Dans une province rurale du nord du Japon, à Yamagata, où Daigo
Kobayashi retourne avec son épouse, après l'éclatement de l'orchestre
dans lequel il jouait depuis des années à Tokyo. Daigo répond à une
annonce pour un emploi "d'aide aux départs", imaginant avoir affaire à
une agence de voyages. L'ancien violoncelliste s'aperçoit qu'il s'agit
en réalité d'une entreprise de pompes funèbres, mais accepte l'emploi
par nécessité financière. Plongé dans ce monde peu connu, il va
découvrir les rites funéraires, tout en cachant à sa femme sa nouvelle
activité, en grande partie taboue au Japon.
Au premier abord Departures semble une nouvelle variation du cinéma japonais sur le thème du furusato
(pays natal en japonais), ce courant de film traitant de citadins
oppressés par la vie urbaine et se reconstruisant par un retour à la
nature et leur origine rurale. Le film tout en ayant un postulat de ce
type bien plus à proposer en nous faisant découvrir le monde des rites
funéraires japonais. Le film s'inspire du roman Nōkanfu Nikki/ Coffinman: The Journal of a Buddhist Mortician
de Aoki Shinmon mais doit surtout à la volonté de son acteur principal
Masahiro Motoki. Témoin d'un rituel de mise en bière durant un voyage en
Inde, Motoki éprouve une fascination pour le sujet et sollicite le
producteur Toshiaki Nakazawa (avec lequel il avait collaboré pour le Gemini
(1999) de Shinya Tsukamoto afin de produire un film qui en traite. Le
défi était d'autant plus grand que la cérémonie mortuaire est un sujet
tabou et pudique au Japon.
Lorsque le jeune violoncelliste Daigo
(Masahiro Motoki) voit son orchestre dissous, c'est la déception de trop
après des années d'effort et il décide de retourner vivre dans la
maison de sa mère, dans la région dans le département de Yamagata. En
quête d'emploi, une annonce nébuleuse l'amène à postuler malgré lui dans
une entreprise de pompes funèbres. Le facétieux patron (Tsutomu
Yamazaki) l'engage en dépit de son inexpérience. Nous découvrons donc ce
monde à travers le regard de ce héros novice, et la singularité de ces
rites se conjugue à un regard finalement assez universel sur notre
regard face à la mort. Le scénario se montre didactique tout en faisant
preuve d'humour avec un Daigo "figurant" d'une démonstration filmée de
mise en bière puis quelque peu dégouté par un premier contact avec un
cadavre décrépi. La distance ou le contact cru à la mort s'exprime par
ces deux scènes et c'est lorsque le rituel se dévoilera en son entier
que se comprendra la démarche du film. La première cérémonie voit donc
Daigo et son patron exposé au corps d'une mère de famille défunte dont
les traits marqués semblent dû à une longue maladie.
Le regard à la
photo de la disparue précédent le rite traduit sans un mot l'empathie et
la volonté de lui faire honneur avant que la méticulosité des gestes,
du soin du lavement, de la posture respectueuse et du maquillage délicat
redonnant vie à ses traits l'expriment par le geste. L'émotion du veuf
au départ hostile montre ainsi le mort sous le jour le plus lumineux
avant les adieux et un possible voyage dans l'au-delà. Le schéma se
répétera avec une problématique toujours différente (dont celle
inattendue où le sexe du disparu n'est pas ce qu'il parait être) où à
chaque fois la bienveillance et le soin des employés atténuent la
douleur et les rapports conflictuels au disparu. L'erreur de formulation
du nom de l'entreprise contenue dans l'annonce qui évoquait une "aide
au départ" prend donc tout son sens dans la poignante illustration de
cette ultime séparation.
La dissimulation de son nouveau métier de
Daigo à son épouse Mika (Ryōko Hirosue) puis son dégout quand elle
l'apprendra ainsi que l'hostilité de son entourage témoigne de la
dimension taboue de la mort au Japon. Le métier de violoncelliste
originel de Daigo permet d'introduire sa gestuelle délicate qui son
prolongera de son instrument aux mort et également de l'entourer du
voile du souvenir. Daigo ravivent les souvenirs des endeuillés en
redonnant vie et dignité aux traits des disparus, tandis que ce retour
dans sa région et maison natale le ramène également à son passé.
Les
vues majestueuse de cette campagne du département de Yamagata, les
réminiscences formelles associées à la maison d'enfance (ce panoramique
nous faisant passer de l'âge adulte à l'enfance de Daigo) ainsi que la
nostalgie apaisée qu'évoque le violoncelle forment un tout participant à
la reconstruction de notre héros. Seul élément manquant, le visage de
ce père qui l'a abandonné et que la rancœur empêche de reconstituer les
contours. Daigo devra donc littéralement suivre le même cheminement que
tous ceux qu'il a tant aidé. Le très touchant épilogue fait totalement
oublier la relative facilité du rebondissement final par l'émotion
sincère qu'il véhicule. En paix avec lui-même et serein dans son rapport
aux autres, Daigo peut désormais suivre sa voie. Un bien beau film
récompensé de l'Oscar du meilleur film étranger en 2009.
Sorti en dvd zone 2 français chez Metropolitan
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