Un milliardaire puritain et son cousin
tentent de compromettre une toute nouvelle production de Broadway mise
en scène par un de leurs parents éloignés.
En trois triomphes artistiques et commerciaux signés en durant la seule année 1933 (42e rue et Prologue de Lloyd Bacon, Gold Diggers of 1933
de Mervyn LeRoy), Busby Berkeley était devenu une figure incontournable
de la Warner avec ses numéros musicaux extravagant. Cette importance se
manifesterait également au générique des films puisque de simple
chorégraphe sur Gold Diggers of 1933 et 42e rue
il serait désormais crédité comme coréalisateur et seul créateur des
séquences musicales.
Cette mainmise progressive permet du coup de saluer
le talent de Lloyd Bacon et Mervyn Leroy puisque dans leurs films le
final sur un grande séquence musicale constituait le point d'orgue mais
pas la seule raison d'être d'un récit qui aura su nous tenir en haleine
par son énergie et euphorie (Prologue), sa force drame (42e rue) et une tonalité constamment inscrite dans le contexte d'alors de la Grande Dépression (42e rue). Avec Dames
(1934), la formule est désormais bien installée tout comme les acteurs
récurrents (on retrouve le couple Dick Powell/Ruby Keeler, Joan Blondell
ou encore Hugh Herbert et Guy Kibbee caution comique des films
précédents) et le réalisateur semble avoir une marge plus réduite, Ray
Enright étant le troisième choix après notamment la défection de Archie
Mayo initialement envisagé.
Le scénario de Robert Lord et Delmer
Daves tente une approche différente, le cœur du récit ne reposant plus
sur la seule confection du spectacle et ce dernier ne constituant plus
ce refuge face à la crise économique qui n'est plus évoquée (seul le
personnage Joan Blondell reste rattaché légèrement à ce contexte sinon
les héros sont des nantis). L'angle choisit reste néanmoins pertinent en
dépeignant le monde du spectacle comme un havre de liberté s'opposant à
une société puritaine et adepte de la censure, d'autant que le Code
Hays désormais bien mis en pratique amène un lissage de l'érotisme et de
la provocation des films précédents.
Hal Wallis fit notamment éliminer
du script avant tournage un numéro qui montrait une bagarre entre un
chat et une souris conclut par une Joan Blondell entonnant la douce
invitation "come up and see my pussy sometime" qui aurait eu du mal à
passer. Dans le film le puritain et excentrique milliardaire Ezra Ounce
(Hugh Herbert) soumettra ainsi ses héritiers à une morale irréprochable
qui n'implique évidemment pas de participer à des spectacles de
Broadway. Jimmy' Higgens (Dick Powell) et Barbara Hemingway (Ruby
Keeler) n'en ont cure et feront passer quelques suées à leur entourage
lorgnant sur l'héritage, le père (Guy Kibbee) subissant même le chantage
de la provocante Mabel Anderson (Joan Blondell irrésistible comme
d'habitude) pour financer le spectacle.
L'approche était donc intéressante mais reste à l'état d'ébauche et fait
plutôt figure de prétexte en attendant le final musical. La comédie un
peu balourde arrache certes quelques sourires, le couple Dick
Powell/Ruby Keeler est toujours aussi charmant mais on sent la formule
et tout cela fait tout de même office de remplissage avec les numéros
musicaux. Heureusement là tout est pardonné tant Busby Berkeley semble
au sommet de son inventivité et extravagance. The Girl at the Ironing Board
voit une Joan Blondell modeste lingère s'épanouir au milieu des pyjamas
et autres sous-vêtement masculins, osant une promiscuité audacieuse (un
pyjama ayant semble-il la main baladeuse) et des images complètement
folles.
Ce n'est pourtant rien à côté de I Only Have Eyes for You,
déclaration d'amour et ode délirant à Ruby Keeler. On opère d'abord par
le vide avec un contexte réaliste (ruelle, métro, publicité) se vidant
pour laisser place à un Dick Powell énamouré d'une ravissante Ruby
Keeler. On procède ensuite par l'envahissement, l'espace mental de
l'amoureux fou se remplissant de l'image de Ruby Keeler sous toutes les
formes possibles : masques gigantesques, illusion d'optique et jeu sur
la perspective nous faisant croire qu'elle se démultiplie à l'écran à
travers toutes les danseuses vêtues comme elle et bien sûr omniprésence
de l'intéressée quasiment de tous les plans et renforçant la prouesse
vertigineuse.
La déclaration s'étend à la femme et à ses charmes dans
son ensemble avec Dames, ultime
numéro coquin en diable et où la caméra de Berkeley se fait plus
virevoltante que jamais, multipliant les effets pour mieux s'abandonner à
son gouts pour les formes géométriques. La résolution est expédiée avec
la même désinvolture que ce qui a précédé mais en dépit du récit lâche
l'émerveillement pour les séquences musicales aura quand même réussi à
nous emporter.
Sorti en dvd zone 1 chez Warner
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