A Turin, l'architecte
Garrone est brutalement assassiné. Les soupçons du commissaire Santamaria,
officier méridional chargé de l'enquête, se reportent dans un premier temps sur
la séduisante Anna Carla, auteur d'une lettre où elle disait vouloir tuer Garrone.
Luigi Comencini offre une réjouissante et cinglante comédie
policière avec La Femme du dimanche, renouant avec un genre qui lui plus
familier qu’on ne le pense. Comencini aura abordé le polar à ses débuts avec La Traite des blanches (1952) dans une
veine sérieuse et surtout déjà dans un croisement à la comédie avec l’excellent Le Commissaire (1962). L’élément de
comédie y était amené par le policier maladroit incarné par Alberto Sordi qui s’y
trouvait partagé entre son ambition personnelle et sa conscience, les deux s’opposant
lorsqu’une possible promotion tiendrait à la condamnation d’un innocent. Vrai
polar teinté d’humour, Le Commissaire
dévoilait avec brio et intelligence sa critique féroce du dysfonctionnement de
la justice italienne.
La Femme du dimanche
creuse le même sillon mais adopte un ton bien différent, marqué le
désenchantement qui marque la comédie italienne des 70’s. Le Commissaire dans une construction habile révélait subtilement
son message social, les révélations constituant une rupture et une surprise
quant à la faillite des institutions. La
Femme du dimanche dévoile les failles et la monstruosité de la société
italienne sans le mystère de son prédécesseur, la rendant explicite jusque dans
la caractérisation de sa victime. Comme dans tout bon récit criminel, divers
personnages ont des motifs légitimes de vouloir la mort de l’architecte Garrone
(Claudio Gora) mais parallèlement il nous est présenté comme un répugnant
goujat libidineux. Il annonce ainsi le regard corrosif qu’adoptera Comencini
sur cette bourgeoisie turinoise à travers les différents suspects.
Le duo de
scénaristes légendaires de la comédie italienne Age et Scarpelli déjà auteur du
script du Commissaire (et qui
adaptent ici un roman de Carlo Fruttero et Franco Lucentini, fameux pamphlétaires
de la presse satirique italienne) s’avèrent donc plus frontal ici. Si leur
culpabilité criminelle reste à résoudre au cours du récit, celle plus morale et
hypocrite est dépeinte avec force. Vieux garçon de bonne famille cachant son
homosexualité avec Jean-Louis Trintignant, femme d’industrielle oisive (le titre étant ironique sur l'occupation passagère que constituera l'enquête) et
méprisante avec une étincelante Jacqueline Bisset, quand ce n’est pas l’honorable
et austère ville de Turin qui révèle son envers plus douteux : champs
rural révélant un espace de rencontre homosexuelle, le marché de Balon où va
avoir lieu un second crime… Les institutions en prennent pour leur grade
également avec des officiers de police incompétents, et leur dirigeant assujetti
à l’opinion et aux nantis.
Sa bienveillance, Comencini l’accorde à ceux qui
apparaissent comme des parias dans cet environnement. Marcelo Mastroianni est
pris de haut par l’ensemble des suspects, de par sa fonction subalterne bien
mais également à cause de ses origines méridionales. Mastroianni est épatant en
faux naïf qui voit et entend tout, capable de faire descendre de leur piédestal
chaque interlocuteur d’une réplique bien sentie, toute la relation avec Jacqueline
Bisset (et l’embryon de romance) et Jean-Louis Trintignant reposant là-dessus.
Tout en charme et en malice, il est épatant de bout en bout.
Le plus touchant
sera cependant le jeune amant homosexuel joué par Aldo Reggiani, évitant la
caricature (mais occasionnant quelques moments hilarants sur le rapport au mâle
italien qui ne souhaite absolument pas être confondu à lui, notamment le
policier qui le file), sensible et en quête d’affection au point de mener son
enquête parallèle pour dédouaner son amant. C’est par eux que naît l’intérêt
dramatique pour le récit qui, s’il est drôle et piquant de bout en bout manque
de nous laisser à distance à faire feu de tout bois - à commencer par l’arme du
crime, un immense phallus de marbre - d'autant que le réalisateur sait installer un eficace suspense par instant et lorgnant sur le giallo alors en vogue. Un Comencini agréable à défaut d’être
grand et qui participera à la reconnaissance critique que connaît alors le
réalisateur après un certain dédain (se souvenir de l’accueil honteux de L’Incompris à Cannes en 1966).
En salle
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