Au début des années 1920, Tom Birkin (Colin
Firth), soldat démobilisé du front, est chargé de restaurer une peinture
murale médiévale tout juste découverte dans l'église d’un petit village
du Yorkshire, Oxgodby. Ce refuge vers la campagne idyllique du
Yorkshire est pour Birkin, encore hanté par les cauchemars de la
Première Guerre mondiale, une véritable catharsis. Simultanément, il se
lie d'amitié avec l'archéologue James Moon (Kenneth Branagh), autre
ancien combattant, marqué comme lui par les affres du conflit. Moon,
lui, est chargé de mettre au jour une mystérieuse tombe, mais bientôt
ses recherches le poussent à fouiller le cimetière attenant aux ruines
d'une chapelle saxonne voisine.
A Month in the Country
est une œuvre délicate qui marque les vrais débuts cinématographiques de Colin
Firth, Kenneth Branagh et Natacha Richardson. Le film s'inscrit dans un
courant de film à l'identité profondément anglaise et nostalgique
initié au milieu des années 80 avec des œuvres comme The Assam Garden (1985) ou Distant voices, still lives
de Terence Davies(1988). Le film naît de la volonté du producteur
Kenith Trodd d'adapter le court roman éponyme de J. L. Carr, et ayant
plutôt l'habitude de travailler pour la télévision il trouvera un
financement conjoint entre Euston Films (une filiale de Thames
Television) et Channel Four Films pour un modèle initiée par My Beautiful Laundrette de Stephen Frears (1985) et qui perdurera par la suite. Au départ envisagé pour un téléfilm, A Month in the Country
aura malgré son budget restreint une sortie cinéma et sera la première
réalisation cinéma de Pat O'Connor dont le travail à la télévision fut
plusieurs fois récompensé.
Le film est totalement imprégné à la
fois de la mystique et du caractère secret des anglais. Cela viendra en
grande partie du choix de Pat O'Connor d'éliminer la narration la
première personne du livre et du coup la voix-off attendue pour le film.
Tous passera par les non-dits, l'atmosphère rurale à la fois
mystérieuse et à l'apaisant réalisme ainsi que jeu des acteurs. L'impact
est ainsi double ici pour le vétéran de la Grande Guerre Tom Birkin,
rongé à la fois mentalement et physiquement par le choc post-traumatique
avec des nuits baignées de cauchemar et une élocution laborieuse. En
charge de restaurer une peinture murale médiévale dans une église du
Yorkshire, Birkin retrouve foi en lui-même au fur et à mesure que la
fresque se révèle mais également au contact des habitants chaleureux de
la région. Pat O'Connor délaisse volontairement toute volonté de
narration classique pour privilégier la chronique quotidienne, la
reconstruction du héros ne naissant pas d'une progression dramatique
mais d'un ensemble de moment épars.
Le scénario joue ainsi de l'effet de
répétition bienveillant (les enfants venant jouer des disques à Birkin
pendant qu'il restaure la fresque), des rebondissements incongrus
(Birkin contraint bien malgré lui de donner un prêche) et des moments
suspendus où la gêne se dispute à la grâce notamment la romance
platonique entre Birkin et Alice Keach (Patricia Richardson). Le
traumatisme de la Première Guerre prend des aspects très différents où
le scénario ne se montrera jamais trop démonstratif. Le tempérament
taciturne de Birkin trahit toute la douleur qu'il contient quand le très
volubile et rieur archéologue James Moon (Kenneth Branagh) laisse voir
ses failles par un simple trou qu'il a creusé dans le sol de sa tente,
une protection encore nécessaire pour lui. Tous les ramènent à cette
traumatisante expérience et le scénario dresse cette dualité à chaque
instant. Une balade en forêt pouvant tourner à la confession amoureuse
ramène à l'enfer des tranchées avec le coup de feu d'un chasseur, un
déjeuner chez les locaux rappelle ceux qui n'ont pas survécus quand ils
évoqueront leur fils disparu.
Le scénario évite l'épiphanie
rurale comme religieuse en ramenant Birkin à ses doutes Dieu et les
hommes, tout en faisant les moteur de sa possible renaissance. La
fresque murale dévoile alors la dimension apaisée et punitive de la
religion (y compris dans ce que l'on découvrira du peintre), tout comme
le concitoyen supposé le plus compatissant (le prêtre coincé joué par
Patrick Malahide) s'avéra le plus distant de tous. La sobriété du ton et
de l'imagerie n'en rendent que plus touchantes les émotions car Pat
O'Connor évite tout effet ostentatoire, tout passant par l'évolution
imperceptible des personnages (les tics vocaux de Birkin qui
s'estompent, Colin Firth s'exerçant bien avant Le Discours d'un roi
(2010)).
Cet entre-deux constant se retrouve dans la conclusion, que ce
soit les adieux timide avec James Moon ou cette scène d'amour en
attente jamais surmontée entre Birkin et Alice (le poids des
conventions, traumas personnels et du désir passe avec une force rare
durant la dernière entrevue). Il y a quelques chose de cette retenue
anglaise qui ne permettra jamais de se livrer entièrement. Il faut la
toute dernière scène, sorte de flashback/flashforward croisé pour que
Pat O'Connor ose enfin une vision plus ouvertement mystique, comme si
seul le souvenir permettait l'acceptation d'une certaine flamboyance.
Sorti en dvd zone 2 et BR anglais et doté de sous-titres anglais chez BFI
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