême, dans une certaine forme d’engourdissement intellectuel
pouvant susciter le sourire (les attitudes mimétiques et ahuries des deux
amantes d’un soir des criminels que va interroger Frances McDormand), la pitié
ou l’horreur. La scène où Frances McDormand rencontre un ami perdu de vue à Minneapolis
par sa gêne étrange (confirmé par les révélations qui suivront) est donc tout
sauf anodine et exprime une forme de malaise, dépression et violence latente
que peut aviver cette Amérique si tranquille - le beau-père pingre et prompt à
user des armes en est un autre exemple.
Toutes les explosions de violence naîtront donc d’une
frustration, l’insatisfaction d’une existence sans but ni saveur trouvant son
reflet dans le paysage hivernal immaculé. Jerry Lundegaard (William H. Macy tout en regard de chien battu),
oppressé et méprisé par tous trouve ainsi la pire solution pour se sortir de
ses problèmes en faisant kidnapper sa propre femme. Cette frustration est
évacuée de manière bien lus brute et gratuite par les deux kidnappeurs,
témoignant de leur stupidité. Un glaçant crime nocturne vient souligner le
caractère imprévisible d’un mutique Peter Stormare tandis que l’agression
verbale constante puis là aussi le vrai crime le confirmera pour Steve Buscemi.
Parallèlement les rapports tendre entre Frances McDormand et son époux (John
Carroll Lynch) amènent une respiration qui montre un ailleurs possible plus
équilibré si l’on daigne se satisfaire de son existence.
La bascule vers des
penchants négatifs ne reposera pas sur une quelconque dérive sociale chez les
Coen (les nantis comme les démunis étant tout aussi aptes à courir à leur
perte) mais plutôt comme souvent avec eux un regard lucide sur les dérives
possibles de la nature humaine. Nous ne sommes pourtant pas dans l’extrême
noirceur ou l’ironie mordante dont ils sont capables, nous laissant atterrés sans
totalement nous autoriser à rire, nous horrifiant sans complètement prendre
tout cela au sérieux. On touche à un fascinant équilibre idéalement saisi par
le superbe score de Carter Burwell qui pose à la fois émotion et distance
contemplative sur le drame en marche. Une réussite exceptionnelle qui leur
vaudra un accueil critique triomphal couronné par Prix de la mise en scène à
Cannes en 1996 et les Oscars de la meilleure actrice (Frances McDormand) et du
meilleur scénario original en 1997.
Sorti en dvd zone 2 français et bluray chez MGM
un film vu et revu (la dernière fois à la télé, je me suis laissé aller à le re-revoir alors que j'ai le blue-ray), qui fonctionne toujours et ne vieillit pas, c'est rare.
RépondreSupprimer