Une bande de trafiquants d'héroïne a trouvé un moyen astucieux de
faire passer la drogue. Ils la cachent dans des objets achetés par les
touristes. Lorsque ces derniers reviennent à San Francisco, ils sont
pris en filature par plusieurs complices des passeurs pour récupérer le
précieux chargement. Deux de ces hommes, Dancer, un psychopathe
extraverti, et Julian, un homme froid et calculateur, doivent reprendre
la poudre à trois personnes qui viennent de débarquer, mais la police a
découvert la manœuvre...
The Lineup est une œuvre qui pose les jalons de grandes réussites à venir pour Don Siegel, que ce soit le récit accompagnant deux tueurs (Les Tueurs (1964)), l'exploitation magistrale de l'urbanité de la ville de San Francisco (L'Inspecteur Harry (1971)) et l'exploration de la personnalité imprévisible d'un psychopathe (Inspecteur Harry encore). On aurait cependant tort de voir dans The Lineup
un brouillon de ces œuvres plus connues puisqu'il s'impose comme une
réussite tout aussi magistrale et un vrai classique du polar. Le film
adapte la série tv éponyme à succès dont Don Siegel réalisa l'épisode
pilote.
Au départ le réalisateur souhaitait axer son récit sur le duo de
tueurs mais contraint par son producteur il devra tout d'abord suivre la police afin d'assurer une présence conséquente aux très
populaires héros de la série. Loin d'en faire une corvée, Siegel manie
avec brio narration alerte et sécheresse narrative. L'ouverture
percutante distille le mystère et l'adrénaline avec ce vol de bagage et
fuite de taxi à l'issue mortelle, Siegel nous mettant sous tension
d'emblée face à une violence et un danger incertain. L'enquête policière
tant dans la révélation limpide des informations que des dialogues sans
fioritures maintient l'intérêt avec la bascule qu'amène l'introduction
des tueurs.
Le leitmotiv est très original avec cette "tournée"
des malfrats récoltant de la drogue auprès de passeurs plus ou moins
involontaires. Là encore le minimalisme narratif parvient à faire
ressentir le côté froid et tentaculaire de l'Organisation tandis que
paradoxalement le duo constitué d’Eli Wallach et Robert Keith en donne
un visage plus humain. Eli Wallach est comme une bête difficilement
apprivoisée et éduquée (l'étonnante initiation au subjonctif qui
introduit les deux personnages) par Robert Keith qui le guide et le
laisse déployer sa violence quand la mission l'impose.
Chaque récolte
permet d'exploiter une situation nouvelle et de donner une facette
différente de la folie latente d'Eli Wallach. Quel que soit le masque
qu'il emprunte, le regard dément et la gestuelle nerveuse ne restent que
brièvement contenus pour laisser à la moindre anicroche sa brutalité
s'exprimer avec délectation. Siegel se montre particulièrement ingénieux
et virtuose pour mettre en valeur la tournée, le sang venant troubler
la vapeur immaculée d'un hammam d'un coup de silencieux, toute cette
maison bourgeoise dont le domestique asiatique est brutalement abattu.
La complémentarité entre le bras armé de Wallach et l'intellect ironique
de Robert Keith (qui fait collection des derniers mots des cibles dans
un carnet) est parfaite jusqu'à ce que la machine se grippe et s'oppose à
l'opacité de l'Organisation. Le visage presque trop humain et séducteur
dont doit user Wallach pour séduire une mère de famille n'a d'égal que
son explosion de colère lorsque la marchandise s'avérera perdue. Ainsi
déréglé dans leur équilibre fragile, le duo se perd dans une violence
désormais incontrôlable où se dévoile tout la monstruosité de ce monde
criminel où même le mentor dévoile sa démence avec cette mémorable
tirade machiste sur l'émotivité des femmes les rendant inutile. Une
autre réplique mémorable vantera "l'honnêteté" nécessaire dans le crime :
When you live outside the law, you have to eliminate dishonesty.
Visuellement
la mise en scène de Don Siegel use de manière impressionnante des
possibilités de San Francisco. Une rencontre sur les docks, le hammam,
l'aquarium où l'incroyable décor de la patinoire, chaque environnement
sert une émotion différente servie par une même tension tout au long du
récit. Le duo tueurs semble maîtriser et se fondre idéalement dans cette
urbanité jusqu'à ce qu'une rencontre fatale à la patinoire fasse leur
perte, le Boss signifiant même explicitement par le dialogue que la
ville est désormais un piège dont ils ne réchapperont pas. Cette
inversion se signale lors de la mémorable course-poursuite où autrefois
maître du temps et de leur agenda meurtrier, les tueurs sont dépassés
jusqu'à cette scène emblématique où une autoroute en construction
inachevée stoppe leur fuite. Eli Wallach semble comme happé par la ville
dans la façon dont Siegel filme sa chute. Une conclusion à la hauteur
de ce fabuleux polar.
Sorti en dvd zone 2 français chez Sidonis
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire