Une jeune fille de
dix-huit ans, Sophie, qui travaille dans le magasin de son défunt père,
rencontre par hasard un mystérieux sorcier nommé Hauru, lors d'une course
poursuite. Hauru la prend alors en sympathie. Cependant la sorcière des Landes,
qui est amoureuse de Hauru, devient jalouse de l'attention portée à Sophie par
ce dernier. Pour se venger, elle décide de transformer la jeune Sophie en une
vieille dame de quatre-vingt-dix ans. Incapable de révéler cette transformation
à sa famille, elle s'enferme chez elle, puis s'enfuit.
Le Château Ambulant
semble marquer pour Hayao Miyazaki un retour à une inspiration occidentale
après Princesse Mononoké (1997) et Le Voyage de Chihiro (2001) aux thématiques
et esthétiques plus spécifiquement japonaises. Le film adapte en effet le roman
Le
Château de Hurle de Diana Wynne Jones paru en 1986 et permet au réalisateur
de renouer avec tout l’imaginaire des grande œuvres des 80’s : éléments
steampunk rappelant Le Château dans le ciel (1986) notamment avec l’omniprésence des machines volantes, cité
portuaire à l’esthétique Belle Epoque façon Kikila petite sorcière (1989) et magie intégrée à l’univers… A ce titre le film
est une véritable splendeur visuelle, foisonnante de détail et d’authenticité
dans les visions de la ville, virtuose comme jamais dans les morceaux de
bravoure aériens et sacrément inventif dans certaines créations comme le
monstre de ferraille mobile que constitue le design du château de Hauru. Malgré
cet indéniable éblouissement formel, quelque chose ne fonctionne pas
suffisamment pour réussir à nous emporter.
La première partie est cependant fort plaisante, entremêlant
un très original cheminement intime avec une atmosphère baignée de magie et l’ampleur
d’un environnement de monde en guerre. La jeune Sophie se restreint aux
amusements de son âge en s’occupant du magasin de son défunt père. L’aventure
la trouve plutôt que l’inverse quand elle tombe sous le charme du jeune sorcier
Hauru. Mais elle va susciter la jalousie de la sorcière des Landes qui va lui
infliger un terrible sortilège en la transformant en vieillarde. L’existence
figée et ennuyeuse de l’héroïne prend un tour paradoxalement plus palpitant
avec ce vieillissement. Miyazaki durant la même période s’était offusqué que la
Mostra de Venise lui adresse un Lion d’or pour l’ensemble de sa carrière, y
voyant un prix de « vieux » avant d’accepter l’honneur en voyant que
des personnalités encore actives comme Clint Eastwood l’avaient reçu.
Symboliquement la vieillesse ne rattrape que ceux qui s’y résignent et en
affrontant son sort, Sophie se découvre l’entrain et la vigueur qui lui
manquait « jeune ». De manière générale tout au long du film les
sortilèges ne sont qu’une prolongation visuelle des manques de chacun des
protagonistes, amenés à s’altérer par intermittence lorsqu’ils évoluent. C’est
le cas de Sophie retrouvant sporadiquement ses traits juvéniles, Hauru passant
de dandy blond narcissique à jeune homme brun attachant et la sorcière des
landes brutalement ramenées à son vrai âge.
L’ensemble des « maudits » va ainsi former une
sorte de famille dysfonctionnelle (à laquelle on peut ajouter un épouvantail
vivant) dont Sophie va s’occuper. La narration un peu lâche sert au départ
cette communauté en devenir mais qui finit par s’égarer quand vient l’heure de
la résolution. Princesse Mononoké et Le Voyage de Chihiro brillaient par leur
construction brillante où Miyazaki articulait parfaitement les maux intimes
puis les étapes de la reconstruction de ses personnages. Dès lors fort de leurs
spiritualité et féérie baignés de folklore japonais (notamment la culture
animiste), les conclusions dans leurs raccourcis oniriques coulaient de source
(la renaissance d’un monde dans Mononoké,
l’amitié/romance entre Chihiro et Haku retrouvant leur identité). Le Château Ambulant mélange l’univers « concret »
des films « occidentaux » de Miyazaki avec le lâcher prise rêvé de
ses œuvres plus spécifiquement japonaises sans que le mariage n’opère
complètement.
Le film refait et étire finalement sans la même rigueur la
relation Chihiro/Haku du Voyage de
Chihiro : héroïne apathique s’éveillant dans l’adversité, héros maudit
et impétueux dans son usage de la magie, ying et yang de personnages double oscillant ente le bien et le mal… Cela fonctionne par moment mais l’arrière-plan
guerrier sans vrai contexte alourdit l’ensemble (nous sommes loin des enjeux
vertigineux de Princesse Mononoké, Le Château dans le ciel ou Nausicäa (1984)) et Miyazaki semble pour
la première fois plus miser sur sa virtuosité que sur un scénario impeccable
pour résoudre son intrigue. Aussi flamboyante visuellement que soit la dernière
partie, elle finit par nous laisser extérieur à son déroulement par ses
raccourcis et facilités. Peut-être que les changements par rapport au roman en
sont la cause mais en tout cas tout l’œuvre originale semble être comme forcée
à se fondre sans harmonie à l’univers et thématiques de Miyazaki. Une des
vraies et rares déceptions de la part du génie de Ghibli.
Sorti en bluray et dvd zone 2 français chez Buena Vista
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire