Un gang de voleurs chinois entre clandestinement à Hong Kong et organise un cambriolage. Mais tout ne se passe pas comme prévu et ils se retrouvent traqués par la police. La ville devient alors le terrain de leurs affrontements.
Si Le Syndicat du crime de John Woo (1986) popularisera et lancera la grande vague du polar hongkongais dans sa veine la plus spectaculaire et opératique, le genre était déjà bel et bien présent à l’époque. Il s’inscrivait cependant dans une veine plus réaliste et sociale, sous l’influence de classiques américains comme French Connection de William Friedkin (1971) et des velléités des chantres de la Nouvelle Vague hongkongaise. Le Bras armé de la loi est un des derniers avatars de cette première manière avant la bascule dans la grandiloquence et l’emphase mélodramatique de John Woo et ses polars héroïques. A la réalisation nous trouvons Johnny Mak dont c’est le premier film et jusque-là plus connu pour ses activités de producteur à la télévision. C’est dans ce cadre qu’il va produire la série policière Manhunt et travailler avec Philip Chan. Ce dernier est un ancien policier reconverti dans l’industrie du cinéma où il sera amené à occuper les fonctions de scénariste, producteur et même réalisateur. Lorsque Johnny Mak est sollicité afin de réaliser son premier film, il pense immédiatement à Philip Chan dont l’expérience contribuera à renforcer le réalisme du récit. Il avait déjà fait ses preuves dans des polars précurseurs comme Jumping Ash de Leong Po Chih (1975) ou Cop and Robbers de Alex Cheung (1979), et il va trouver un sujet au cœur de l’actualité hongkongaise.
Le socle des premiers migrants à Hong Kong repose sur des Chinois ayant fui la pauvreté et les soubresauts politiques de la Chine continentale. Entre-temps la Chine a fermé ses frontières et la population de Hong Kong s’est forgé une identité propre, entre ces racines chinoises et l’influence occidentale notamment celle du colon britannique. Dans les années 70, la Chine rouvre ses frontières et entraîne donc une migration sans précédent vers l’El Dorado que constitue désormais Hong Kong. Parmi ces Chinois continentaux, on trouve des gangsters issus de la triade du Grand Cercle et/ou des anciens membres de la milice ou de forces armées durant la Révolution Culturelle. Il s’agit d’une population qui n’a plus rien à perdre, rompue à la lutte armée, terrorisant même la criminalité locale. Hong Kong alors en plein expansion économique voit donc cela d’un mauvais œil et rejette implicitement toute parenté avec cette diaspora. Le film va justement s’attacher à suivre quatre chinois venus chercher fortune lors d’une équipée express où ils comptent braquer une bijouterie, revendre leur butin, et rentrer en Chine profiter de leur fortune mais bien sûr rien ne va se dérouler comme prévu.La quête de réalisme de Johnny Mak passe notamment par le fait de recruter des comédiens chinois amateurs. Dès lors les accents, expressions et attitudes correspondent à leur ancienne condition. Tout au long du récit, le réalisateur suit une forme de ligne grise quant à la caractérisation de ses personnages. La froideur des intentions alterne avec la vraie chaleur dégagée par leurs interactions mutuelles truculentes, l’attachement sincère à leur famille et des projets criminels destinés avant tout à améliorer leur condition sociale misérable. Leurs premiers pas à Hong Kong les montrent vraiment comme les « ploucs » qu’ils sont, happé par une mentalité capitaliste dans tout ce qu’elle a de clinquant et putassier. Ce sera cette vision qui amorcera leur chute, l’achat de costumes les mettant en retard pour l’heure du braquage initial, puis le désir de consommer des prostituées leur faisant passer un emprunt auprès d’un Chinois installé peu recommandable. Les bonnes intentions sont vite noyées au contact des tentations diverses. Toutes les anicroches retardant un possible retour en Chine semblent relever de l’inconscient tant la corruption de la ville semble les contaminer. On en a des exemples avec l’ex-fiancée de l’un d’entre eux satisfaite de sa condition de prostituée et ne souhaitant pas rentrer en Chine. Tant que le groupe sera soudé et guidé par ce projet commun, ils parviennent à réchapper à toutes les menaces, mais le goût à cette vie facile croissant, leur relation va progressivement s’effriter. A cette empathie réelle ressentie pour les protagonistes répond également un rejet progressif face à leurs attitudes violentes. Ce sont des assassins aguerris et impitoyables, à la gâchette facile envers quiconque se plaçant en travers de leur route. Les exécutions sommaires, les gunfights en pleine rue sans préoccupation des civils et le meurtre sans états d’âmes de policiers montre ainsi leur facette la plus menaçante dans les innombrables séquences d’actions. Toute bonhomie disparait lors de ces moments faisant ressortir leur féroce science des armes. Johnny Mak capture ainsi à la fois l’ambivalence de ces « continentaux », mais aussi celle du regard des hongkongais sur eux. Cela s’exprime parfois de manière comique comme lorsque l’un d’entre eux sera dénigré par une prostituée refusant de se donner à lui par pure condescendance. Plus tard ce mépris larvé des hongkongais et cette volonté d’éradiquer « l’étranger » dont il refuse la parenté passera par les agissements de la police. Nulle sommation ou volonté d’arrestation, l’objectif est l’exécution pure et simple lors de chaque confrontation, donnant une vision fasciste et réactionnaire des forces de l’ordre hongkongaise.Johnny Mak filme tout cela dans un style urgent et alerte, adoptant une esthétique (hormis les apartés plus léger) semi-documentaire. Le montage est heurté, les cadrages variés et soucieux de capturer un vrai réalisme urbain dans l’usage des focales, dans le côté saccadé des séquences d’actions. Les bas-fonds hongkongais sont ainsi saisis avec une crudité rare qui culmine lors de la stupéfiante fusillade finale dans la Citadelle de Kowloon. Tentaculaire, labyrinthique, crasseuse et oppressante, cet environnement constitue un incroyable décor de cinéma dont Johnny Mak traduit à merveille la menace. Le film constitue d’ailleurs un précieux document pour se souvenir de ce qu’il en fut puisque la Citadelle de Kowloon fut détruite en 1993 (après avoir été évacuée en 1991). Le Bras armé de la loi est un grand polar, traduisant avec rage ce moment social si particulier puisqu’il sort en 1984, année des accords de Rétrocession qui annoncent le rapport de force changeant à venir entre la Chine et Hong Kong.Sorti en dvd zone 2 français chez HK Vidéo
Étant plus que friand de ce type de polars hong-kongais, je suis étonné de ne pas avoir entendu parler de cet opus auparavant, merci pour la découverte!
RépondreSupprimerDe rien, en général les films qui précèdent "Le Syndicat du crime" qui fera vraiment exploser le genre sont un peu moins connus mais y a eu pourtant d'excellent polars hongkongais dès la fin 70's et début 80's. Je recommande d'ailleurs les films d'Alex Cheung comme Mon on Brink ou Cops and Robbers que j'évoque dans le texte j'en avais fait la critique ici https://chroniqueducinephilestakhanoviste.blogspot.com/2021/03/cops-and-robbers-dim-ji-bing-bing-alex.html
Supprimersuperbe critique!
RépondreSupprimerMerci !
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