Quand il n'est pas
horloger, Hawkins est un assassin professionnel, un maniaque de l'explosif.
Mais en ces temps d'après-guerre, le travail ne court pas les rues. Lorsqu'on
lui demande d'assassiner le prétentieux homme d'affaires Gregory Upshott, il
saute sur l'occasion et profite d'un week-end de ce dernier à la campagne...
lorsque surgit un étrange représentant en aspirateurs !
Si le studio Ealing fait office d’éclaireur avec des œuvres comme
Noblesse Oblige (1950) ou Tueurs de dames (1955), le duo de
scénaristes/producteurs/réalisateurs formés par Frank Launder et Sidney Gilliat
les accompagnent et leur emboitent le pas avec brio pour ce qui est d’égratigner
la british way of life. Dès leur activité
de scénaristes, ils viennent perturber la trame criminelle de Une Femme disparait d’Alfred Hitchcock
avec les personnages de Charters et Caldicott qui survolent les enjeux très
premier degré du film pour ne se soucier que de leur future partie de golf. Par
la suite ils dynamiteront les honorables institutions scolaires britanniques
dans The Happiest Days of Your Life
(1950) et surtout The Belles of St.Trinians (1954), puis ce sera celle du mariage dans Un mari presque fidèle (1955). The
Green Man n’a pas de cible spécifique mais fait feux de tout bois dans une
réjouissante comédie noire.
La scène d’ouverture offre un clin d’œil savoureux à The Happiest Days of Your Life avec le
personnage d’Alastair Sim qui remonte à sa période scolaire sa vocation de
tueur professionnel lorsqu’il assassinat un professeur. Par la suite il nous
narre en voix-off ses plus hauts faits avec des cibles grotesques mais qui
illustrent une arrogance toute britannique se voyant encore comme gendarme du
monde (élément traité avec plus de premier degré dans les James Bond) via le
meurtre d’un pseudo Mussolini, et l’objectif principal sera un chantre de la finance
et de la politique histoire de démontrer une vertu locale plus prononcée. Le
film est adapté de la pièce de théâtre Meet
a Body écrite par Frank Launder et Sidney Gilliat et qui en signent le
scénario mais délèguent la réalisation à Robert Day (officieusement secondé par
Basil Dearden). Cette origine scénique joue à plein dans la partie centrale du
film où les vas et vient, quiproquos et malentendus jouent autant sur la trame
policière qu’une vraie dimension de vaudeville.
Ce mélange des genres permet
ainsi de savamment égratigner différents aspects d’une certaine imagerie
britannique institutionnelle. Alastair Sim sous ses airs de vieux garçon
horloger dissimule ainsi un tueur imbu de lui-même, qui pour éliminer un fâcheux
témoin de son meurtre à venir l’invite dans la maison voisine encore inoccupée.
William Blake (George Cole) un vendeur d’aspirateur insistant, vient perturber
l’affaire en s’immiscent dans la mauvaise maison, bientôt rejoint par les
futurs mariés et propriétaires des lieux Ann (Jill Adams) et le très guindé
Reginald (Colin Gordon). Les doutes sur le possible crime commis en ces lieux
viennent rejoindre ceux sur l’infidélité et souiller ainsi symboliquement comme
physiquement (du sang sur la moquette, un cadavre dans le piano) le futur foyer
conjugal. Ces éléments perturbateurs amènent une facette meurtrière qui
assombri le cadre bienveillant mais permettent également de faire imploser un
futur conventionnel funeste. Reginald s’avère l’archétype du bourgeois anglais
coincé et sans imagination quand Jill, dans sa façon de croire toute les
théories criminelles de William, semble dissimuler un tempérament plus
fantaisiste et aventureux. Le côté prolo de William avec son modeste métier de
colporteur jure aussi avec le prestige d’animateur de la BBC de Reginald.
Cela passe également par la disposition des deux maisons
voisine. Celle d’Alastair Sim, tout en bibelots horlogers et aménagement cossu
de célibataire masque ainsi sa face meurtrière et c’est la mise en scène, à
travers ses arrière-plans coupable où l’on transporte des cadavres, qui fait
passer par l’image la vérité vicieuse du personnage. A l’inverse la maison des
futurs mariés n’est qu’un chantier en construction du futur cocon conjugal,
encore à même d’être bousculé à travers l’attirance que l’on devine entre Jill
et William. Néanmoins l’envers criminel se révèle par les même motifs formels
dans les deux maisons, un contrechamps vers l’extérieur nous montrant le
transport d’un protagoniste que l’on croit mort via le regard stoïque et
calculateur d’Alastair Sim, puis plus tard dans le même contrechamps (et la
même valeur de plan) lorsque ce même personnage réapparait bien vivant mais mal
en plan, cette fois vu par le regard surpris mais bienveillant de Jill et
William. Dans le premier cas Alastair Sim regarde vers l’extérieur, signe de
son indifférence aux autres, et dans le second Jill et Vincent observe le
revenant entrer à l’intérieur, exprimant ainsi leur ouverture au monde.
La dernière partie à l’hôtel est moins riche de symboles et
joue plus sur la course-poursuite policière. Néanmoins quelques éléments
grinçants viennent s’y introduire pour notre plus grand plaisir. Le banquier
joué par Raymond Huntley, cible de l’assassinat, y est en séjour clandestin
avec une maîtresse trop jeune piochée parmi ses dactylos. La paranoïa du couple
illégitime et mal assorti traduit la rigueur morale de l’époque (la fébrilité
au moment de signer le registre) mais c’est finalement la condescendance de
classe du nanti envers sa maîtresse modeste qui frappera. C’est d’ailleurs
cette haute opinion de lui-même qui manquera de causer sa perte (la bombe
fatale étant contenue dans une radio qui diffuse un de ses discours).
Une
nouvelle fois la nature facétieuse et inconsciente du duo Jill/William, indifférent
des regards quant à leur présence dans ce temple de l’adultère (on croisera un
autre couple illégitime entre Terry-Thomas et la réceptionniste) et qui
déploient leur énergie à empêcher le meurtre. Alastair Sim excelle dans en ces
lieux du péchés, alternant regard en coin calculateur et œillades séductrices
fausses pour un trio à cordes de vieilles filles. Ultime pied de nez, c’est le
poste de radio, outil de recueillement et de compagnie de tout foyer et
ménagère qui se respecte, qui sera l’agent explosif des conventions, au propre
comme au figuré. Sous ses dehors de
simple comédie noire ludique, Sidney Gilliat et Frank Launder nous livrent
ainsi un nouveau récit grinçant dont ils ont le secret.
Sorti en dvd zone 2 français chez Tamasa
Extrait
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