Un banquier véreux reçoit un mystérieux message signé Judex lui
enjoignant de distribuer ses biens aux pauvres. Favraux se garde bien
d'obéir et commet un nouveau méfait. Mais le jour des fiançailles de sa
fille, Jacqueline, à l'heure dite, le justicier Judex met à exécution
ses menaces...
Judex est une œuvre curieuse où
Georges Franju paie élégamment son tribu à Louis Feuillade. Franju est
pourtant bien plus intéressé par l'univers ténébreux et inquiétant du
génie du crime Fantômas dans l'œuvre de Feuillade mais vu la
future tournure plus comique de la relecture d'André Hunebelle, il ne
sera pas contacté par les producteurs pour la mettre en scène. A
l'inverse c'est Jacques Champreux, petit-fils de Louis Feuillade et
grand admirateur de Franju qui le sollicitera lorsque se lancera un
projet de remake de Judex. Peu familier avec le justicier créé
par Louis Feuillade et Arthur Bernède, George Franju tout en respectant
tout relativement la trame du film de 1916 s'inspire bien plus des
œuvres les plus sombres et stylisée de Feuillade comme Fantômas bien
sûr, mais aussi Les Vampires (1915). Le scénario de Jacques
Champreux s'affranchit ainsi grandement de toute la cohérence de
l'original (l'intervention de Judex ne se justifie plus par une
vengeance à la Monte Cristo) pour adopter un ton plus surréaliste et
imprégné du sens de l'étrange de Franju comme le fait de transformer
Judex en magicien.
A l'écran, cela donne une œuvre plastiquement
somptueuse mais en revanche assez indigente narrativement. Si l'on
surmonte la trame laborieuse et le rythme boiteux, on réussira à être
envouté par quelques séquences superbes. Le bal masqué du début de film
déploie un pur moment surréaliste avec ce majestueux décor du château où
Franju promène une caméra flottante comme dans un rêve éveillé, le clou
étant l'arrivée de Judex portant un masque d'oiseau et hypnotisant
l'audience par ses tours de magie avant de "tuer" le banquier véreux
longuement averti. On peut regretter que le film soit si déséquilibré
dans son irréalisme assumé, si cela passe admirablement dans les
situations en elles-mêmes la façon de les lier fait constamment
décrocher le spectateur.
Passé l'introduction mémorable présentant
l'ignominie du banquier Favreaux (Michel Vitold) à travers quelques
méfaits, le détestable personnage quitte le récit. C'est réellement
Francine Bergé dans un double rôle diabolique qui captive Franju qui lui
fait arborer le justaucorps noir jadis porté par Musidora dans Les Vampires.
L'expressionnisme le plus prononcé guide ses magnifiques apparitions
nocturnes, le réalisateur excellent autant à dessiner sa silhouette
véloce et sexy dans les ténèbres, des méandres du château à l'espace
d'un parc. Il capture également le visage dur et finement dessiné de
l'actrice, poignard à la main et prête à toutes les trahisons, à toutes
les mues (du déguisement de nonnes à celui d'infirmière) pour une même
vilenie.
Ces fulgurances sont cependant entachées par des
incongruités que ne font pas passer le ton lâche du film. On a donc ici
des méchants forcé à monter tout un stratagème pour tuer une jeune femme
qu'ils ont échoués juste avant à noyer en la laissant simplement
flotter sur un lac aux yeux de tous (un des méchants ose même un "On
aurait dut l'attacher à un pierre" sans blague !). La bizarrerie est
acceptable tant que le récit garde une cohérence interne (ainsi on ne
tique pas sur la miraculeuse apparition finale d'une acrobate jouée par
Sylvia Koscina) ce n'est pas le cas ici d'autant que l'ennui pointe
souvent son nez. Le symbole de cela c'est le Judex incarné par Channing
Pollock (engagé pour ses talents de magicien).
Charismatique, mystérieux
et inquiétant en costume de Judex tant qu'il reste muet, il en va
autrement dans l'action et dès qu'il laborieusement aligner un des rares
dialogues (l'ensemble du casting est très mauvais dès qu'il s'agit
d'ouvrir la bouche). Visuellement impressionnant mais sans consistance à
l'image de son héros donc, le film poursuit sa schizophrénie jusqu'au
bout. Une poursuite et un haletant duel sur les toits entre l'ange blanc
Sylva Koscina et le démon noir Francine Bergé alterne ainsi avec un
poussif face à face entre un Judex toujours aussi emprunté et le
banquier Favreaux. Un bel hommage formel au serial muet (les
intertitres, les caches-caméras en vision subjective à travers les
serrures de porte, les ellipses...) mais un peu trop désincarné.
Sorti en dvd zone 2 français chez Why not productions
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Assez mauvais souvenir de ce film, dont j'attendais peut-être trop au vu du seul nom de Franju. Narration "indigente", comme tu l'écris, avec une enquête feuilletonesque dans le mauvais sens du terme, et un personnage de détective privé assez pénible (juste la flemme de retrouver l'interprète de ce rôle). Le film ne vaut effectivement que pour cette inattendue mais puissante parenthèse qu'est la scène du bal masqué (et cette image de tête de piaf).
RépondreSupprimerE.