Frisco Jenny est devenue orpheline
durant le tremblement de terre de San Francisco en 1906. Plus tard, elle
se retrouve patronne d'une maison de débauche. Ayant mis son fils dans
une famille d'adoption, celui-ci, après avoir suivi des études de droit,
devient procureur et est désigné pour instruire un procès afin
d'éradiquer la prostitution dans la ville…
Un très grand
mélodrame qui affirme définitivement Wellman comme un des maîtres
du genre en ce début des années 30, lui qui signera l'un des plus
grands de la décennie avec sa première version de une étoile est née en
1937. Avec
Frisco Jenny il réalise en quelque sorte la matrice de quelques grands mélodrames "maternels" à venir comme
À chacun son destin de Mitchell Leisen (1946) ou encore
Madame X (1966) (encore que pour ce dernier le script de Wilson Mizner sur
Frisco Jenny
doit sans doute déjà pas mal à la pièce originale et antérieure de
Alexandre Bisson) mais ici rehaussé par la provocation Pré-Code et le
sens de la tragédie qu'instaure Wellman.
Le récit est celui d'une
femme dont la maternité perdue représente le seul îlot d'une existence
scandaleuse aux yeux des autres. Le début du film voit la jeune Jenny
Sandoval (Ruth Chaterton) tout perdre dans le tragique tremblement de
terre de 1906, sa situation, son père et son fiancé. Quelque chose a
cependant survécu des décombres et constituera son seul lien émotionnel
désormais : elle est enceinte. Ce fils deviendra l'objet de bien des
renoncements et sacrifices pour Jenny, l'immoralité apparente du
personnage (en plein ascension par la réussite dans le proxénétisme et
le trafic d'alcool) contrebalançant constamment avec la mère dévouée que
tout le monde ignore.
Le scénario la fait ainsi constamment naviguer
entre deux eaux, le stupre et la pureté d'âme, la seconde provoquant
cruellement le basculement dans la première. En début de film, ses
fiançailles lui promettraient un horizon plus noble que le commerce
douteux de son père mais le tremblement de terre vient briser ces beaux
projets. Devenue mère, la pauvreté l'obligera à se prostituer puis à
développer un talent certain dans le crime. Cette facette prendra un
tour tragique dans la dernière partie où c'est celui auquel elle a tout
sacrifié qui la conduira à perte, le fils adopté et devenu procureur se
faisant l'inquisiteur impitoyable de sa propre mère.
Le brio
narratif de Wellman fait merveille pour dépeindre cette destinée
tragique, le récit fonctionnant ainsi par ellipse où nous faisant
presque à chaque fois redécouvrir Jenny et son environnement toujours
plus luxueux et scandaleux le rebondissement concluant la séquence
précédente déterminant toujours un peu plus la dépravation croissante de
la suivante.
Drame et perdition morale sont toujours constamment liés
dans la trajectoire de notre héroïne, culminant lors de la formidable
scène du tribunal. Le montage alternant la diatribe du procureur, le
visage désapprobateur des jurés et le visage accablé de Jenny fait
sonner chaque mot comme un coup de poignard quand on connaît les raisons
de ses méfaits.
Ruth Chaterton (qui avait expérimenté justement ce
type de personnage avec une version de
Madam X en
1929) est bouleversante, visage de poupée de porcelaine progressivement
altéré par la vie, tout aussi digne et déterminée des bouges sordides à
la solitude de sa prison en conclusion. Dans ue magnifique idée visuelle
finale, Wellman illustre symboliquement sa mort avec la brûlure des
photos de son fils, la faisant disparaitre avec les images de celui pour
lequel elle s'est tant raccrochée à la vie.
Sorti en dvd zone 2 français chez Warner dans la collection Pré-Code
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