samedi 9 avril 2011
Razzia sur la chnouf - Henri Decoin (1955)
Après un séjour aux États-Unis, Henri Ferré, alias "Le Nantais", revient à Paris pour restructurer le réseau de drogue. Son correspondant, Paul Liski, lui trouve une couverture pour traverser les mailles policières en lui offrant le bar "Le Troquet", qui a pour caissière la très belle Lisette. Celle-ci va très vite tomber amoureuse de Ferré. Pendant que le Nantais découvre tous les rouages de cette filière de la drogue, la police, bien décidée à démanteler ledit réseau, n'hésite pas à employer les grands moyens pour parvenir à ses fins...
Le touche à tout Henri Decoin réalisait avec Razzia sur la chnouf l'un des plus remarquable et atypique polar de son temps. Adapté d'un roman d'Auguste Le Breton (à qui le polar français doit une fière chandelle au cinéma entre Du rififi chez les hommes, Le Clan des Siciliens et quelques autres tous issus de ses livres) le film donne à découvrir un univers angoissant et fascinant pour les spectateur de l'époque, celui du trafic de drogue. Jean Gabin incarne ainsi un truand chevronné convoqué des Etats-Unis pour réguler le fonctionnement d'un réseau de trafiquant sur Paris. Amorcée durant les années quarante dans le cinéma américain, l'idée d'un monde du crime géré comme une véritable entreprise (et qui aboutira bien plus tard au Parrain) trouve là une incarnation française en tout point crédible.
Tout les aspects logistiques et commerciaux inhérents au trafic de drogues sont donc traités en profondeur, au gré des pérégrinations de Gabin qu'on suit lorsqu'il souhaite remonter toutes les filières de son business afin de les évaluer. On découvre ainsi les différents mode de transport vers la France (un cheminot joué par Jean Sylvère qui finira très mal) ou l'étranger notamment par le port du Havre. Ce dernier point décrit une réalité sur la France comme point de jonction du trafic mondial entre les Etats-Unis, le Moyen-Orient et l'Asie et le film est en avance sur son temps pour dépeindre ce qu'on connaîtra sous le nom de la French Connection, concrètement abordé bien plus tard dans le classique de William Friedkin entre autre.
La revente locale et ordinaire se dévoilera elle lors d'une longue et surprenante séquence nocturne où Gabin traverse différents points de ventes et échanges, du restaurant le plus huppé au bouge le plus sordide ou encore le métro, les méthodes les plus discrètes et raffinées côtoyant les plus directes. On est pas loin du documentaire tant Decoin va loin dans la description des junkies (un panneau au générique entend pourtant bien nous montrer comme la drogue est néfaste...) que ce soit celle jouée par Lila Kedrova où les vrais fumeurs de marijuana aperçus dans un sordide bar créoles et dont les spasmes de transes hantent longtemps.
On sent une influence manifeste tout au long du film du Touchez pas au grisbi de Jacques Becker qui a fait sensation l'année précédente. Decoin y reprend le duo Gabin/Ventura et surtout le même chef opérateur Pierre Montazel pour un éclairage clair/obscur assez proche. Decoin (qui reprend presque à l'identique un moment du Becker lors d'une courte scène de bouffe commune entre Gabin et Ventura) y reproduit le rythme nonchalant et l'atmosphère parisienne nocturne du film de Becker où un faux sentiment de lenteur se voit régulièrement brisé par d'inattendues explosions de violence.
A ce titre le duo de tueur joué par Lino Ventura et Albert Remy s'avère particulièrement menaçant dans son détachement et sa brutalité comme cette terrible scène où il passe le chimiste à tabac. Gabin fait preuve de sa prestance et autorité naturelle, rendant plutôt sympathique un personnage aux actes répréhensibles qui s'expliquera lors d'une surprenante conclusion où une nouvelle fois le film s'avère très novateur. Très belle réussite donc, un des sommet du policier français.
Sorti en dvd dans une belle édition chez Gaumont
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