Le jeune Alvah s'enfuit à Las Vegas en
compagnie de la fille de sa propriétaire et les deux tourtereaux se
marient. Mais Alvah est malade et la nuit de noce sera pour plus tard...
beaucoup plus tard en réalité, puisqu'il part combattre en Corée. Quand
une permission lui permet de rejoindre son épouse, les choses ne vont
guère mieux. Sa maison est investie par sa belle-famille, qui ignore
encore tout du mariage...
No Room for the Groom
est une des grandes réussites d'un pendant plus méconnu de la carrière
américaine de Douglas Sirk, la screwball comedy. Le postulat rappelle un
peu le Allez coucher ailleurs d'Howard
Hawks (1948) mais, à la déconstruction de la figure masculine de ce dernier, le
film de Sirk s'inscrit plus spécifiquement dans des thématiques liées à
l'Amérique des années 50. Dès la pourtant charmante introduction du
couple formé entre Alvah (Tony Curtis) et Lee (Piper Laurie), l'urgence
et le sursis de leur mariage vient d'un travers politique d'alors,
l'anticommunisme qui mène à la Guerre de Corée dans laquelle est
mobilisé Alvah et abandonner son épouse sitôt unis. La crise de
varicelle impromptue qui empêche le mariage d'être consommé préfigure
donc les autres obstacles que rencontrera le couple mais qui s'incarnent
à chaque fois sous un contour comique tout en ayant une teneur plus
profonde.
De retour de permission après dix mois, Alvah trouve un
foyer envahit par la famille nombreuse et bruyante de pique assiette de
Lee. Tous ont été appelés là par la mère de Lee (Spring Byington)
matérialiste qui souhaite plutôt voir sa fille se lier à Strouple (Don
DeFore), nabab local de l'industrie du ciment. On rit et on se désole de
toutes les situations loufoques empêchant toute intimité entre les
jeunes mariés, la frustration d'Alvah passant par les personnalités
intrusives de sa belle-famille (ce petit garçon infernal) ou des scènes
construites formellement pour en faire symboliquement un étranger dans
sa propre maison. On pense à ce passage où il se retrouve à faire la
queue pour la salle de bain, ou justement quand il s'extrait de cette
salle de bain par la fenêtre alors qu'il cherche à y passer un moment
avec son épouse.
Sirk fait apparaître (le petit garçon sur une branche
d'arbre qui empêche une énième tentative d'isolement du couple) ou
disparaître (l'assiette d'Alvah subtilisée au moindre manque d'attention
lors du repas, l'expulsant encore du groupe) les éléments à l'image
pour nous signifier l'isolement des personnages. Ces éléments concrets
dissimulent en fait un schisme plus idéologique. Alvah représente
l'Amérique "d'avant", souhaitant vivre paisiblement des ressources de sa
plantation de vignes. La mère de Lee et sa famille sont assujettis au
culte de l'argent, travaillant tous pour Strouple et vénérant sa
réussite matérielle. Lee se trouve déchirée entre ces deux visions du
monde, le train de vie confortable et les objets qui vont avec et son
amour pour Alvah.
On se rend finalement compte que dans ses thèmes, le film préfigure grandement Tout ce que le ciel permet (1955) et de manière plus large un questionnement qui aura cours dans tous le cinéma américain des années 50 (L'Homme au complet gris de Nunnally Johnson (1956), La Blonde explosive
de Frank Tashlin (1957). Les films remettant en cause ce modèle de
réussite superficielle arrivent plutôt au milieu ou en fin de décennie,
et l'audace du film de Sirk se ressent du coup dans les dialogues où le
désintéressement d'Alvah est suspect pour les autres à travers les
nombreuses répliques de la mère le traitant de communiste et suggérant
son passage devant la commission Hays. C'est donc plus audacieux qu'il
n'y parait sous les contours de jolie comédie romantique, le couple Tony
Curtis/Piper Laurie dégageant un charme certains notamment dans la
délicieuse scène de reconquête finale.
Sorti en dvd zone 2 français chez Elephant
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