Après une tentative de
suicide, Lane, fragile et tourmentée, s'est réfugiée dans sa maison du Vermont
où elle espère soigner sa dépression. Elle y accueille Peter, un écrivain
balbutiant qui vit mal son divorce et tente de se débarrasser de la pesante influence
de son père. Diane, la mère de Lane, les rejoint, en compagnie de son nouveau
mari. Cette ancienne actrice, exubérante, fantasque et autoritaire, assomme
Lane de ses conseils et de ses jugements hâtifs. Sa meilleure amie Stephanie
séjourne également avec eux, loin de sa famille.
Par son atmosphère pesante, feutrée et dépressive, September s’inscrit dans le registre
dramatique de Woody Allen et plus particulièrement sa veine Bergmanienne
initiée avec Intérieurs auquel on
pense beaucoup ici. L’inspiration de cette « sonate d’automne » est
cependant tout autre, l’idée du film naissant chez Allen à la fois d’un lieu
(la maison de campagne de Mia Farrow intégralement reconstituée en studio) et d’un
auteur qu’il admire, Anton Tchekov. September
est ainsi une variation de la pièce Oncle
Vania dont Allen revisite les thématiques et le postulat, une fin d’été
dans une maison de campagne où éclatent les frustrations, rancœurs et dépits
amoureux d’un groupe de personnage. L’aspect théâtral est clairement assumé par
le réalisateur qui privilégie les longs blocs narratifs figurant des actes et
une mise en scène épurée où la photo de Carlo Di Palma, les cadrages et la
prestation des acteurs feront naître sobrement l’émotion plutôt que des
mouvements de caméra trop visible.
On peut aussi voir dans le film un pendant inversé de Comédie érotique d’une nuit d’été où la
langueur estivale et également rurale était un moment de tous les possibles, d’espoirs
et de délicieuse fantaisie. September
en se situant justement à la fin de l’été nous frustre de cette parenthèse
enchantée où les protagonistes ont cru pouvoir aspirer à autre chose et son
ramené à une réalité cruelle. Lane (Mia Farrow) jeune femme dépressive s’est
réfugié dans sa maison du Vermont pour se reconstruire, et est tombée amoureuse
de Peter (Sam Waterston) aspirant écrivain et fraîchement divorcé. Celui-ci n’a
d’yeux que pour sa meilleure amie Stephanie (Dianne Wiest), malheureuse dans
son mariage et venue passer l’été avec Lane.
Enfin Howard (Denholm Elliott) le voisin bienveillant et confident de Lane
souffre également de son indifférence et à tout cela va s’ajouter un lourd
passif familial avec l’exubérante mère de Lane (Rosemary Murphy) venu lui
rendre visite avec son nouvel époux (Jack Warden). La frustration et les
sentiments contrariés restent diffus au départ, Allen usant d’une relative
légèreté en baignant l’atmosphère d’une culture d’inspiration russe (l’ouverture
où deux personnages s’exercent au français qui aurait presque eu sa place dans
une adaptation littérale d’Oncle Vania avec
sa noblesse russe bercée de culture française) et également de ses propres
marottes de jazz. Tout cela participe pourtant à la dramatisation à venir, l’exercice
du français exprime la frustration familiale de Stephanie et le regret de sa
jeunesse passée en France tandis que le disque de jazz en fond sonore lui a été
offert par Peter pour une évocation allusive de leur complicité.
C’est alors que la nuit approche, que l’orage gronde et
prive la maison d’électricité que le malaise peut s’exprimer. Allen le déploie
en isolant ses personnages, seuls ou à deux dans l’espace et libérant leur
parole après les multiples verres d’alcool consommés. La romance retenue et
coupable ente Peter et Stephanie, celle avortée entre Lane et un Howard dépité
ainsi, le désespoir de cette mère consciente d’être responsable du déséquilibre
de sa fille, tous ces drames se jouent à la dérobée dans une tonalité feutrée.
Woody Allen ne doit cependant plus rien à Bergman et se montre moins
démonstratif que dans Intérieurs dont il troque la lancinante douleur pour une
cruauté palpable. L’enchevêtrement de romance aurait fourni un bon matériau de vaudeville
pour le Allen versant comique et ici l’extrême vulnérabilité des personnages
rend le refus comme l’assouvissement du
désir extrêmement pénible. Tous les choix possibles conduisent à une impasse, à
rendre quelqu’un malheureux et force les personnages à étouffer leur
sentiments.
Lorsqu’ils éclatent au grand jour, ce ne sera que pour illustrer le
penchant le plus sombre de chacun : la tendance à l’apitoiement de Lane, l’égoïsme
de sa mère – avec un drame mère/fille certainement inspiré des mésaventures de
Lana Turner et son amant mafieux Johnny Stompanato -, la frustration de
Stéphanie. Tous les espoirs des protagonistes reposent sur un autre qui leur
sera toujours inaccessible, autant à cause des trahisons du présent que des rancœurs
du passé ou des incertitudes du futur. Aucun rebondissement dramatique majeur
ne vient conclure le récit (avec là aussi une retenue opposée au final
cauchemardesque d’Intérieurs) dans un
statu quo donnant un sentiment plus désespéré encore car plus réaliste par la
frustration ressentie, par le retour à la médiocrité annoncé.
Après les
espérances de l’été, place au quotidien terne de September. Une réussite méconnue d’un Woody Allen qui s’y montra
particulièrement perfectionniste avec un film en partie retourné à cause d’un
casting initial ne donnant pas satisfaction (tournage commencé avec Christopher
Walken puis Sam Shepard dans le rôle finalement dévolu à Sam Waterston Peter Maureen O'Sullivan jouant initialement la
mère, et Charles Durning incarnant Howard avant d’être remplacé par Denholm
Elliott).
Sorti en dvd zone 2 français chez MGM
Sans doute un des films les moins connus de Woody Allen. Et ce qui est remarquable, c’est que Woody Allen avait pleinement conscience du faible potentiel commercial du film en le tournant : « Nobody will come and see it », se disait-il, d’après un livre d’entretiens. Il faut reconnaître que c’est quand même très austère comme film, comme « Intérieurs » en effet.
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