mercredi 1 février 2012
La Cible humaine - The Gunfighter, Henry King (1950)
Jimmie Ringo, qui tire plus vite que son ombre, mène une vie d'enfer. Les provocations incessantes lui interdisent de reprendre la vie commune avec sa femme Peggy. Et ils sont nombreux à vouloir sa peau.
Avec ce superbe et atypique western, Henry King réalisait une sorte de prolongement idéal des thématiques développées dans son Jesse James (1939). Dans ce dernier, s'il cédait bien volontiers à l'illustration du mythe avec les exploits flamboyant des frères James il n'en oubliait pas moins le revers de la pièce. La traque constante, la paranoïa et la violence omniprésente de cette vie de hors-la-loi venait obscurcir la tonalité excitante du récit avec en point d'orgue la légendaire mort de Jesse James tué par un de ses acolyte Robert Ford. Gunfighter étend à une intrigue entière cet aspect de Jesse James avec un sens de l'épure de la puissance dramatique soufflant.
Jimmie Ringo (Gregory Peck) est un hors-la- loi chevronné dont la réputation de tireur invincible précède partout où il passe. Les provocations des as de la gâchette en quête de renommée font partie de son quotidien, à l'image d'une scène d'ouverture où il doit répondre aux provocations infantile d'un jeune blanc-bec. L'idée du film serait d'ailleurs venu au scénariste William Bowers suite à un échange avec le boxeur Jack Dempsey qui lui expliquait être sans cesse provoqué par des bagarreurs souhait se mesurer à lui. Cette question du rapport de force permanent intégré au western va en constituer une des trouvailles les plus emblématiques avec le film de King. Une chose frappe d'emblée, c'est l'allure maussade de Gregory Peck, aux antipodes du tueur menaçant attendu (un des répliques récurrentes de ses futurs adversaires étant He doesn't look so tough). C'est avec une profonde lassitude qu'il sent venir ce énième et inutile duel où on devine en quelques minutes un homme usé par cette existence. Qu'on ne s'y trompe pourtant pas, l'issue violente et sèche montre le tueur impitoyable qu'il peut être et ce qui l'a mené à cette situation.
Gregory Peck (qui souffla le rôle à John Wayne qu'une vieille rancœur envers Harry Cohn fit décliner un rôle pourtant désiré) et son air commun est parfait dans le rôle, illustrant bien la contradiction de cet homme souhaitant désormais se fondre dans la masse mais épié de tous. Tout en creusant le sillon de Jesse James, King annonce ainsi nombre de futurs westerns amenés à démythifier l'Ouest où la légende plus grande que la réalité peut s'avérer un poids immense. Son parcours tumultueux ressurgit à tout instants par des rencontres fortuites où tout le monde semble le reconnaître et/ou avoir un compte à régler avec lui pour un passé dont il ne semble pas avoir le souvenir. Eastwood réutiliser cette facette (avec volontairement plus de panache dans son Josey Wales et dans un autre genre on pense aussi au Snake Plissken de New York 1997 caractérisé de la même façon dans son rapport aux autres.
La grande force du film demeure cependant l'étonnant resserrement qu'il offre dans son cadre et ses enjeux. Ringo décide ainsi de retrouver femme et enfant qu'il a abandonné depuis huit ans dans l'espoir fou de tout reconstruire mais les mêmes obstacles vont l'en empêcher. Henry King ose un traitement épuré et intimiste (le film pourrait être transposé sans difficulté en pièce de théâtre) où Gregory Peck exprime une vulnérabilité touchante au détour de très beaux moments tel les retrouvailles avec son épouse (Helen Westcott) ou la courte entrevue avec son fils.
La chaleur émanant des échanges avec l'ancien compagnon d'armes devenu shérif (excellent Millard Mitchell) contribuent aussi grandement à l'émotion de l'ensemble. Henry King réalise un western en forme de vraie tragédie grecque dont la construction parfaite ne laisse aucun doute quant à l'issue inéluctable et le crescendo émotionnel des dix dernières minutes marque durablement tout en faisant preuve d'une vraie retenue et pudeur. Très beau western crépusculaire.
Sorti en dvd chez Sidonis dans la collection western
Extrait de l'ouverture
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J'aime bien ce film :)
RépondreSupprimerTrès bon film, votre rappel donne envie de le revoir!
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