Charles est un pragmatique, dont la
logique et la vie amoureuse sont régies par ordinateur. Âgé de 19 ans,
il termine le lycée et fait le point avant d'intégrer Oxford, sur ses
conquêtes féminines ayant un dossier attitré sur son ordinateur
programmé sur une méthode infaillible. Il déploie, avec son copain
Geoffrey un luxe de stratégie pour conquérir ses petites amies et gérer
ses liaisons avec décor adapté à chacune. C'est simple, chacune d'elles
est sur disquette. Il décide alors son aventure la plus exquise, celle
avec la belle et énigmatique Rachel, une américaine de la haute société,
vivant à Londres...
The Rachel Papers
est un beau récit de passage à l'âge adulte qui adapte le premier (et
très autobiographique) roman de Martin Amis. On retrouve d'ailleurs de
l'ironie et l'humour de l'auteur britannique à travers Charles (Dexter
Fletcher), son jeune héros plein d'esprit. Tombé sous le charme de la
belle et mystérieuse Rachel (Ione Skye), il va tout mettre en œuvre pour
la séduire. Pour ce faire, il a une méthode séduction infaillible
rédigée sur son ordinateur où le dossier Rachel trône précédé d’autres
conquêtes moins ardues. La voix-off distanciée, la bonne bouille de
Dexter Fletcher et la complicité entretenue avec le spectateur (regard
face caméra amenant humour et décalage aux situations) confèrent un beau
capital sympathique à Charles. La tonalité "british" donne une approche
assez différent du teen movie standard, entre car tout le film ne
repose pas que sur la réussite de l'entreprise amoureuse.
Ainsi Charles
ne tombe jamais dans le cliché du loser puceau tel qu'un teen movie
américain aurait pu le dépeindre, ses tentatives de séduction
infructueuse amusent par leur ridicule sans non plus le faire tomber
plus bas que terre. L'empathie fonctionne donc à plein lorsque Charles
est snobé par les amis nantis de Rachel (dont un jeune James Spader en
petit ami antipathique), tente tour à tour l'indifférence, l'hyper
sensibilité ou la culture pour se montrer à son avantage. S'il ne parait
jamais aussi séduisant qu'il le voudrait, c'est précisément cette
maladresse et la vulnérabilité qu'elle évoque qui va progressivement
émouvoir Rachel. On ressent le poids de la différence de classe dans les
éléments qui éloignent Charles et Rachel à travers quelques scènes
charmantes (la soirée mondaine chez la mère de Rachel) mais qui peuvent
être dépassé à l'image du personnage loufoque de beau-frère incarné ar
Jonathan Pryce.
Le plus grand ennemi de cette histoire d'amour ne
sera cependant pas le contexte ou les rivaux amoureux, mais Charles
lui-même. La candeur de la séduction maladroite cède ainsi à la passion
charnelle adolescente étonnamment explicite (par rapport aux prudes teen
movie actuel) que Damian Harris illustre en de superbes vignettes.
L'abandon n'est pourtant pas total, nombres de gimmick du début du film
demeurant et créant une distance. Nous restons dans le monde intérieur
de Charles sans complètement plonger dans la romance, le personnage
s'observe, se questionne et finalement commente toujours plus qu'il ne
vit l'instant. Les schémas alambiqués, le pour et le contre qui guidait
la séduction se maintient dans la romance à laquelle il va forcément
commencer à trouver des défauts, en éternel insatisfait cynique.
Avec
l'usage de l'informatique, cette approche calculée et sans spontanéité, le
film anticipe grandement les maux plus modernes des réseaux sociaux (un
montage au début amorce même un effet de speed-dating) où il faut
cibler, assimiler et se conformer à l'autre, plus une proie potentielle
qu'un compagnon amoureux. Ce virage malmène ainsi ce héros si attachant,
d'autant que le charme fragile de Ione Skye (héroïne d'un autre teen
movie culte la même année, le splendide Un monde pour nous de Cameron
Crowe) opère autant en quête insaisissable qu'en amoureuse éperdue.
Les
études de Charles qui prépare Oxford semblaient être en arrière-plan
mais se révèlent un élément essentiel de l'intrigue lors d'une dernière
scène où l'analogie avec le critique littéraire lui fait comprendre son
erreur. En ne s'abandonnant pas entièrement aux charmes de l'amour/des
classiques littéraire, Charles en devient le commentateur froid et n'y
cherche que les défauts en oubliant d'en savourer les délices. La leçon
aura été comprise, mais peut-être trop tard comme le laisse croire un
beau final mélancolique. Joli film !
Sorti en dvd zone 1 chez MGM et dotés de sous-titres français
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Merci Justin! Etant fan de Say Anything et du charme d'Iona Skye, j'ai hâte de voir ce film, que j'ai miraculeusement trouvé sur YouTube! Merci pour ta critique! Pourrais-tu me dire ce que tu penses de "Diary of a Teenage Girl" (2015)? Il est assez spécial!
RépondreSupprimerPas vu Diary of a Teenage Girl mais j'en ai entendu beaucoup de bien, en bon amateur de teen movie je devrai voir ça sous peu ! Sinon Ione Skye est de nouveau très attachante ici et le propos et ton singulier du film devrait te plaire je pense. C'est d'ailleurs grâce à toi que j'avais découvert Say anything ;-)
RépondreSupprimerMerci Justin! Déjà, j'adore le côté adulte (et pas potaches) des teen movies, donc j'ai hâte de le voir, peut-être même ce weekend. Diary..., qui a été très médiatisé l'été dernier aux Etats-Unis à cause de son contenu cru, m'a beaucoup marquée, surtout quand tu sais que le cinéma américain n'aborde que très rarement la sexualité féminine vue par une adolescente, et sans glamour (y a eu Thirteen aussi avant). Bref, une petite perle que les distributeurs français ont sacrifié en salles (comme The Spectacular Now).
RépondreSupprimerThe Spectacular Now est sorti en salle en France quand même d'ailleurs l'expérience a dû refroidir les dictributeurs justement. Ca n'a pas du tout marché alors qu'il y avait le potentiel et le public pour, sans doute à cause du téléchargement. On peut difficilement leur en vouloir quand tu lis cet article, c'est au public visé de faire l'effort aussi
RépondreSupprimerhttp://www.metronews.fr/culture/the-spectacular-now-pirate-temoignage-d-une-distributrice-decouragee/mnao!XmFXbIMbX7PA/
Merci pour l'article, ça m'a vraiment fait prendre connaissance du problème. Je pensais également "Y a qu'a les sortir plus tôt!" mais même les distributeurs américains préfèrent mettre l'oeuvre plus chère au départ ciblant un public français cinéphile, alors que la cible à atteindre est les jeunes, et qu'il faut calibrer la vente des films en France puis l'exploitation en salles aux modes de consommation des jeunes. Un autre problème également, c'est que même aux Etats-Unis, les films indépendants se plantent totalement au box-office en ce moment. L'été dernier a vu un massacre des films indépendants et étrangers présentés en salles (dont Diary of a Teenage Girl, shaun Le Mouton, mais Amy a vraiment su tirer son épingle du jeu) comparés aux mastodones Jurassic World, Minions, Straight Outta Compton, et Mission Impossible 5 entre autres. En outre, c'est extrêmement difficile pour les films indés de tirer leur épingle du jeu en été aux US, sauf si les blockbusters se plantent totalement aux box-office, ce qui risque d'être le cas cet été, et qui a même commencé depuis mars.
RépondreSupprimerOui il y a un peu le même problème qu'en France où pour marcher il faut soit être un mastodonte qui s'amorti un minimum soi un budget microscopique hyper rentable, les film du milieu soit pas mal de film indé sont pénalisé car trop risqué. Enfin bon là c'est pire puisque le film a eu des critiques élogieuses (j'avais même lu des avis dithyrambiques sur des forums français des mois avant la sortie)mais dont le public n'a pas la patience et/ou la curiosité d'attendre la sortie salle. Après difficile de se plaindre. Dans ceux que tu cites il doit y avoir eu ce phénomène aussi vu que Shaun le mouton est sorti bien avant en Europe, c'est dommage super film grand public à la sortie gâchée à cause du téléchargement.
RépondreSupprimer