La Science des rêves est le premier film de Michel Gondry réalisé hors du giron du génial scénariste Charlie Kaufman après l'inaugural Human Nature (2001) et surtout Eternal Sunshine of the Spotless Mind (2004), bijou romantico-onirique qui lui vaudra sa première reconnaissance critique. Gondry s'émancipe ainsi avec La Science des rêves, son univers visuel singulier servant désormais un propos et une mélancolie bien plus personnelle (même si déjà perceptible dans Eternal Sunshine) s'affranchissant de la construction classique encore présente malgré la folie de Charlie Kaufman. Comme dans ses meilleurs films à venir ( L'Épine dans le cœur (2010), The We and The I (2012), Microbe et Gasoil (2015)) l'histoire part d'une observation et d'une expérience intime à travers le personnage principal (Gael Garcia Bernal en double rêveur de Gondry), les situations et le cadre (toutes les scènes de rêves transposant toute l'excentricité des vrais songes du réalisateur, le tournage dans son ancien immeuble) et surtout cette histoire amour contrariée réellement vécue par Michel Gondry - qui pousse loin la confusion puisque la vraie "Stéphanie" fait partie de l'équipe du film.
Stéphane (Gael Garcia Bernal) revient en France après le décès de son père mexicain sur l'appel de sa mère française (Miou-Miou). La frustration du quotidien le rattrape bientôt à travers la solitude, la grisaille parisienne et un job peu exaltant pour son esprit créatif . Heureusement il peut se réfugier dans ses rêveries intérieures pour illuminer son environnement et donner un parfum exaltant à ses nuits à travers des visions excentriques. Gondry donne pourtant un tour pathologique aux songes de son héros, que ce soit dans la confusion envahissant une réalité que Stéphane ne supporte pas ou lorsque les angoisses et souvenirs intimes envahissent l'inconscient du rêve. Notre héros dort ainsi dans son ancienne chambre d'enfant truffée de jouets, y fuyant le monde pour y bricoler les inventions les plus farfelues.
Cette peur de l'extérieur s'y manifeste en le déformant de façon ludique - Stéphane devenant un irrésistible centre du monde à son job terne - puis peu à peu inquiétante, le passé du personnage avec ce père désormais absent. Le rythme flottant et imprévisible du film participe à ce point de vue du personnage, autant pour traduire la bizarrerie du rêve que pour ressentir l'état d'esprit d'un dépressif. La rencontre avec sa jolie voisine Stéphanie (Charlotte Gainsbourg) pourrait permettre de résoudre le désordre régnant dans l'esprit de Stéphane. Gondry propose ainsi une sorte de comédie romantique aux contours détonant, notamment dans le quiproquo où Stéphane dissimule à Stéphanie qu'il est son voisin de palier. Leur esprit enfantin commun et gout du bricolage délirant sera l'occasion de beaux moments de complicités, la confusion avec le réel créant soudain des situations plus charmantes qu'anxiogènes (Stéphane pensant glisser en rêve un mot sous la porte de Stéphanie) et où Gondry déborde d'inventions formelles et narratives telle cette machine remontant le temps d'une seconde. La poésie de certaines séquences figure parmi les plus belles filmées par le réalisateur notamment celles où s'assoupissant au téléphone, Stéphane est "accompagné" dans sa rêverie par Stéphanie.
Gondry assume la dimension égocentrée du personnage qui fait son charme et ses limites. Au départ on ressent douloureusement l'affectueuse amitié ne se concrétisant pas en amour réciproque de Stéphanie, la rendant insaisissable et indécise à travers l'allure fragile de Charlotte Gainsbourg. Pourtant la caractérisation du personnage ne dépasse jamais (à la seule exception de la scène où on la voit sur son lieu de travail même si révélant un mensonge initial) la seule vision de Stéphane - c'est le cas pour tout les personnages restant à l'état de contour hormis Alain Chabat génial en collègue facétieux et obsédé - et lorsque ce double romantique idéalisé ne répond pas à ses sentiments, le film prend un tour plus sombre que le spleen latent initial.
Sorti en dvd zone 2 français et bluray chez Gaumont
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