Mika est une jeune fille de dix-sept ans timide
et réservée, qui depuis sa plus tendre enfance a toujours vécu dans
l’ombre de sa grande sœur, la talentueuse Chizuko, aimée de tous. Si
Mika aime sa sœur plus que tout au monde, elle ne peut s’empêcher de se
trouver inférieure en tout, y compris aux yeux de ses parents... Un
jour, Chizuko est victime d’un terrible accident, laissant Mika seule
face à son destin... seule ?...
Futari
est une nouvelle belle et poignante incursion de Nobuhiko Obayashi dans
le monde adolescent, ce sillon s'incarnant souvent dans le cadre de sa
ville natale d'Onomashi. L'argument surnaturel sert souvent de
révélateur pour les jeunes héros d'Obayashi à travers un quotidien qui
bascule par la magie d'un lieu dans House (1977), le voyage dans le temps pour The Little Girl Who Conquered Time (1983) ou un échange de corps avec I are you, You am me
(1982). L'élément fantastique transforme ce quotidien qui ne retrouvera
l'équilibre qu'à travers la maturité des personnages acquise dans
l'aventure. Futari change légèrement la
donne puisque c'est un drame bien réel qui change la vie de la Mika
(Hikari Ishida lumineuse de bout en bout) et duquel va découler un surnaturel à la nature
incertaine.
Mika entretient une relation fusionnelle avec sa grande sœur
Chizuko (Tomoko Nakajima) depuis toujours, avant que celle-ci ne
disparaisse tragiquement dans un accident. Ce dernier ne se révèle que
plus tard en flashback, le présent nous montrant plutôt le vide laissé
par l'absente au sein de la famille. Mika hante l'ancienne chambre de
Chizuko, tandis que cette dernière hante les pensées de leur mère (Junko
Fuji) fragilisée psychologiquement (cette place et ce bol réservée à
l'absente lors du petit déjeuner) et que le père est dans un déni qui
lui fait fuir le foyer (Ittoku Kishibe). Si les adultes n'ont que la
vulnérabilité ou le silence pour affronter leur maux, Mika a la candeur
et/ou l'imagination en éveil qui lui permet d'être en contact avec le
fantôme de sa sœur.
Cette présence spectrale est à la fois une
béquille (mentale ou d'outre-tombe) et un fardeau dans la vie de Mika.
Toutes les nouvelles expériences, rencontres et aléas lycéens sont vus
par les autres et notamment ses parents à travers le prisme du parcours
passé de Chizuko. Celle-ci est donc une aide, mais avant tout pour
marcher sur ses traces, que ce soit un concert de piano, une course
d'endurance scolaire ou même la rencontre d'un ancien amoureux. La mise
en scène d'Obayashi appuie cela en exprimant toute son emphase et
excentricité pour relier le cheminement de Mika à celui de Chizuko. Lors
du concert de piano, les contrechamps se multiplient entre Mika,
Chizuko et Kaminaga (Toshinori Omi acteur fétiche d'Obayashi) et les
panoramiques s'emballent pour signifier les encouragements de Chizuko
envers sa cadette qui s'enhardit sur ses touches. La scène de course
scolaire fonctionne de la même manière, la dimension mentale
s'illustrant par la bascule des plans d'ensemble réalistes de la ville
provinciale à un cadre plus resserré et à l'imagerie fantaisiste où une
nouvelle fois Chizuko pousse Mika à se dépasser. Dans les deux cas
malgré le franchissement de l'obstacle Mika reste dans l'ombre de sa
sœur, et dans l'impossibilité de dominer une absente idéalisée par son
entourage.
L'intérêt vient de la manière dont interviendront les
failles, dans une approche tout en retenue où la rêverie n'a plus
court. L'absence de Chizuko est-elle la cause où le révélateur de
l'adversité multiple que va rencontrer Mika. Le scénario laisse
longtemps supposer la première solution en faisant hériter notre héroïne
des inimitiés et jalousies envers sa sœur avec notamment sa camarade
Mariko (Yuri Nakae) qui la persécute secrètement. C'est cependant une
manière pour Obayashi de montrer un autre pendant du vécu d'un drame
familial pour Mariko, tandis qu'on en verra un versant lumineux (et donc
un exemple à suivre) avec la meilleure amie Mako dans une scène aussi
simple que bouleversante où elle révèle la mort subite de son père. Tous
ces éléments développent un regard nouveau chez Mika qui découvre les
difficultés que sa si parfaite sœur lui avait cachées (un amoureux que
ses parents lui avait interdit de voir) et surtout le fossé affectif
entre ses parents.
Chaque aspect négatif s'avère donc une conséquence en
filigrane plutôt que le résultat du deuil, subtilement amené par
Obayashi qui ne perd jamais de vue l'éveil de son héroïne. Quand les
épreuves s'avèrent moins superficielles, Chizuko est absente ou inactive
face aux évènements que doit affronter Mika, et déleste donc ses
passages de la fantaisie initiale. La découverte cruelle de l'adultère
dans le couple que forme ses parents passe par un long plan fixe
dialogué, celle de la malveillance d'une camarade fonctionne quant à
elle en deux plans, celui de la réaction vindicative de Mika puis
ensuite de son départ des lieux.
Chacune de ces scènes place Mika
en observatrice distanciée des faits, annoncés par le passage où elle
renonce au rôle principal de la pièce scolaire pour s'occuper des effets
de scène en coulisse. Mika ne recherche pas la perfection et
l'admiration de celle qui aime à être regardée comme Chizuko, mais la
réserve de celle qui regarde et retranscrit de manière imagée le
spectacle des autres. Dans cette idée (et comme le soulignera un
dialogue) la fameuse ville d'Onomashi revêt un aspect plus
labyrinthique, plus claustrophobique et oppressant que dans d'autres
films d'Obayashi où la rêverie domine, le temps de décloisonner la
psyché de son héroïne.
Alors que durant tout le film Mika emprunte des
chemins détournés pour aller à l'école ou rentrer chez elle, la dernière
scène la voit enfin réemprunter le chemin fatal où elle perdit sa sœur.
Obayashi use d'un des effets horrifiques les plus mémorables de House
(un personnage regardant le reflet d'un autre dans un miroir) pour
offrir une magnifique scène d'adieu et un Sayonara chuchoté
bouleversant. Cette réconciliation avec elle-même signe son passage à
l'âge adulte pour Mika, l'ange-gardien comme le cocon parental ne sont
plus nécessaires, ces doux sentiments passeront par son talent
d'écrivain en devenir. Une vraie belle fresque intime (les 2h30 filent à toute vitesse) porté par un mémorable score mélancolique de Joe Hisaishi (la chanson et le thème principal rappellant beaucoup son travail chez Miyazaki).
Sorti en dvd zone 2 japonais
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