Décoré pendant la guerre de Sécession, un sergent d'origine indienne revient sur la terre de ses ancêtres pour y élever du bétail. Plein de bonnes intentions, il veut cohabiter paisiblement avec les éleveurs blancs, mais une loi lui interdit d'être propriétaire. Avec le soutien d'une jeune avocate, Poole se jette à corps perdu dans un combat bientôt aussi inégal qu'inutile...
La Porte du Diable est un film important à la fois pour Anthony Mann qui signe là son premier western (qu’il réalise avant Winchester73 et Les Furies sortis la même année) mais contribue à poser les jalons de la thématique pro-indienne au sein du genre, dans la continuité du fondateur La Flèche brisée de Delmer Daves (1950) et aussi le plus méconnu Sur le territoire des comanches de George Sherman (1950). Encore chair à canon anonyme dans les westerns des années 40, les Indiens sont considérés avec davantage de respect dans Le Massacre de Fort Apache de John Ford (1948), sans pour autant être les protagonistes principaux. La donne change donc en ce début des années 50 et le sort des indiens d’Amérique sera davantage fouillé tout en entrant en résonance avec des problématiques contemporaines.
Dans La Porte du Diable, on peut certainement faire un parallèle entre le héros Lance Poole (Robert Taylor), de retour dans son Wyoming natal après avoir combattu et obtenu décorations durant la guerre de Sécession, et les afro-américains revenus aux pays après avoir servi le pays lors de la seconde guerre mondiale. Les désillusions vont naître dans ses retrouvailles pour Lance qui sous l’uniforme a savouré un traitement égalitaire et l’opportunité sous le grade de sergent de commander des soldats blancs. Le déni de son statut de citoyen américain est progressif et sa réaction graduelle quand il le comprendra. Cela passe dans la scène d’ouverture par l’invective de l’avocat raciste Coolan (Louis Calhern) auquel Lance ne répond pas, puis par les injustices législatives visant à lui spolier ses terres sans que les recours légaux l’avantagent, et enfin la résistances armée finale lors d’un siège sanglant face à des éleveurs de bétail. Anthony Mann traduit cette bascule en faisant retrouver son instinct et ses traditions indiennes au héros, par sa tenue notamment puisqu’il est vêtu de son uniforme dans la première scène, habillé comme un cow-boy quand il se pense à tort intégré à la communauté, et enfin belliqueux avec son bandeau indien lors du climax final.Robert Taylor livre une prestation formidablement habitée, faisant physiquement ressentir le dépit de son personnage. Il exprime bien l’impossibilité que les circonstances créent entre son désir d’assimilation et la volonté de préserver les préceptes indiens dont l’appartenance à la terre maternelle et nourricière. Les injustices d’un système excluant et les intérêts financiers vont déterminer une longue spirale de violence culminant dans une conclusion âpre et désespérée qui annonce en tout points les autres westerns à venir de Mann. C’est très vrai dans le traitement douloureux de la violence , heurtée et brutale le plus souvent mais capable de stylisation splendide telle l’assaut indien dans l’ombre des arbres (superbe photo de John Alton, certains intérieurs lorgnant presque vers le film noir) à la nuit tombante. Même l’amorce de romance avec l’avocate Orrie (Paula Raymond) qui semble au départ forcée, trouve une superbe écho dans un dernier dialogue avec l’impasse de la situation. Une première pierre déjà majeure au grand édifice westernien d’Anthony Mann durant les années 50.Sorti en dvd zone 2 français chez Wild Side
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