Michael Rogers, jeune homme d'origine modeste, a toujours rêvé de devenir riche. C'est chose faite lorsqu'il épouse la belle et riche Ellie et vit dans une superbe propriété. Mais le rêve prend une tournure cauchemardesque lorsque Ellie est retrouvée assassinée.
Endless Night est l’ultime film de Sidney Gilliat, achevant ainsi sa longue association avec Frank Launder qui vit les deux partager écriture, production et réalisation depuis la fin des années 30 et signer nombre de pépites du cinéma anglais. Il s’agit d’une adaptation de La Nuit qui ne finit pas, roman tardif d’Agatha Christie publié en 1967. Que ce soit pour Agatha Christie dans le style et le point de vue adopté par le roman, ou pour l’approche formelle de Gilliat dans le film, il y a chez les deux une volonté de modernité. Agatha Christie avec ce livre écrit dans un temps plus resserré qu’à ses habitudes délaisse la structure fréquente de ses intrigues, ainsi que ses héros récurrents (Hercule Poirot et Miss Marple) pour endosser de façon très crédible les aspirations d’un jeune homme. Gilliat, qu’on pouvait trouver en relative perte de vitesse durant les années 60, recolle dans l’esthétique et les thèmes du film aux préoccupations de son temps. Ce renouveau littéraire et filmique sert dans tous les cas de façon inventive et percutante l’éternel thème de la lutte des classes au sein de la société anglaise.
Dans un premier temps, la question paraît avant tout existentielle en suivant le dépit de Michael Rogers (Hywel Bennett) jeune homme d’origine modeste dont le train de vie est en décalage avec ses aspirations. Il ne s’agit pas d’un simple démuni en quête de richesse, mais d’une personnalité dont le goût exprime un attrait du beau dans tout ce que l’art ou la nature peuvent offrir. La richesse n’est pas une fin mais un simple moyen d’accéder à cette beauté à laquelle il se plaît à rêver (la manière dont il dépeint les quelques secondes d’une enchère où il posséda un objet au-delà de ses moyens), et qu’il sait si bien dépeindre au point d’entraîner ses interlocuteurs dans ses chimères – l’architecte Santonix (Per Oscarsson) égaillé par l’évocation du paysage idyllique où il rêverait de construire une maison. Gilliat adopte ainsi la vision du monde fantasmée de son héros, éteint dans durant les pénibles moments durant lesquels il doit assurer des jobs alimentaires, et émerveillé quand il peut s’immerger dans le « beau ». La chance lui sourit donc de la même manière, dans l’apparition presque onirique de Ellie (Hayley Mills) au sein de la lande anglaise, ainsi qu’à travers la véritable identité de celle-ci qui s’avère être une riche héritière apte l’introduire dans cette vie à laquelle il aspire.Tout le film célèbre ce « beau » par les intérieurs chatoyants, la beauté pastorale des paysages anglais dont le fameux terrain Gypsy's Acre sur lequel sera construite la maison. Cependant tout est trop explicite dans l’imagerie, par le verbe (Michael qualifiant l’apparition initiale d’Ellie « d’elfique ») et les analogies démonstratives avec plusieurs fois faite avec un conte de Cendrillon inversé concernant le personnage de Michael. L’éloge du beau est l’écrin romantique est constamment grippé par des éléments de modernité ramenant au réel. La mise en scène tout en gimmicks dans ses effets de montages, ses zooms et artifices psychés perverti la candeur du propos, on ressent comme une anomalie implicite, notamment dans les plans où la demeure conjugale ultra-moderne ne se fond pas dans l’espace naturel. Sidney Gilliat nous manœuvre bien cependant, en instaurant progressivement un climat paranoïaque où la menace est multiple et insaisissable. Cela vient-il de la nombreuse famille d’Ellie, vautours craignant de se faire prendre le magot par le nouveau venu arriviste ? S’agit-il d’une malédiction locale incarnée par une vieillarde médium rôdant autour de la maison ? Ou bien faut-il soupçonner Greta (Britt Ekland), meilleure amie un peu trop envahissante qui s’immisce entre Ellie et Michael ? Le réalisateur nous mène suffisamment bien en bateau pour maintenir la tension, et installe de purs moments d’étrangeté où les ambiances gothiques s’invite dans une imagerie pop – Michael observant de loin Ellie jouer et chanter au piano.On pourrait même considérer que Gilliat par le choix de ses interprètes trouble un certain idéal juvénile et romantique contemporain, puisque Hayley Mills et Hywel Bennett formaient déjà un beau couple cinématographique après le succès de The Family Way de Roy Boulting (1966) - et que Boulting lui-même avait déjà noircit avec Twisted Nerve (1968).Les raisons de ce conte déréglé, de cette beauté viciée, nous apparaîtrons dans toutes leurs horreurs avec un beau sens du rebondissement, malgré une relative lourdeur psychologique durant l’épilogue. C’est notamment le cas lorsqu’un dialogue verbalise ce qui avait été si bien instauré par l’image, avec ce psychanalyste disant à Michael qu’il a une manière différente de raconter les faits, selon leurs véracités ou selon celle par laquelle il les voit. Malgré ces petits écueils, Endless Night est demeure cependant une belle et singulière proposition de thriller psychologique qui, si elle ne soulèvera pas les foules en Angleterre, marquera les esprits en Italie où émerge alors le giallo avec lequel de nombreux rapprochements sont possibles.
Sorti en bluray français chez Studiocanal
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire