Ceci est l'expose des circonstances qui ont arraché Denning à sa
bienheureuse quiétude pour lui imposer double rôle de chasseur traqué et
de gibier poursuivant Ceci est l'histoire des événements qui ont amené
surhomme à sangloter dans les bras de sa femme, cachant les yeux pour
fuir la réalité, qui lui est de plus en plus intolérable encore que les
cauchemars qui hantent ses nuits...
Mr. Denning Drives North
est la première collaboration entre le scénariste australien Alec
Coppel et le réalisateur Anthony Kimmins. Le duo donnera deux ans plus
tard l'excellente comédie Captain Paradise qui ouvrira à Alec Coppel les portes d'Hollywood pour notamment deux prestigieuses collaborations avec Hitchcock avec La Main au collet (1955) et surtout Vertigo (1958). C'est donc bien dans le thriller que s'illustre Alec Coppel ici qui adapte son propre roman L'assassin court toujours. Le thème du film annonce d'ailleurs la dualité psychologique de Captain Paradise
avec déjà un père de famille tiraillé, pas dans une culpabilité
polygame mais criminelle où la quiétude du cadre familial ne peut lui
faire oublier un acte meurtrier involontaire.
C'est lorsqu'il
nous fait adopter le point de vue coupable de son héros que le film
fonctionne le mieux. Le récit s'ouvre une frénétique scène de conduite
sur une route nocturne déserte de Tom Denning (John Mills), l'agitation
du personnage se ressentant par le découpage heurtée de Kimmins, la
séquence évoquant le rêve tourmenté. Ce sera d'ailleurs plus explicite
avec la séquence suivante, vrai scène de cauchemar où Denning se voit
condamné à mort par un tribunal imaginaire. Avant de nous révéler ce qui
ronge tant le riche industriel Tom Denning, Kimmins en dévoile divers
éléments déclencheurs plus ou moins liés : l'activité stressante de sa
société d'avion, le retour au foyer de sa fille Liz (Eileen Moore) dont
on devine l'absence par un conflit familial.
Tout dans la mise en
scène claustrophobe d'Anthony Kimmins ainsi que dans le jeu tendu à bloc
de John Mills contribue à installer un climat anxiogène dont la seule
lumière vient de l'épouse attentive jouée par Phyllis Calvert. La
révélation du crime de Denning sera le sommet de ce climat oppressant.
Soucieux d'éloigner de sa fille un amant douteux et perverti joué par
Herbert Lom (qui en une courte présence à l'écran parvient à distiller
le caractère détestable et intéressé de son personnage), Denning va
accidentellement le tuer et la traversée nocturne d'ouverture était en
fait un fragment de la difficile manœuvre du héros pour se débarrasser
du cadavre. Entre urbanité expressionniste et échappée en forêt frôlant
le fantastique (la saisissante apparition de la pleine lune) toute la
séquence constitue un intense morceau de bravoure.
La culpabilité
du personnage reposera donc sur cet acte fatidique, mais également sur
une angoisse insoluble du fait que le cadavre semble n'avoir jamais été
retrouvé. Denning va donc mener une enquête assez paradoxale, remontant
la piste de son propre crime afin d'apaiser son esprit. Les idées
formelles jouant sur la répétitivité du fameux trajet vers le nord de
Denning participe subtilement à cet effet d'hypnose ressenti au départ.
Malheureusement le film va perdre de son attrait en s'éloignant de cette
veine psychologique pour se montrer maladroitement explicatif. Si cela
est peut-être plus clair dans le roman, à l'écran c'est à se demander si
le héros cherche vraiment à se faire démasquer tant il multiplie les
maladresses le rendant bien visible aux yeux de la justice (notamment un
policier joué par le futur "M" Bernard Lee).
C'est laborieux, bavard et
particulièrement poussif dans côté explicatif artificiel (les scènes de
procès sont interminables) et pire, la mise à mal intéressante de la
cellule familiale initiale vire à la résolution gentillette et
moralement douteuse. C'est vraiment un beau gâchis tant les prémisses
étaient originaux et prenant. Heureusement comme précédemment évoqué
Anthony Kimmins et Alec Coppel manieront avec plus de brio et d'audace
des thématiques voisines dans la comédie Captain Paradise.
Sorti en dvd zone 2 anglais et sans sous-titres chez Network
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