Une petite ville industrielle de
l'Ohio. Depuis le départ de sa mère, Johnny est devenu un solitaire,
jugé asocial et dangereux. C'est pour cette raison qu'il attire la jolie
Tracey, issue d'une riche famille.
Reckless
est un film chargé de promesse de par le souffle nouveau qu'il dégage
dans le cinéma américain 80's et également par les carrières naissantes
de ses participants amenés à devenir célèbres. On pense d'abord à James
Foley qui dans ce premier film trace les grandes lignes thématiques de
son œuvre maîtresse
Comme un chien enragé
(1986) avec ce héros rebelle en quête d'ailleurs, la figure paternelle
défaillante et la prison que semble constituer ces petites villes
provinciales américaines sans vie. Le scénario est également le premier
signé par Chris Colombus qui accèdera à la notoriété avec ses deux
suivants comptant parmi les meilleures productions Amblin,
Gremlins et
Le Secret de la pyramide
(tout deux sorti en 1985). C'est aussi le premier rôle du jeune Aidan
Quinn propulsé superstar du jour au lendemain par le succès du film et
Darryl Hannah même si plus expérimentée (
Fury de De Palma (1978) et le classique
Blade Runner (1982) constituent déjà de belles pièces de sa filmographie) voit sa carrière exploser en cette année 1984 avec
Reckless et son rôle de sirène dans
Splash.
Reckless, c'est le mal être de
La Fureur de vivre, les préoccupations sociales et la naïveté du
Lauréat
transposée dans le contexte de l'Amérique des 80's. L'histoire narre la
rencontre de deux solitudes que tout sépare si ce n'est un même mal
être et sentiment d'enfermement. Johnny (Aidan Quinn) traîne son ennui à
moto dans les ruelles triste de cette cité industrielle grisâtre tandis
que les problèmes s'accumulent dans sa vie personnelle : le départ de
sa mère, l'alcoolisme de son père avec qui il vit, des instincts suicidaires
et une agressivité qu'il a de plus en plus de mal à réfréner.
Tracey
(Darryl Hannah) au contraire a tout pour être heureuse dans une
existence qui sonne comme un cliché : jolie blonde issue d'un milieu
bourgeois, meneuse des pom pom girls et petite amie du quater back
vedette de l'équipe de football locale. Bien consciente de la vacuité de
cette existence lisse et réglée, Tracey attend tout autant que Johnny
l'évènement fera tout changer.
Foley passe le plus souvent par l'image pour exprimer le malaise
ambiant. Johnny traîne ainsi son spleen dans une falaise surplombant
l'usine d'acier locale dont l'architecture imposante envahit le cadre
comme pour signifier cet horizon sans but. Pour Tracey la caméra l'isole
le plus souvent en la cadrant seule lors des sorties avec ses
camarades, la montrant comme éloignée et extérieure à ses distractions
dont elle est lasse.
Les personnages ne savent pas ce qu'ils veulent si
ce n'est qu'ils sont mal dans cet environnement et qu'il ont besoin
d'autres chose. Cela est parfaitement exprimé lors d'une scène où Johnny
remplit une fiche d'orientation où il résume son futur et ses besoins
sur deux phrases en forme d'appel au secours.
Get out from here ! More !.
L'expression de cette rage intérieure passera constamment de manière
corporelle pour ses êtres incapables de l'exprimer par la parole. Ce
sera d'abord par une scène de danse où durant un bal ronflant Johnny
lance un rock martial et laisse exploser son énergie sur la piste avec
Tracey, Foley les accompagnant par un hypnotique travelling circulaire.
La grande scène d'amour entre eux fonctionnera de la même manière en
deux temps par érotisme appuyé.
Chaque regard et caresse fonctionne en
terme de défi pour les deux amoureux avide d'interdit lorsqu’ils
envahissent seuls le lycée de nuit. Plus tard cette union se scellera en
quelques mots où le besoin d'affection de Johnny et celui d'exprimer
ses émotions de Tracey s'affirmera en quelques mots,
Say you want me... I want you...
Foley donne une grande poésie à la désolation de cette ville morte.
L'ensemble baigne dans une photo brumeuse et grisâtre (de Michael
Ballhaus) d'où une palette de couleurs plus vives peut surgir lors des
entrevues électriques du couple : le sous-sol rouge écarlate lors de la
première étreinte ou plus discrètement l'extérieur aux discrètes teintes
mauve à travers les carreaux lors de l'ultime échange à l'abri d'une
salle de classe. Chargé d'atmosphère, la tonalité du film est
profondément marquée 80's dans ses choix et notamment l'usage
d'esthétiques issues du clip.
Le monteur du film est Albert Magnoli
clippeur qui signera peu après le
Purple Rain (1984) de Prince et la grande séquence muette où Johnny et Tracey séparés végètent dans un montage musical où les paroles de
To look at you d'Inxs (un peu à la manière de Simple Minds pour
Breakfast Club le groupe australien doit son au explosion aux USA à ce film dévoilant une large part de leur album
Shabooh Shoobah en plus d'autres tubes new wave) surlignent leurs émotions est un splendide petit clip au sein du film.
Le score synthétique de Thomas Newman appuie cette atmosphère romantique
et désenchantée où là aussi les longues déambulations motorisée sans
paroles évoquent le clip, cela deviendra un cliché avec des productions
Bruckheimer/Don Simpson comme
Top Gun ou
Flashdance
mais ici c'est approprié et novateur. Foley en fera encore un usage
brillant dans
Comme un chien enragé avec le leitmotiv instrumental du
Live to tell de Madonna.
Aidan Quinn est ici parfait en écorché vif à fleur de peau, tout en
tristesse et résignation pouvant être interrompu par des explosions de
violence quand la provocation est trop grande. C'est également l'un des
meilleurs (si ce n'est le meilleur) rôle d'une Darryl Hannah
évanescente, fragile dont le regard perdu et désabusé retrouve
l'étincelle dès qu'elle est en présence de Quinn les deux ayant une
formidable alchimie.
Les deux amoureux se débarrassent définitivement de
leurs entraves toutes différentes (le poids des apparences pour Tracey,
la responsabilité de son père pour Johnny) lors d'un surprenant final
confondant de naïveté et très touchant. Signe de cette libération, le
cadre jusqu'ici surchargé s'aère enfin pour dévoiler l'horizon de la
route qu'ils empruntent, enfin ouverte.
Sorti en dvd zone 1 chez Warner dans la collection Warner Archives et donc sans sous-titres.
Extrait de la scène de danse.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire