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vendredi 1 novembre 2024

Secret d'État - State Secret, Sidney Gilliat (1950)


 John Marlowe, un chirurgien américain, est contacté par les autorités de la Vosnia, un pays fictif de l'Europe centrale, qui lui demandent d'opérer de toute urgence le chef du régime en place. John Marlowe accepte mais malheureusement le dictateur décède et le gouvernement, qui ne veut pas ébruiter l'affaire, remplace Niva par un sosie mais Marlowe en sait trop.

Si le duo de réalisateur/scénariste/producteur formé par Sidney Gilliat et Frank Launder a remporté ses plus grands succès dans le registre de la comédie (Cette sacrée jeunesse (1950), Les Belles deSaint-Trinian (1954) réalisés par Launder, Un mari presque fidèle (1955) signé Gilliat), leurs débuts semblent souvent tourner autour du thriller hitchcockien. Ils écrivent La Taverne de la Jamaïque (1939) et Une femme disparaît (1938) pour le maître du suspense, avant de signer une variation de ce dernier avec Train de nuit pour Munich (1940) réalisé par Carol Reed. Lorsque les deux compères prennent leur indépendance en créant leur maison de production, les premiers coups d’éclats seront souvent dans ce registre aussi puisque L’Etrange aventurière (1946) de Frank Launder est un beau mélange d’espionnage et de comédie romantique, La Couleur qui tue (1946) un remarquable thriller médical. Secret d’état de Sidney Gilliat vient marquer le sommet et le point final provisoire (Gilliat regoûtera au thriller sur Le Manoir du mystère (1957) et dans son dernier film La Nuit qui ne finit pas (1971)) de ce corpus autour du suspense hitchcockien.

Ce sont justement ses travaux sur Une femme disparaît et Train de nuit pour Munich qui donnent envie à Gilliat de signer son « thriller de poursuite » et les réminiscences du genre sont ici aisément identifiables. Cependant le scénario de Gilliat s’actualise avec son temps en étant imprégné du contexte de la Guerre Froide à travers le pays fictif où se déroule l’intrigue, la Vosnia inspirée de divers pays du Bloc de l’est. John Marlowe (Douglas Fairbanks Jr.), célèbre chirurgien ayant acquis une renommée internationale grâce à une opération révolutionnaire, est donc invité par le gouvernement de Vosnia afin de partager son savoir avec les médecins locaux dans le cadre d’une intervention. Se considérant comme apolitique, il accepte avec bienveillance la proposition et dans un premier temps, tout se passe bien avec l’accueil chaleureux et respectueux des sommités vosniennes dont le trop affable colonel Galcon (Jack Hawkins). Gilliat fait subtilement ressentir la menace latente dans la manière dont le séjour de Marlowe est cadré, dans un agenda se limitant aux sorties officielles et la prison dorée d’une luxueuse résidence. La bascule se fait lors de l’opération chirurgicale durant laquelle l’anonyme sur lequel pensait exercer Marlowe s’avère être le général Niva, le chef du régime. L’intervention périlleuse se déroule bien mais le prestigieux patient va faire une mauvaise réaction entraînant sa mort. Dès lors Marlowe devient un témoin gênant qui va devoir fuir avant que Galcon n’étouffe radicalement sa parole.

Un des choix artistiques fort sera de totalement dépayser notre héros par la barrière de la langue. S’inspirant avec l’aide d’un expert en linguistique d’un mélange de latin, hongrois et slave, Gilliat façonne une langue vosnienne tout à fait crédible et qui ne sera jamais sous-titrée. Cela participe à la perte de repères de Marlowe, à sa paranoïa, des situations les plus anodines du début à sa cavale haletante où chaque interaction, chaque incompréhension est susceptible de le démasquer, de le faire dénoncer. Le réalisateur sait alterner cette dimension avec l’action pure et l’adrénaline lorgnant évidemment sur Hitchcock façon Les 39 marches et consort. 

Les environnements et moyens de locomotion sont variés, représentant autant de pièges que d’atouts parfaitement exploités formellement. Une mémorable poursuite en voiture lance les hostilités, la traque urbaine dans les ruelles fourmillantes d’agent en uniforme, le passage difficilement inaperçu dans un téléphérique ou encore l’ascension alpine finale vertigineuse. La rencontre avec une alliée embarquée malgré elle dans l’aventure relance la dynamique à mi-parcours et instaure une tension amoureuse jamais encombrante grâce à l’attachante prestation de Glynis Johns.   

L’objectif n’est absolument pas de faire une œuvre de propagande et tout repose avant tout sur les péripéties et la caractérisation des personnages, ce qui n’empêchera pas un tournage mouvementé en Italie. Le pays encore doté d’un Parti Communiste puissant considère le script à charge et anticommuniste, ce qui provoquera quelques échauffourées durant la production. Cette ambiguïté repose en partie sur le personnage du colonel Galcon, campé avec bonhomie et roublardise par Jack Hawkins. Il n’est pas du tout caractérisé comme un méchant monolithique mais apparaît plutôt comme un stratège calculateur et pragmatique, telle cette scène où il annonce au conditionnel à Marlowe son futur sort en cas de décès de Niva – avant de joindre la parole aux actes le moment venu. La pirouette finale appuie cela, même si effectivement la Vosnie apparaît comme un pays dans lequel règne la suspicion et la délation - à des fins de suspense certes, mais prêtant à réflexion - tempéré par le contrebandier cupide savoureusement joué par Herbert Lom. Secret d’état est en tout cas un très bon thriller, dont on saluera aussi la prestation sobre et crédible de Douglas Fairbanks jr. 

Sorti en bluray anglais doté de sous-titres anglais chez Network

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