Jack et Sally
annoncent à leurs amis Gabe et Judy qu'ils se séparent. La nouvelle fait
l'effet d'un coup de tonnerre et remet en cause les certitudes de ce quatuor
d'intellectuels new-yorkais et de leurs amis. S'ensuit un chassé-croisé
amoureux entre les différents protagonistes du récit.
Maris et femmes
marque la fin d’une époque puisqu’il s’agit du douzième et dernier film que
Woody Allen signe avec sa muse Mia Farrow. Le drame intime et la séparation se
jouant en coulisse (en pleine production et où il fallut convaincre Mia Farrow
d’accepter de revenir tourner la fin) offre dans le film des questions sur le
couple aussi universelles que très impudiques sur la relation Woody Allen/Mia
Farrow. Chacun des revirements des différents couples du film peut ainsi autant
être ramené à des maux modernes, aux propres marottes de Woody Allen (et sa
propension à s’amouracher de jeunes filles plus jeunes) et à son mode de
fonctionnement très particulier avec Mia Farrow - bien que mariés ils vivaient
séparément entre autre.
Le point de départ de la remise en question des différents
personnages est l’annonce de leur séparation par Jack (Sydney Pollack) et Sally
(Judy Davis) à leurs amis Gabe (Woody Allen) et Judy (Mia Farrow). La
désinvolture de l’annonce bouleverse les certitudes de Gabe et Judy quant à la
solidité de leur propre mariage. Woody Allen entrecroise la nouvelle jeunesse
et le célibat décomplexé de Jack et Sally quand il ne constitue qu’un doux rêve
et fantasme pour Gabe se rapprochant d’une étudiante l’idolâtrant et aussi Judy
jetant dans les bras de Sally un homme (Liam Neeson) qui l’attire.
La liberté
et supposée modernité du couple séparé ne se vit pas si bien (Sally vivant mal
la liaison immédiatement entamée par Jack après la séparation, ce dernier
réagissant mal également par la suite pour la même raison) et le nouveau
compagnon semble plus choisi pour l’antithèse qu’il représente du conjoint
historique (la docile, sexy et écervelée prof d’aérobic en opposition à l’intellectuelle
froide Sally ou le sensible Liam Neeson en contrepoint du plus macho Sydney
Pollack). Ce bol d’air du couple traditionnel ne satisfait chacun que superficiellement
tandis qu’à l’inverse Allen montre les conventionnels Gabe/Judy rester ensemble
tout en refusant d’entériner leur union par un enfant et dont le bonheur n’est
que façade.
Le très original dispositif filmique du film capture habilement
toutes ses contradictions. Woody Allen imposent des codes documentaires qui
poursuivent certaines idées de son Zelig
(les témoignages face caméra des différents protagonistes) et réinventent sa
mise en scène avec un style caméra à l’épaule assez heurtée, effet de flou et
jump-cut. Il s’agit de capturer un sentiment sur le vif ou avec un certain recul, Allen révélant les
contradictions, espérances et regrets des personnages au fur et à mesure de l’intrigue.
Le réalisateur ne retrouve une veine contemplative et romantique que pour
illustrer les aspirations d’ailleurs concrétisées ou non.
La ballade automnale
de Gabe et Rain (Juliette Lewis) offre une belle scène de rapprochement mais c’est
surtout le baiser à la lueur des bougies (avec le tonnerre et la pluie en
arrière-plan) qui subjugue, magnifié par la photo de Carlo Di Palma. C’est avec
une même sensibilité qu’il observe la beauté crispée, en attente puis épanouie
de Mia Farrow. Maris et femmes s’avère en tout cas un film particulièrement
personnel au moment où il est conçu et témoignant du tempérament angoissé de
Woody Allen sur le couple où le bouleversement comme le statu quo ne
garantissent pas le bonheur.
Sorti en dvd zone 2 français chez Sony
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