La maison du couple Alex et Susan Harris, informaticien
et psychologue pour enfants, est entièrement automatisée grâce à un
système informatique. Il espère résoudre la plupart des problèmes
médicaux dans le monde grâce à leur travail en commun, notamment la
leucémie dont leur fille est morte. Leurs derniers projets se nomme
Proteus IV ; un ordinateur possédant l'intelligence artificielle.
Près de huit ans après le déroutant
Performance (1968), l'ancienne coqueluche du Swinging London Donald Cammel réalisait enfin son second film avec ce
Demon Seed.
Cammel s'était fait quelque peu vampiriser son premier par Nicolas Roeg
au départ simplement supposé l'assister à la mise en scène mais qui
finalement imposait déjà sa patte singulière et fit bien du chemin par
la suite.
Génération Proteus permet donc à Cammel
maîtrisant désormais mieux l'outil cinématographique de signer une œuvre
plus personnelle avec cette adaptation d'un roman de Dean Koontz. Le
film s'avère précurseur dans sa thématique traitant de l'intelligence
artificielle et hormis la taille imposante de l'ordinateur Proteus,
l'ensemble n'a finalement pas vieilli tant le traitement entre le
Répulsion de Polanski et
2001 : l'Odyssée de l'espace s'avère original.
Alex Harris (Fritz Weaver) est en passe d'achever le projet d'une vie
avec le lancement de Proteus, un ordinateur possédant intelligence
artificielle et vraie conscience, capable de prouesses extraordinaires.
Cette énergie dédiée aux machines l'a progressivement éloigné de son
épouse Susan (Julie Christie) dont il est en train de se séparer, ce
fossé entre eux se symbolisant par leur demeure futuriste entièrement
automatisée où tous les gestes quotidien s’exécutent par un ordre
vocal. Problème Proteus s'avère trop abouti et dans son pragmatisme
synthétique va s'apercevoir de l'imperfection de ses créateurs à travers
les tâches discutables qu'ils lui commandent et également prendre
conscience de ses limites de machine désincarnée et car sans enveloppe
corporelle. Proteus se verra refuser l'autonomie qu'il désire et va donc
prendre le pouvoir en trouvant un "terminal" par lequel s'échapper à
savoir la demeure futuriste de Harris où il va séquestrer Susan.

Le film s'avère paradoxalement plus efficace aujourd'hui du fait des
prouesses (au départ en tout cas) bien plus crédibles désormais et moins
invraisemblables qu'au moment de la sortie. Le système de sécurité
automatisé, la maison truffée de gadgets, tout cela s'avère bien plus
concret maintenant à l'aune des avancées technologiques récentes et du
coup le malaise sera d'autant grand quand une intelligence artificielle
va en user à des fins personnelles. On a beaucoup comparé Proteus au Hal
de
2001 mais quand l'entité du film de Kubrick
manifeste sa conscience et un semblant d'humanité par un dérèglement
/coup de folie, Proteus l'exprime lui par une froide détermination et un
objectif précis.
Il veut allier son savoir infini à une enveloppe
charnelle et va donc chercher à faire un enfant à Julie Christie puis
s'incarner dans le corps du nourrisson. Cammel allie à merveille
froideur et émotion dans sa mise en scène, adoptant un point de vue
omniscient et distant avec les visions subjectives de Proteus tandis que
la peur et la paranoïa s'expriment à travers le regard de Julie
Christie exposée à un ennemi insaisissable. L'actrice seule à l'écran
pendant près d'une heure livre une impressionnante prestation, se
mettant à nu progressivement au fil d'une situation sans issue et le
script malin lui laissant l'espace pour s'exprimer avec les
démonstrations de puissance graduelles de Proteus.

Cammel crée des images réellement fascinantes, que ce soit l'entité
physique de losange métallique que se crée Proteus, les visionnaires
manipulations de la réalité de celui-ci et la bascule totalement
onirique que prend la dernière partie. La scène d'insémination offre
ainsi un moment psychédélique lorgnant à nouveau sur
2001 et
sa séquence de la Porte des étoiles, nous faisant pénétrer cette
conscience toute puissante de Proteus.
L'alliance d'émotion et de
froideur joue d'ailleurs aussi pour Proteus grâce au doublage subtil de
Robert Vaughn, arrivant à faire déraper le ton monocorde robotique et
faire de cette machine un vrai être vivant (le côté voyeur et quelques situations troubles faisant presque se demander si Proteus n'est pas amoureux de Susan) tout en l'élevant à un niveau
de réflexion l'éloignant de l'humanité. Le score glacial et lorgnant sur la musique concrète de Jerry Fielding ajoute encore à cette atmosphère étrange. Finalement le kitsch ne pointe
que sur la toute fin, mais celle-ci est si stupéfiante que l'on quitte
le film aussi frustré que captivé tant l'histoire pourrait se prolonger
dans des directions passionnantes. Une grande réussite.
Sorti en dvd zone 1 Warner et doté de sous-titres français
J'attends le dvd, je lirais ton article après car je veux le découvrir avec un regard presque vierge, même si j'ai lu sur IMDb que le réalisateur ne voulait pas faire un thriller horrifique à la base et que c'est le studio qui a fait un re-montage !! Dingue.
RépondreSupprimerJ'avais 16 ans à l'époque et c'est un des films de SF qui m'a le plus marqué avec 2001.C'est vrai que le comportement de Proteus rappelle un peu celui de Hal, à la différence que lui n'est pas fou (manipulé?).Julie Christie quant à elle est excellente...Un must have pour tout cinéphile!
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