Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram
Une étrange affaire - Pierre Granier-Deferre (1981)
Louis Coline (Gérard Lanvin), marié avec Nina (Nathalie Baye), est employé dans le service marketing d'un grand magasin parisien. Un matin, on annonce un plan social et le rachat du groupe par un certain Bertrand Malair (Michel Piccoli). Ce dernier arrive de façon très discrète et se montre relativement mystérieux et laconique. Il entre en contact avec Louis, qu'il décide de garder et même de le gratifier d'une promotion de chef de la publicité du magasin. Entrant dans la sphère d'influence du président, va naître chez Louis une fascination pour Bertrand qui ira jusqu'à s'immiscer dans sa vie privée...
Adapté du roman Affaires étrangères de Jean-Marc Roberts, voilà ce qui est sans doute un des films les plus juste sur le monde de l'entreprise, et des rapports dominant/dominés qui s'y jouent. On assiste ainsi à la lente déchéance d'un employé d'un grand magasin, pressuré jusqu'à la moelle par son patron Michel Piccoli. Cette descente aux enfer suit une évolution parfaitement pensée par Pierre-Granier Deferre à travers les méthodes employés par le patron pour déstabiliser son personnel. C'est donc tout d'abord un grand patron invisible et sans nom qui va distiller le malaise parmi ses employés à son arrivée, laissant planer le doute sur son activité, ses origines et ses projets quant à l'entreprise. Ainsi sous tension, les subalternes s'avèrent d'autant plus malléable lorsqu'il entre en scène, craintifs qu'ils ont pour leur avenir. Une méthode de management par la peur qui annihile toute opposition lorsque les immanquables décisions révoltantes et renvoi en tout genre se feront sentir.
Gérard Lanvin en monsieur tout le monde gouailleur progressivement broyé psychologiquement par Piccoli est parfait, et on comprend le choix d'avoir choisi un acteur aussi physique et charismatique la soumission n'en étant que plus surprenante et forte. Quant à Michel Piccoli, il est vraiment fabuleux : sourire en coin aussi amical que menaçant, la réplique la plus anodine sonnant toujours de manière déstabilisante, c'est un véritable vampire de l'âme aspirant la personnalité et la volonté de ses employés jusqu'à la rupture. Jean-Pierre Khalfon en sbire sinistre et soumis est tout aussi pathétique et inquiétant, tandis que Nathalie Baye en épouse dépassée est comme souvent formidable.
Avec une histoire pareille, on pouvait s'attendre à un traitement baroque (façon The Servant de Losey) et une mise en scène marquée pour illustrer ses rapports de soumission. Il n'en est rien et c'est ce qui fait toute la force du film qui adopte un ton feutré, sobre et glacial. La perte de repère de Lanvin se fait de manière insidieuse, dictée par des situations de plus en plus sournoise (le passage où Piccoli vient sans gêne dormir chez Lanvin pour le tester) et des relations presque de camaraderie conviviale (ce qui rend d'autant plus dur de s'en détacher que si le rapport avait été tendu) entre patron et employé.
Le sourire carnassier de Piccoli finit par briser toute fierté et autonomie chez Lanvin qui perd tout sans sourciller et colle aux basques de son mystérieux supérieur. Il est sous-entendu (un peu trop même) que c'est l'absence de père qui permet à Piccoli de s'engouffrer dans la brèche et totalement assujettir Lanvin, comme le suggère une conclusion pathétique et troublante. Un film vraiment atypique dans le cinéma français.
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