mercredi 6 décembre 2023
The Phenix City Story - Phil Karlson (1955)
Phenix City, une ville d'Alabama, est gangrenée par la corruption depuis plusieurs générations, soutenue par une mafia locale qui tire ses revenus de la prostitution et de l'organisation de jeux d’argent truqués. Rentré de la Seconde Guerre mondiale, le juge John Patterson s'y installe et veut mettre fin à cette impunité. Un de ses espoirs réside dans la candidature de son propre père, Albert, au poste de procureur général de la région aux prochaines élections. Face à cette menace, les criminels répondent par une escalade de violence, dirigée contre John, son père et tous ceux qui les soutiennent.
The Phenix City Story est un solide film noir démontrant une nouvelle fois toute l'efficacité dont est capable Phil Karlson. Le récit s'inspire des tragiques faits réels ayant eu un an plus tôt à Phenix City, en Alabama, fomentés par la mafia locale tenant la ville sous sa coupe à travers ses business de jeux et de prostitution. Le film puise grandement dans la couverture des évènements que fit le journaliste Ray Jenkins pour son journal Columbus Ledger, et lui valut de remporter le Prix Pulitzer. Une longue introduction de dix minutes ancre d'ailleurs pleinement le film dans cette réalité avec une sorte de reportage où un journaliste va interroger les vrais protagonistes du fait divers. Malgré la rigueur de la démarche, tout cela nous semble encore un peu abstrait mais la crudité du traitement de Karlson va se charger de faciliter l'immersion dans la fange de la "red-light district", ruelle où siègent tous les commerces mafieux. La caméra arpente une salle de jeu en accompagnant le numéro d'une chanteuse aguicheuse, un client récalcitrant est passé à tabac et jeté à la rue en plein jour, démontrant l'impunité des exactions. Pour souligner la "normalité" du vice ambiant, nous allons découvrir la bonhomie de Tanner (Edward Andrews), le parrain local qui se promène et alpague de façon enjouée les passants tout allant menacer l'air de rien l'homme de loi Albert Patterson (John McIntire). Ce dernier, las, a renoncé depuis bien longtemps à entraver la mafia de la ville qui s'en est jusque-là toujours sortie à coup de menaces, corruption et violence.Le retour de son fils John (Richard Kiley) et le meurtre de trop impuni ravive la conscience d'Albert qui va se présenter à l'élection de procureur général pour obetnir le pouvoir de défier la mafia. Même si les autres films de Phil Karlson devraient nous y avoir accoutumé, la violence exercée par la mafia atteint des degrés de brutalité et de sadisme sidérant pour illustrer sa mainmise et détermination. Meurtres d'enfants, lynchage public, assassinats arbitraires, rien ne nous est épargné, tout est exposé crûment (tout juste un viol reste suggéré mais bien devinable) pour renforcer à la fois la peur et la révolte des quidams locaux. A cela s'oppose la vertu sans faille de Patterson remarquablement incarné par John McIntire emportant l'adhésion par son naturel de quidam normal ayant eu le courage d'élever la voix. Phil Karlson instaure un montage alterné entre les discours enflammés de Patterson et les crimes mafieux, le tout porté par une voix-off à la fois neutre et incantatoire selon un procédé simple mais très efficace. On observe ainsi progressivement la peur changer de camp, et la violence criminelle prendre un tour de plus en plus ciblé jusqu'au terrible rebondissement final.Karlson parvient ainsi à nous maintenir sous tension, quitte à s'arranger avec la réalité pour certains éléments (le meurtre d'une enfant noire n'ayant jamais eu lieu) où la motivation d'autres, le meurtre final semblant dans la réalité avoir davantage de motifs politiques que de lien avec la mafia - ce qui est suggéré lorsque Tanner poussé à bout admet un autre crime mais nie celui-ci. Toujours est-il que Karlson a réussi à instaurer cette angoissante atmosphère de poudrière, l'accalmie ne tenant qu'à un fil lors de la fin ouverte puisque tout n'était pas pleinement résolu à Phenix City lors de la sortie du film. Quant à Phil Karlson, il renouera avec les récits inspirés du réel sur un registre plus série B et "vigilante" dans Justice sauvage (1973) avec son shérif seul bras armé contre une nouvelle mafia locale.
Disponible en vod sur la plateforme la Cinetek
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