À l'avènement du cinéma parlant,
Chester Kent, producteur et metteur en scène de spectacles musicaux, se
retrouve sans travail. Il décide alors de monter des prologues destinés à
passer en première partie des films. Mais une espionne introduite parmi
les chorus girls lui vole systématiquement ses idées pour les revendre à
une firme concurrente.
Footlight Parade marque, avec 42e rue
sorti quelques mois plus tôt l'avènement de la collaboration entre
Lloyd Bacon et Busby Berkeley et la révélation du génie de ce dernier.
Berkeley s'était vu accorder une grande liberté de manœuvre sur 42e rue,
laissant libre cours à ses extravagances qui contrebalançaient une
intrigue assez sombre sur l'envers du décor de ce monde du spectacle. Prologue
constitue donc en quelque sorte le pendant lumineux de cette réussite
initiale, la légèreté et la bonne humeur prédominent cette fois dans un
récit jumeau dépeignant le chemin semé d'embûches de la création d'un
spectacle musical. L'histoire dépeint un contexte oublié où au début des
années 30 le cinéma gardait encore un lien avec ténu avec le monde du
spectacle et du music-hall.
L'avènement du parlant met à mal la
production de spectacles musicaux, mettant le producteur Chester Kent
(James Cagney) sur la touche pour un temps. Faute de pouvoir créer un
spectacle à part entière, il va devenir un complément de son rival
cinématographique en façonnant des prologues aux thématiques liées au
film à venir (idée avancée au début du film mais on se demander quel
film pour suivre les extraordinaires shows qui précèdent), à un rythme
industriel l'obligeant constamment à se réinventer et se produire dans
toutes les salles de cinéma du pays.
Toute la première partie du
film dépeint donc le long et laborieux processus créatif pour façonner
de nouveaux prologues, la vie quotidienne de la troupe et les
difficultés multiples inhérentes à ce monde du spectacle exalté mais
impitoyable. Ces passages que l'on doit à Lloyd Bacon sont loin de
constituer un remplissage sans intérêt comblant le vide avant les
morceaux de bravoures de Busby Berkeley. Ils sont au contraire cruciaux
pour que les numéros musicaux ne soient pas juste un ébahissement visuel
mais réellement impliquant de par l'intérêt et l'attachement aux
personnages qui a précédé. Lloyd Bacon sur un rythme trépidant rend
caractérise ainsi en quelques vignettes une multitude de protagonistes,
tous incarnés et inoubliables tout en fonctionnant sur des archétypes
(le chorégraphe dépassés et pleurnichard, le jeune premier bellâtre
incarné par Dick Powell, les producteurs fourbes et roublard).
Cette
légèreté de ton et ce rythme endiablé n'estompe cependant pas (même si
le ton est moins mélodramatique et sombre que 42e rue)
les pans les plus sombres de ce monde du spectacle avec un "espionnage
industriel" entre compagnies rivales, croqueuse de diamants (l'ex-femme
de Kent joué par Renee Whitney, la prétendante perfide incarnée par
Clair Dodd), profiteur placé là pour leur lien familiaux (le censeur
Hugh Herbert) où les gigolos castés pour leurs "amitiés" avec l'épouse
rombière (Ruth Donnelly) du producteur. Au centre de toute cette
agitation, l'artiste habité et désintéressé qu'interprète avec un brio
étourdissant James Cagney.
Surtout connu pour ces rôles de gangsters à
la Warner, l'acteur fit des pieds et des mains auprès du studio pour
figurer au sein du film en faisant valoir sa formation initiale de
chanteur et de danseur. Véritable boule d'énergie emportant tout sur son
passage, il symbolise merveilleusement l'artiste aveugle au monde
extérieur, y compris l'amour de sa fidèle secrétaire (magnifique Joan
Blondell) auquel il préfère forcément le clinquant trompeur de harpies
intéressées. Lloyd Bacon nous mène si bien que l'on en oublie l'absence
de séquence musicale pendant près d'une heure (si ce n'est le court
numéro Cats). Ce n'est que quand
la troupe joue son va-tout avec trois numéros préparés dans l'urgence
que les prologues enfin teintés d'enjeux peuvent se déployer durant les
dernières quarante minutes frénétiques.
Busby Berkeley réalise
(ou du moins est crédité) l'ensemble des numéros musicaux montrant
chacun une facette de sa virtuosité. Le vaudeville tourbillonnant guide
le Honeymoon Hotel truffés de
couple illégitimes, tout en cache, en entrée et sortie et mouvements de
caméra virevoltant dans l'architecture modulable de cet hôtel. Ce n'est
pourtant rien comparé à l'extraordinaire By a Waterfall,
véritable symphonie des eaux où des nymphes dénudées nous charme tout
en par leur formes généreuses devenant brusquement abstraites
lorsqu’elles façonnent d'éblouissante figures géométriques. L'atmosphère
dionysiaque est servie par les costumes extravagants, la métronomie des
figures imposée par les chorégraphies de Berkeley se reposant sur le
brio de ses chorus girls ou de tous les artifices que l'outil
cinématographique peut lui offrir : jeu sur la perspective de
l'impressionnant décor, transparences, fondus enchaînés et
accélérations.
C'est un émerveillement que l'on imagine mal être égalé
par le dernier numéro Shanghai Lil
mais en plaçant toujours la dramaturgie en amont, le film fait mouche
une fois de plus. La tension est à son comble dans cet ultime prologue
où rien n'est résolu, et c'est l'occasion pour James Cagney d'enfin
entrer en scène (avec un cadrage habile qui qui retarde la réalité de sa
présence dans le numéro).
On ressent la pure audace du Pré-Code (et
d'ailleurs dans tout le reste du film avec son festival de danseuse en
petite tenue et autres robes transparentes) avec cette atmosphère de
maison close orientale, ses prostituées métissée et ses bars à opium, la
trame jouant habilement sur le propre destin d'éternel dupé par les
femmes du personnage de Cagney.
Le passé d'instructeur militaire de
Berkeley ressurgit le temps d'une parade militaire finale conclue par
une idée géniale introduisant l'animation à l'ensemble. La réussite sur
scène se conjugue au bonheur des héros (annoncé en amont avec le
révélateur de la féminité de la scène pour Ruby Keeler), l'enjeu
amoureux se nouant dans un judicieux fondu au noir ou plutôt un tombé de
rideau parfait. La banane de la première à la dernière seconde !
Sorti en dvd zone 2 chez Warner
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