Sugiani est un truand qui s’enrichit
illégalement dans l'après-guerre, semant la terreur dans un quartier de
Londres. La journaliste américaine Linda Medbury décide de s'opposer à
lui pour dénoncer le meurtre d'une danseuse. Avec son fiancé, Jumbo
Hyde, Linda entre dans une guerre des gangs.
Un film noir
très original et déroutant qui nous plonge dans le Londres de
l'après-guerre. L'identité anglaise du film se fond dans d'autres plus
inattendues et offre un mélange des genres détonant tout au long du
récit. Cela est essentiellement dû à la présence du réalisateur français
Edmond T. Greville fils d'un couple franco-britannique dont la carrière
aura justement navigué entre les deux pays. Assistant de René Clair
(après avoir été critique) pour Sur les toits de Paris
(1930) ou encore sur Napoléon (1927) d'Abel Gance il débutera sa
carrière de réalisateur au début des années 30 et signera plusieurs
œuvres remarquées comme Menaces (1939). Noose sera l'un de ses films de reprise après un arrêt d'activité durant l'Occupation et démontre largement son style singulier.
La
trame est assez classique avec une journaliste décidant de dénoncer les
méfaits d'un duo de truands semant la terreur dans le quartier de Soho à
Londres. Le saut entre les genres suit en fait le côté cosmopolite des
protagonistes semblant chacun s'être trompé de film. Linda Medbury
(Carole Landis) est ainsi une journaliste américaine émigré à Londres
dont le bagout et l'énergie en fait plutôt une héroïne de screwball
comedy. Son fiancé vétéran de la Deuxième Guerre Mondiale (et première
apparition en uniforme à la clé) évoque lui encore un autre genre dans
ses attitudes tandis que le témoin gênant Annie Foss (Ruth Nixon) par sa
gouaille toute parisienne et son accent français prononcé semble
échappée du réalisme poétique français. Le meilleur reste le duo de
malfrats où les attitudes de dandy charmeur de l'anglais Bar Gorman
(Nigel Patrick surprenant alors qu'il se spécialisera plus tard dans les
rôles de flics) contrastent la brutalité de l'émigrant italien Sugiani
(Joseph Calleia). Le premier mise sur la séduction, s'occupera plus du
business et de la corruption en tout genre quand le second est en charge
des basses œuvres, balançant les témoins gênant dans les profondeurs de
la Tamise. C'est précisément la victime de trop qui va leur attirer la
curiosité de la journaliste.
Les écarts de ton sont ainsi constant avec pareil galerie de
personnages. L'atmosphère pesante et l'urbanité inquiétante de la mise
en image de Greville contraste ainsi constamment avec la légèreté des
personnages dans un équilibre ténu, surtout pour les méchants qui
prêteraient presque à rire avant qu'un éclair de violence viennent
rapidement nous rappeler leur dangerosité. On pense à ce moment
faussement décalé où ils viennent intimider Linda chez elle, la
discussion badine prenant un tour plus menaçant face à la résistance de
la journaliste.
Autre moment glaçant quand Sugiani tuera une jeune femme
dans un gymnase, où le montage accentue la férocité de la scène la
contre plongée sur la silhouette imposante du truand alterne avec la
chute brutale de sa victime puis un plan d'ensemble sur l'ombre de ses
acolytes face au corps inanimé. Une pure séquence expressionniste
(magnifique photo de Otto Heller) mais Greville sait aussi faire naître
la tension par l'ellipse avec le terrifiant personnage du barbier (Hay
Petrie au physique évoquant aussi une créature échappée de
l'expressionnisme allemand) adepte de la torture et de l'étranglement
dont la seule évocation des méfaits jette un voile funèbre.
Le
film parvient néanmoins à garder une profonde identité anglaise. Il
revient plusieurs fois que le mal que les soldats sont parti affronter
au front a été retrouvé à leur retour à travers ce grand banditisme.
Tout comme le peuple anglais avait su faire front face à la menace
nazie, on retrouve à petite échelle cette solidarité lorsque les clubs
de boxe s'unissent pour faire tomber minutieusement les affaires de
Sugiani et Gorman. Une belle idée mais traitée assez naïvement, d'autant
que par son mélange des genres et son accent sur les personnages le
film fait un peu trop passer le tout par le dialogue (c'est à l'origine
une pièce de théâtre de Richard Llewellyn qui en signe l'adaptation
également).
Le brio de Greville et les fulgurances visuelles ne
compensent pas complètement le côté un peu statique dû au matériau
originel notamment le final. Là le gros morceau de bravoure (l'assaut du
peuple dans le repère des truands) tombe à plat car penchant trop sur
la comédie, les changements de ton qui auront fait le sel du reste du
film enlève cette fois toute la tension espérée en dépit de quelques
moments amusants (l'actrice perdant ses vêtements au fil des
péripéties). A défaut d'être convaincant jusqu'au bout, une tentative
très originale et singulière en tout cas.
Sorti en dvd zone 2 français chez Doriane Films
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