Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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vendredi 12 septembre 2014

Comme un chien enragé - At Close Range, James Foley (1986)

Brad Jr. vient de quitter l'école et s'ennuie dans sa petite ville de Pennsylvanie. Il revoit son père, Brad Sr., qui a depuis longtemps quitté sa famille pour vivre en bande avec ses copains avec lesquels il a monté un gang de vols de véhicules. Brad Jr., de plus en plus admiratif, finit avec un groupe de copains par faire la même chose. Encouragé par les aînés, le jeune gang vole des tracteurs. Le drame éclate lorsque la police s'en mêle.

James Foley réalisait son chef d’œuvre et un des grands classiques des 80’s avec ce mélodrame puissant qu’est At Close Range. Le film s’inspire d’un fait divers réel s’étant déroulé en 1978 dans l’état de Pennsylvanie et où une bande malfrats avait recruté des adolescents qu’ils avaient par la suite assassinés lorsqu’ils étaient devenus des témoins gênants. Le drame avait choqué l’Amérique et Foley en donne une transposition romancée ici en y greffant des thèmes déjà présents dans son formidable premier film, le drame adolescent Reckless (1984). On y trouvait déjà cette jeunesse paumée et sans but, les figures parentales défaillantes ainsi que cette candeur touchante dans la description des premiers émois amoureux. Reckless par sa fougue et son insouciance lorgnait vers une sorte de relecture du Lauréat (1967) façon teen movie existentiel, et en reprenant ces questionnement dans le cadre de ce faits divers très sombre on aboutira à un résultat encore plus intense et éprouvant.

La scène d’ouverture montre d’ailleurs bien cet écart du récit entre romanesque insouciant et folie latente. Brad (Sean Penn) jeune adolescent paumé débarque dans le centre-ville où dans la même séquence il s’illustrera par sa douceur et ses envies d’ailleurs (les regards prolongés sur la belle Terry (Mary Stuart Masterton) puis la séduction maladroite qui s’ensuit) et son gout pour le danger lorsqu’il défiera un quidam en s’accrochant à sa voiture. Les ralentis et la musique de Patrick Leonard (avec un main thème entêtant qui est une version instrumentale de la superbe chanson Live to tell de Madonna) alterne ainsi avec une mise en scène urgente pour montrer avec brio le gout du danger et le besoin d’affection de Brad dans une dualité qui lui causera bien des ennuis. 

Déscolarisé, sans travail ni repère Brad et son frère Tommy (Chris Penn) voit revenir dans leur vie cet illustre inconnu qu’est leur père, Brad senior (Christopher Walken). Séduisant, dangereux et menant la grande vie, ce père exerce immédiatement une attirance irrésistible pour Brad qui va s’en rapprocher. Brad senior est en fait un malfrat qui avec sa bande écume les maisons et entrepôt de la région à coups de cambriolage nocturne.  Brad après avoir fait ses preuves avec ses jeunes acolytes va ainsi chercher à intégrer l’équipe de son père, avant de comprendre à quel point ce dernier est un monstre égoïste.

Le plus fragile sera le plus intense et démonstratif dans son jeu avec un extraordinaire Sean Penn, étendard de la jeunesse white trash. L’acteur impose une présence forte et fébrile à la fois, froid et déterminé quand il se perd dans une délinquance vaine, anxieux et gauche dès qu’il s’agit d’exprimer ses sentiments. Face à des interlocuteurs bienveillants cette fragilité est un atout fendant la carapace du mauvais garçon (belle alchimie entre Sean Penn et Mary Stuart Masterton, toutes les figures féminines étant aimantes et protectrice dans le film) mais lorsqu’il croise la route de son géniteur, il fera figure de proie sans défense. 

Christopher Walken est donc le plus sobre mais aussi le plus dangereux en père indigne. L’acteur n’exprime jamais la menace qu’il incarne par un jeu agressif, au contraire il sera toujours rigolard et avenant, rendant ses écarts aussi imprévisibles que brutaux. Nulles pulsions incontrôlées chez lui, c’est un être froid et pragmatique éliminant tout obstacle perturbant son entreprise même s’il s’agit de ses fils. 

L’attitude chaleureuse peut s’estomper en un instant pour laisser place à ce visage opaque et ce regard sans expressions alors qu’il commet l’horreur. L’intrigue montre ainsi Brad se rapprocher et chercher à ressembler à ce modèle paternel faussement attirant jusqu’à découvrir à quel point il est malfaisant. On alterne entre la romance juvénile de plus en plus fusionnelle entre Brad et Terry et les larcins de la bande notre héros prend de plus en plus d’importance. 

Cette opposition ce fait symboliquement entre le jour et la nuit, la lumière signifiant la plénitude, l’épanouissement (la scène dans le chant, la longue baignade où Foley laisse éclater ses élans clippesques déjà exprimé dans Reckless)  tandis que la nuit symbolise le mal, la mort. La photo de Juan Ruiz Anchía s’orne de velléités naturaliste et contemplative à la Malick dans les scènes de jour (rappelant son travail pour le Maria’s Lovers (1984) d’Andreï Konchalovsky) tandis qu’elle prend des teintes bleutées et spectrales dans tous les assassinats nocturnes.

Le mal est comme en sourdine, attrayant et facile pour mieux nous tromper sous les sourires de Christopher Walken qui est une sorte de Faust (il a vraiment une sorte d’aura surnaturelle démoniaque dans son allure) dans un cadre réaliste. Faute d’avoir rompu le pacte, Brad s’aliène la seule famille non dysfonctionnelle du film mais aussi la plus dangereuse, fidèle et rancunière, celle du crime. Foley aligne les moments chocs, aussi insoutenable que sobre dans la dernière partie où Brad et ses amis sont menacés par crainte d’une enquête du FBI.

En survivant à l’impensable, notre héros devient réellement une sorte de martyr dont Foley fait observer les stigmates alors qu’une ultime fois il hésitera entre la pulsion et la retenue, la vengeance et la justice dans un dernier face à face puissant. Sean Penn est absolument extraordinaire, plus écorché vif que jamais et exprimant l’incrédulité de son malheur et de celui en étant la cause dans une ultime séquence bluffant au plan fixe lourd de sens. 

Sorti en dvd zone 2 français chez MGM


Et puis quand même le "Live to tell" de Madonna un de ses plus beaux morceaux

2 commentaires:

  1. Intéressante mais inaboutie (en partie à cause de scories 'clipesques') relecture de "La Nuit du chasseur", écrite par Nicholas Kazan, qui sembla régler ses propres comptes avec son illustre paternel...

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  2. Effectivement il y a quelque chose de "La Nuit du chasseur" à travers la présence presque surnaturelle et menaçante de Walken et lees atmophères nocturnes étranges lors des meurtres lognent clairement vers le fantastique. Pour les aspects clippesque ça reste assez retenu et contemplatif dans l'ensemble, son premier film "Reckless" avait la main plus lourde à ce niveau, là ça ne m'a pas dérangé outre mesure.

    Et effectivement on peut imaginer une transposition de sa propre relation paternelle conflictuelle de la part du scénariste, même si c'était déjà présent dans "Reckless" aussi.

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