Fraichement débarquée à Londres, une
jeune femme se cherche des amants. Maitresse d'un professeur de dessin,
elle fait la connaissance de Beryl et de son amant un milliardaire
gravement malade, avant de s'éprendre d'un truand, Gordon, le frère de
Béryl.
Joanna est un film étonnant et pur objet 60's dont la liberté de ton et l'héroïne sans tabou fit qualifier à l'époque de Alfie
au féminin. A la réalisation on trouve Michael Sarne qui avant d'en
arriver là fut un des protagoniste phare du Swinging London passant
successivement de pop star (avec la chanson Come outside) à acteur (notamment dans À cœur joie
de Serge Bourguignon (1967) film où il nouera une liaison avec la star
du film Brigitte Bardot qui sera une des influence de l'héroïne de Joanna) puis photographe de mode. En 1966 Sarne réalise son premier court-métrage Road to Saint-Tropez
et au cours du périple du tournage fait une étonnante rencontre. Il
s'agit d'une serveuse nommée Joanne en couple avec un directeur de club
africain mais qui n'aura aucun scrupule à entretenir une liaison avec
lui puis lui raconter sans tabou sa libido débridée et ses nombreux
amants (au nombre de 57 !) dont un milliardaire grec. Sarne fasciné
rédige alors un script largement inspiré de Joanne qui deviendra Joanna à
l'écran et dont il reprend les péripéties amoureuses en changeant
simplement l'origine et le nom des amants. La relation interraciale et
le petit ami noir s'incarne ici avec Gordon (Calvin Lockhart), le
milliardaire grec devient un lord anglais joué par Donald Sutherland et
Sarne s'inclue également dans le récit avec le rôle de mentor et
confident Hendrik Casson (Christian Doermer).
On suit donc ici
les aventures de Joanna (Geneviève Waïte) jeune fille fraîchement
débarquée à Londres pour intégrer une école d'art. Le générique en noir
blanc sur des images réalistes sinistres d'une gare vire brutalement à
la couleur pétaradante lorsque Joanna descend de son wagon pour
conquérir Londres et c'est l'Angleterre austère dépeinte dans les
kitchen sink drama qui disparait pour laisser place à la modernité du
Swinging London. Sans vrai but dans la vie, Joanna va progressivement
céder à toutes les tentations de la grande ville entre sexe facile,
petit larcins pour être toujours à la page de la mode vestimentaire (l'héroïne changeant de coiffure et de look quasi à chaque scène) du
moment et se faire des amis nantis afin de ne surtout pas avoir à
travailler.
Le personnage pourrait être détestable et superficiel mais
Sarne étant plutôt admiratif de la vraie figure qui l'a inspiré la rend
en fait très attachante. C'est un esprit libre qui suit ses envies du
moment et ne se soumet à aucune restreinte morale (et on pense aussi à
une version anglaise de Et Dieu créa la Femme).
Le plus important reste l'expérience quitte à être dans l'erreur à
l'image de ses amours malheureuses avec les hommes autant à causes de
leurs infidélités que des siennes.
Joanne est en quête de l'amour mais
pas encore prête à le vivre et se réfugie ainsi dans le rêve et le
fantasme. La prestation insouciante mais déterminée de Geneviève Waïte y
est pour beaucoup, on ressent constamment une grande tendresse et
fragilité sous la futilité apparente de cette jeune femme. La Fox sera
d'ailleurs si convaincue de son aura de future star qu'elle lui signera
un contrat de sept ans...
Sarne souhaitait réaliser un pendant anglais à La Dolce Vita
(1960) de Fellini et on ressent cette influence dans les nombreuses
scènes de rêves décalées qui parcoure le film. Des séquences totalement
autres entrecoupent ainsi l'intrigue en réaction aux sentiments du
moment de Joanna, anticipant inconsciemment ses sentiments pour Gordon
bien avant qu'ils ne se lient, passant par ce prisme du rêve les moments
violent qu'elle veut occulter (Gordon qui la frappe suite à une
infidélité) et se lâchant carrément dans les visions kitsch et psyché
lorsqu'elle nage dans le bonheur.
La narration percutante est truffée de
gimmick typique de cette période avec ce montage subliminal, les fondus
enchaînés démultipliés et la bande-son pop où revient en leitmotiv la
chanson de Scott Walker When Joanna loved me.
Sarne tout en maintenant constamment l'empathie pour le personnage
exprime autant un esprit critique (ce réveil dans le lit d'un inconnu
dont femme et enfant déboule sans prévenir et la walk of shame
qui s'ensuit pour Joanna) pour ses expériences qu'une vision plus
positive.
Ce sera le cas avec l'audacieuse romance interraciale au cœur
du film et rarement traités à l'époque, Calvin Lockhart étant largement
érotisé par la caméra de Sarne (la scène du restaurant où toutes les
femmes n'ont d'yeux que pour lui) même si une fois de plus le personnage
ne s'avérera pas très recommandable. Le plus touchant sera finalement
l'amitié avec le lord mourant et altruiste incarné par un magnifique Donald
Sutherland qui donnera les plus belles scènes du film (l'enterrement, le
voyage au Maroc), dénuée d'artifices ou d'ambiguïté (alors qu'il
demeure une tension sexuelle avec l'autre mentor Hendrik Casson) pour
simplement ressentir le lien profond qui l'unit à Joanna.
La
conclusion nous laisse Joanna dans une situation scandaleuse mais
toujours aussi libre de ses actes. Dans un parfait mimétisme avec la
scène d'ouverture c'est donc dans cette même gare qu'elle fait le trajet
inverse vers de nouvelles aventures.
Sorti en dvd zone 2 et blu ray anglais à la BFI dans une très belle édition dotée de sous-titres anglais
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