Psychologue brillant, le Docteur
Clitterhouse (Edward G. Robinson) souhaite mieux saisir les motivations
et sentiments des criminels, pour lesquels il voue une certaine
fascination. Il se fait alors malfaiteur lui-même, à des fins purement
académiques : il braque ainsi un coffre privé durant une soirée de la
haute société et va jusqu'à s'associer avec la bande de Rock Valentine,
un redoutable gangster joué par Humphrey Bogart. Mais l’expérience au
départ innocente se change bientôt en véritable révélation lorsque le
médecin réalise son attrait pour le crime…
Comédie noire
et polar s'entrecroisent pour un résultat étonnant dans ce film qui
offre un écrin idéal au génial Edward G. Robinson. Ce ton singulier
vient sans doute de l'origine du film adapté d'une pièce anglaise de
Barré Lyndon et jouée à Broadway dont la Warner et la Paramount se
disputèrent les droits pour son adaptation cinéma. Le postulat très
original y est pour beaucoup avec ce Docteur Clitterhouse (Edward G.
Robinson), brillant médecin désireux de saisir de manière scientifique
la psychologie du criminel. Il va pousser l'expérience jusqu'à d'abord
effectuer quelques larcins et c'est ainsi qu'on le découvre en début de
film lorsqu'il dérobe les bijoux de son hôte lors d'une soirée mondaine,
coupant même l'herbe sous le pied au vrais voleurs s'apprêtant à entrer
en action.
Dès le départ, la prestation malicieuse de Robinson tout en
rictus moqueur nous indique que l'intérêt de Clitterhouse dépasse le
cadre scientifique et qu'il jubile de ses exactions. Tous les
protagonistes qui l'entourent se partage entre pantins hystérique (les
richissimes victimes de ses vols), idiots incompétents (tous les
personnages de policier) ou bienveillant mais trop limités pour
comprendre l'importance de ses travaux comme son infirmière qui le
démasquera. Sûr de sa force, il est donc temps pour Clitterhouse de
pousser plus loin l'expérience et se mêler à de vrais truands. Là
encore, sa distinction et intelligence vont le placer en position de
supériorité lorsqu'il va intégrer le gang de la receleuse Jo Keller
(Clair Trevor). Admiré par les malfrats simplets et ignorants et
secrètement désiré par Jo Keller peu habituée à un homme de sa
prestance, Clitterhouse va pourtant par son arrogance s'attirer un
ennemi mortel avec le dangereux Rocks Valentine (Humphrey Bogart parfait de séduction et de menace).
Robinson par sa politesse et ses manières distinguées semble constamment
en décalage dans ce cadre criminel et notamment par la façon dont il
perturbe de pures situations de film noir, tirant le film vers la
comédie. En plein cambriolage qu'il a minutieusement organisé, il
interrompt ainsi ses acolytes pour les ausculter, prendre leurs pouls et
scruter les pupilles afin de ne manquer aucune variante de leur
comportement au moment fatidique.
Petit sourire en coin, toujours le bon
mot pour ridiculiser son interlocuteur et d'une témérité frisant
l'inconscience (la scène où il nargue un policier alors qu'il a les
poches remplies de diamants volés), Robinson offre une performance
d'autant plus jubilatoire quand on se souvient de son lourd passif de
vrai gangster à l'écran (Le Petit César (1931)). La mise en scène assez sage d'Anatole Litvak s'orne de quelques idées formelles appuyant bien le propos notamment lorsque Robinson apparaît gigantesque et terrifiant à travers les yeux drogués de Bogart ou encore le final halluciné qui semble plier cet environnement à la personnalité égocentrique de Clitterhouse.
Clittehouse
va pourtant devoir s'avouer le réel plaisir qu'il prend à ses exactions
et sera rattrapé dangereusement de ses audaces. La vraie folie du
personnage éclate justement par ce sang-froid à toute épreuve qui le
verra franchir la ligne rouge en commettant un meurtre. Mais plutôt que
de prendre un ton réellement plus sombre le récit scrute cette folie
sous un angle ironique avec un surprenant épilogue judiciaire. C'est
justement dans cette aisance et égo démesuré (où tout perdre vaut mieux
que perdre la face) qu'éclatera la démence latente de Clitterhouse dans
un final assez génial.
Sorti en dvd zone 2 français chez Warner dans la collection Trésors Warner
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