À Los Angeles, un groupe d’adolescents fascinés par le people et l’univers des marques traque via Internet l’agenda des célébrités pour cambrioler leurs résidences. Ils subtiliseront pour plus de 3 millions de dollars d’objets de luxe : bijoux, vêtements, chaussures, etc. Parmi leurs victimes, on trouve Paris Hilton, Orlando Bloom et Rachel Bilson. Les médias ont surnommé ce gang, le "Bling Ring".
Sofia Coppola aura exploré de bien des façons au cours de sa filmographie le spleen et la solitude des jeunes filles. L’approche se fit évanescente et rêveuse dans l’inaugural Virgin Suicide (1999), intimiste et romantique dans Lost in translation (2003) et puis fut marquée par un faste de sons et lumières contrebalançant le spleen ambiant dans le superbe Marie-Antoinette (2006). Adolescentes ou jeunes adultes, les personnages féminins y étaient confrontés à leur mal-être et un sentiment d’isolation où se ressentait constamment l’empathie d’une Sofia Coppola y mêlant beaucoup de ses propres fêlures. Ces trois premiers films constituaient dans leur facture esthétique et l’âge croissant de ses héroïnes une sorte de trilogie idéale par rapport à laquelle Somewhere (2010) fit inévitablement figure de redite. Si effectivement Sofia Coppola y creusait sans doute une fois de trop le même sillon, l’ambiance cotonneuse, la fragilité de la jeune Ella Fanning (encore épatante récemment dans Ginger et Rosa) et l’imagerie désacralisée de cet Hollywood le rendait assez entêtant.
La réalisatrice fait réellement sa mue avec The Bling Ring qui lui ouvre sans doute
la voie à d’autres horizons. Le film
transpose les méfaits du gang des Bling Ring, groupe d’adolescent qui entre 2008 et 2009 se firent connaître en
cambriolant des résidences de célébrités hollywoodiennes. Après avoir été arrêtés et condamnés, ces
forfaits ouvrirent au contraire aux jeunes criminels les portes de la célébrité
puisque certains devinrent des vedettes du showbiz ayant entre autres leur
propre émission de télé-réalité. Le scénario s’inspire de l’article de la
journaliste Nancy Jo Salles consacré au
gang paru dans Vanity Fair et la narration comme l’esthétique du film reprend
ainsi ce côté glamour, chic et choc et urgent inspiré des milieux fascinant nos
voleurs.
Le côté éthéré et en apesanteur ressenti dans tous les films
précédents disparait complètement ici. Cette approche se justifiait par la
tendance à l’introspection des personnages, mais les « Bling Ring » n’ont
guère de temps à y consacrer. Tous va ici très (trop) vite au service du vide :
le défilé de citation et d’essayages de marques de luxe quand s’accumule le
butin, les sorties en boite pour observer d’un œil envieux les célébrités puis
pour exhiber ses atours fraichement dérobés. Les dialogues creux des adultes
servant des mantras absurde (excellente Leslie Mann en maman dépassée)
annoncent l’avenir de ces jeunes pour l’instant fascinés par l’icône du vide
par excellence, Paris Hilton dont la demeure sera plus d’une fois visitée.
L’esthétique
est donc à l’avenant, Sofia amplifiant les penchants les plus tapageurs de son Marie-Antoinette avec une bande son énergique,
un montage saccadé et une image passant par divers format épousant toujours (directement
ou non) le besoin des Bling Ring d’être regardé. Le format numérique plus
immédiatement immersif dans leur intimité alterne ainsi avec les caméras vidéos
filmant les intrus, la caméra omnisciente (et moralisatrice ?) de Coppola
observant dans une magnifique plongée nos voleur déambulant dans une maison et
bien sûr des inserts des mises à jour régulière des pages Facebook de chacun
après chaque nouveau méfaits. Car c’est bien ce désir d’être admiré, regardé et
jalousé qui perdra les Bling Ring absolument pas discret quant à leurs
activités nocturnes.
Dépeint ainsi, les personnages pourraient sembler
détestables d’autant que Sofia Coppola ne se reconnaît pas en eux au contraire
de ces œuvres antérieures (la plongée précitée affirmant cette distance face aux
évènements). Néanmoins même si déformée à l’aune de la génération Facebook/twitter
cette communauté adolescente ne diffère pas tant de celles passées et le film
évite tout constat réactionnaire. Les jeunes acteurs sont épatants de
complicité et d’énergie, la superficialité comme la lucidité se révélant avec
cette nouvelle renommée.
Les apartés les montrant en interview revenir sur les
évènements apporte ainsi un recul bienvenu avec un Mark (Israel Broussard
attachante révélation) conscient de ses erreurs, Nicki (Emma Watson à la
carrière post Harry Potter toujours
aussi épatante) en parade marketing ou le cerveau de l’affaire Rebecca (Katie
Chang) au sang-froid glaçant pour son âge. Les cambriolages auront ainsi
nourrit les manques de chacun, celui de se faire des amis, posséder et surtout
d’être vu.
Sofia Coppola réalise là un pendant au Spring Breakers de Harmony Korine sorti cette année. Seulement là
où Korine stigmatisait le vide du rêve de ses fêtardes adolescentes, il
célébrait aussi la liberté et l’hédonisme de leur choix dans une imagerie
fantasmée épousant leur trip « sex drugs and rock’n’roll » jusqu’au
bout pour un résultat grandiose (l’extraordinaire séquence sur le Everytime de Britney Spears ou le final façon
girls and guns). Le rêve était creux vu de l'extérieur, mais c'était le leur et elles le vivrait à fond.
Un Michel Gondry savait aussi ramener une vraie bienveillance dans son beau teen movie 2.0 The We and The I (2012) où les artifices modernes révélait des ados comme les autres. Là, Sofia
Coppola parvient à s’extirper de l’impasse où l’avait placée Somewhere pour une vraie réussite dont
néanmoins se dégage finalement une certaine froideur. Une mue qui demande
confirmation dans une œuvre plus chaleureuse, Sofia Coppola n’est jamais meilleure
que quand elle aime et s’identifie sincèrement à ses personnages.
Sortie en salle le 12 juin
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