Été 1940. France. Dans
l’attente de nouvelles de son mari prisonnier de guerre, Lucile Angellier mène
une existence soumise sous l’œil inquisiteur de sa belle-mère. L’arrivée de
l’armée allemande dans leur village contraint les deux femmes à loger chez elles
le lieutenant Bruno von Falk. Lucile tente de l’éviter mais ne peut bientôt
plus ignorer l’attirance qu’elle éprouve pour l’officier…
Le magnifique livre d’Irène Némirovsky n’aura
malheureusement inspiré qu’un mélodrame sans saveur. Suite Française est un roman paru à titre posthume en 2004 après
que Denise Epstein, fille d’Irène Némirovsky ait découvert dans une malle le manuscrit
qu’elle prenait pour le journal intime de sa mère. Irène Némirovsky avait fuie
avec sa famille sa Russie natale au soir de la Révolution Russe pour s’installer
en France où elle devient un écrivain reconnu dans les années 20 notamment avec
son classique David Golder. Cette
terre d’accueil va pourtant devenir oppressante à son tour avec un
antisémitisme galopant (elle-même ayant un rapport complexe et conflictuel à sa
religion) qui culminera durant l’Occupation. Mise au ban de la société, portant
l’étoile jaune et interdite de publier, Irène Némirovsky se réfugie à la
campagne où elle rédige sa fresque Suite
Française. Elle se raccroche à l’écriture de ce récit ambitieux avec force
manquant parfois de papier et devant le laisser inachevé lorsqu’elle sera
capturée et déporté pour mourir au camp de concentration d’Auschwitz. Le livre
est une fulgurante photographie en deux temps de la France occupée.
D’abord le
chaos de l’exode alors que les allemands approchent, où l’on capture une France
divisée par les conflits de classe avec le portrait de petite gens courageux, d’une
bourgeoisie tenace et accrochée à ses privilèges, d’une jeunesse corrompue. L’humour
le plus mordant se dispute à la tragédie, l’ironie la plus acerbe alterne avec
l’émotion la plus sincère. La seconde partie confrontait cette France divisée
et brisée à l’envahisseur avec la cohabitation entre allemands et français dans
un petit village. Là aussi la description était fort subtile, les allemands n’étant
jamais dépeint comme des tyrans (tous n’étant pas des nazis sanguinaires mais
de simple soldats contraint de suivre les ordres) mais comme un peuple pétri de contradictions
au même titre que les français. La coexistence semble presque possible à
travers quelques visions fraternelles que le contexte de guerre vient balayer,
tout comme l’histoire d’amour entre un officier allemand et une jeune française.
Tous ces principes seront balayés dans l’adaptation où l’affiche
à l’eau de rose et la bande-annonce sirupeuse laissent déjà craindre le pire.
Déjà le film va au plus simple en ne transposant que la seconde partie et sa
romance tragique. Un travail d’adaptation était bien sûr forcément nécessaire
mais ici il ne consistera qu’à ajouter des éléments de mélo simpliste qui gâche
une trame pourtant assez fidèle au roman. Là où malgré le drame qu’elle vivait
Irène Némirovsky avait évité tout manichéisme, ici on tombe en plein cliché
avec des soldats allemands qui oscillent entre silhouettes anonymes menaçantes
et officier sadiques libidineux. La méfiance, l’amitié naissante et la haine
entre occupant et occupés en reste à une opposition simpliste quand la
curiosité entre deux peuples si différents étaient au cœur du livre –
production internationale oblige tout le monde parle anglais ce qui ôte une
partie de cette différence.
L’histoire d’amour parvient à vaguement maintenir l’intérêt
grâce à l’interprétation convaincante de Michelle Williams et Matthias Schoenaerts mais là aussi le
scénariste à la main lourde en ajouts grossiers : l’amour chaste et
impossible sur papier s’autorise un semblant d’étreinte à l’écran, le soldat
amoureux mais soumis à son devoir s’autorise un sacré écart dans la scène
finale. Même en oubliant la base littéraire malmenée, en tant qu’œuvre romanesque
l’ensemble est d’une grande platitude et académisme. Pas une catastrophe mais
terriblement insipide au vu de la source. Mine de rien, le livre aura été
adapté officieusement –et avant son exhumation - de façon bien plus captivante
avec l’excellent Bon Voyage (2003) qui traitait avec une force dramatique, un
humour, une ironie, une densité narrative impressionnante et un sens du
romanesque tout ce qui n’est qu’effleuré ici.
En salle en ce moment
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire