Alison Drake dirige d'une main de fer
une grande entreprise automobile, la Drake General Motors, qu'elle a
héritée de son père. Lassée d'être sans cesse courtisée pour son argent
et non sa personne, elle s'amuse à inviter des employés de l'entreprise à
diner en tête à tête, puis dans son lit, avant de les rejeter le
lendemain. À la suite d'une soirée mondaine où elle est une fois de plus
courtisée par tous, elle décide de sortir incognito et de se fondre
dans la masse d'une fête foraine. Elle y rencontre un homme très
séduisant Jim Thorne, qu'elle retrouve dans son usine le lendemain et
qui n'est autre que l'ingénieur qui doit sauver l'entreprise de la
faillite.
Hormis une conclusion expédiée faisant sans y
croire rentrer la situation dans la "norme", Female est une œuvre
emblématique d'une certaine vision de la femme dans ce cinéma Pré Code
des années 30. Les figures féminines s'y élèvent à la force du poignet
en se montrant aussi impitoyable que les hommes, tout en ne pouvant
totalement s'empêcher d'être rattrapée par leurs émotions. Le schéma
prend généralement un tour social, cette élévation marquée par la Grande
Dépression servant autant à sortir de la fange qu'à triompher du
machisme dominant telle la Barbara Stanwyck de Baby Face
(1933). Ruth Chatterton incarne un autre versant de cette thématique,
symbolisant à la fois cette ascension sociale mais également une femme
de pouvoir glaciale en mère maquerelle dans Frisco Jenny
(1932). Son humanité ressurgissait par la maternité dans ce film quand
ce sera les tourments inattendus de l'amour qui la feront vaciller dans Female.
Elle y incarne Alison
Drake, l'héritière d'une grande entreprise automobile qu'elle dirige
d'une main de fer. Une position qui l'isole dans ses émotions contenues
et son rapport aux autres complexes. La scène d'ouverture nous plaçant
dans une grande réunion de comité d'entreprise exprime bien cela,
faisant surgir Alison presque par surprise dans ce monde d'homme où elle
s'imposera par une volonté de fer en rabrouant brutalement un employé.
Elle n'en reste pas moins une femme avec ces désirs mais ceux-ci
s'exécutent avec la même rapidité et autorité que celle exigées par les
grandes décisions industrielles de son quotidien professionnel. Un
regard bref et concupiscent vers un employé bien de sa personne, une
invitation à dîner tout autant dénué de spontanéité dans son déroulement
(les appels codés d'Alison à ses majordomes) et une nuit dont il ne
devra plus rien subsister de retour à l'entreprise. Les amants d'un soir
trop insistants seront expédiés dans une obscure succursale canadienne.
Les
personnages masculins du film ne semblent guère mériter mieux
d'ailleurs. Le machisme latent et le sentiment de possession (la
désinvolture d'un amant s'asseyant sur le bureau d'Alison après une
première nuit) et la déférence plus ou moins intéressée (le jeune amant
bellâtre, un autre voyant dans l'union une fusion industrielle) semblent
faire du pouvoir d'Alison un obstacle insurmontable dans son rapport
aux hommes. En séduisant incognito un homme qui ne sait rien d'elle,
Alison découvre le plaisir d'être aimée pour elle-même mais finalement
la frustration aussi de ne pouvoir faire plier à ses volontés l'objet de
son affection. Cet homme c'est Jim Thorne (George Brent) une sorte de
mâle alpha guère impressionné même quand il découvrira qu'Alison est sa
patronne. Notre héroïne découvre donc tardivement les vertus de la
séduction, de la minauderie et d'une partie du renoncement à soi-même
que suppose le lien à l'autre. C'est un aspect des plus amusants du
film, offrant de superbes scènes romantiques. Le scénario est
malheureusement assez maladroit, ce chemin nécessaire d'Alison devenant
un retour pur et simple à l'image de femme au foyer ménagère et
génitrice avant tout.
Pas de juste milieu dans une conclusion trop
précipitée qui gâche toutes les audaces du film. Cela passait sans doute
mieux dans le contexte de sortie du film mais nettement moins pour un
spectateur contemporain. L'esthétique fouillée du film rattrape un peu
cet écueil. William Dieterle débuta le tournage (l'audace des rapports
amoureux rappelle bien l'auteur de Jewell Robbery (1933)) que malade il abandonna à William A. Wellman qui filma quelques scènes avant de rejoindre une autre production (College Coach
(1933)) et laisser Michael Curtiz tourner l'essentiel du film.
C'est
vraiment la patte de ce dernier que l'on ressent le plus à travers la
stylisation des décors reflets des personnalités d'Alison : froidement
géométriques, oppressant et industriels pour le monde de l'entreprise et
aérien, chatoyant et Art déco pour son antre de séduction. Une dualité
qui se ressent également dans les robes et négligés élégants se
disputant aux tailleurs monochrome et stricts, appelant tour à tour au
rapprochement ou à une intimidante distance. Passionnant donc si ce
n'était cette fin discutable.
Sorti en dvd zone 2 français chez Warner dan leurs collection consacrée au Pré-Code
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J'ai a-do-ré ce film, que j'ai découvert grâce au Cinéma de minuit, il y a quatre ans. Je suis d'accord, on ne croit pas une seconde à la conclusion qui fait rentrer, sans y croire, Allison dans le rang. Mais l'ensemble est détonnant, et Ruth Chatterton pique-niquant dans une robe vaporeuse… un vrai régal!
RépondreSupprimerOui vraiment dommage cette conclusion d'autant que dans d'autres Pré-Code comme Baby Face les héroïnes s'humanisaient sans ce type de revirement brutal. Mais c'est vrai que c'était souvent des personnages pauvres et parti de rien là Ruth Chatterton est une nantie toute puissante, ce n'est pas si idiot que paradoxalement elle veuille gouter à une forme de soumission matrimoniale. Mais bon c'est trop expédié pour être intéressant...
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