Grâce à un billet
magique, Danny Madigan, un enfant de onze ans, peut vivre les aventures de son
policier préféré, Slater, croisé des temps modernes. Ensemble ils affrontent
force danger et triomphent toujours. Mais les choses se compliquent lorsque des
personnes mal intentionnées s'emparent du billet magique et gagnent New York,
ou le crime paie encore plus qu'au cinéma.
Les meilleurs films de John McTiernan traitent souvent de l’opposition/affrontement
d’un homme avec son environnement, ce dernier représentant toujours une idée et
un état d’esprit opposé au sien. Dans Piège
de cristal (1988) c’était le cow boy moderne John McClane contre la
modernité (le début du film le montrant même incapable d'utiliser une
photocopieuse) de son pays changeant qui serait symbolisée par l’imposante tour
Nakatomi. La suite Une Journée en enfer
(1995) représenterait John McClane contre la ville dont les bruits et l’animation
mettent son corps à rude épreuve alors qu’il est à la poursuite d’un terroriste
joueur. Le 13e Guerrier (1999)
est aussi le récit de la confrontation entre l’Arabe raffiné et les rugueux
vikings et Predator (1987) ne raconte
pas autre chose dans ce duel entre Arnold Schwarzenegger défiant un guerrier
alien dans une jungle hostile. McTiernan retrouve d’ailleurs la star autrichienne
dans Last Action Hero et le
réalisateur semble réellement avoir offert une sorte de variante meta de Predator ici ou le héros d'action se confronte à la réalité.
Le film se plaisait ainsi dans sa première partie à
nous présenter les compétences de son commando dans tout la surenchère virile
du cinéma d’action 80’s avant de déconstruire cela avec l’ennemi indestructible
que constituerait le Predator et rendant ces fanfaronnades bien vaines. Le
héros devrait oublier l’apparaît superficiel et littéralement se fondre dans
cette jungle et revenir à ses instincts les plus primitifs pour vaincre son
adversaire. Last Action Hero opère de
la même manière et Schwarzenegger va effectuer le même parcours, passant du
personnage de cinéma d’action outrancier à l’écran au héros plus vulnérable
confronté au monde réel. Last Action Hero
pose une approche émotionnelle à l’opposé de celle viscérale de Predator car reposant sur le regard d’un
jeune spectateur admiratif.
Le film reprend le principe de La Rose Pourpre du Caire (1985) de Woody Allen avec l’interaction
inattendue d’un personnage de cinéma avec son plus grand admirateur dans la
fiction et le monde réel. Dans les deux il s’agira de combler un vide, la jeune
femme esseulée et mal mariée sous la Grande Dépression avec son idéal
romantique à l’écran et le petit garçon de Last
Action hero avec son idole, le flic dure à cuir Jack Slater. McTiernan se moque
avec tendresse de tous les codes – qu’il en grande partie contribués à créer
avec son scénariste Shane Black – du film d’action 80’s et la façon dont ils
imprègnent l’imaginaire de son jeune personnage. Bande-son hard rock tapageuse,
ouverture aérienne typique des productions Joel Silver avec voitures de police
à perte de vue et bien sûr introduction tonitruante de Jack Slater. Bottes en
peau de crocodiles, ceinture de cowboy, brushing impeccable et cigare au bec,
Jack Slater sied parfaitement à la présence démesurée et rigolarde d’Arnold
Schwarzenegger.
L’acteur a toujours été l’incarnation idéale du surhomme dans
ce cinéma d’action, pouvant endosser par son physique les forces les plus
mythologiques (Conan le barbare) ou
technologique (Terminator) dépassant
l’entendement humain (à l’inverse de son rival de l’époque Stallone dont les
exploits sont synonyme de souffrance et dépassement de soi). Ici il pousse
juste le bouchon un peu plus loin en apportant une forme de distance à sa force
tranquille (dont une savoureuse parodie d'Hamlet), McTiernan amenant toujours la dose de surenchère qui permet de
poser un regard amusé à ses exploits. Danny (Austin O'Brien), pas dupe des
grosses ficelles de cet univers qu’il admire préfère cependant s’y perdre tant
le sien lui apporte peu de satisfaction. Le cadre urbain grisâtre de New York
répond donc à une Californie ensoleillée et peuplée de bimbos de l’écran – la photo
désaturée de Dean Semler ne se colorant que devant une enseigne de cinéma – et,
quand le moindre crime voit immédiatement surgir la silhouette imposante de
Jack Slater, Danny sera victime d’une traumatisante agression sans que personne
ne vienne à son secours.
A quoi bon le réel, l’école et un quotidien solitaire
quand il suffit de s’engouffrer dans une salle de cinéma voir Jack Slater
résoudre les problèmes d’un coup de feu et avec le sourire ? Son vœu va
littéralement être exaucé à l’aide d’un ticket de cinéma magique hérité d’Houdini
et nous faire savourer depuis l’intérieur ce monde tapageur de l’actionner. McTiernan
après avoir montré les clichés avec l’œil
amusé du spectateur nous y plonge avec celui émerveillé du fan Danny qui
commente autant qu’il vit intensément l’aventure. L’outrance est encore plus
folle vécues de l’intérieur – chef de police noir sous pression et hystérique,
le moindre coup de feu déchaînant l’enfer sur avec une explosion apocalyptique
toute les cinq minutes, aucune blessure et munition illimitées pour tout le
monde – dans ce monde du cinéma ou les références et les caméos aux succès
récents sont légions avec entre autre Sharon Stone échappé de Basic Instinct ou Danny reproduisant une
séquence culte d’ET.
Même le
compositeur Michael Kamen y va de son petit clin d’œil avec son thème de Piège de Cristal se faisant entendre sans prévenir. Jack Slater
perché sur sa montagne de héros parfait acquiert pourtant une surprenante
humanité au milieu de ces pantins grâce au lien qu’il établit avec Danny car il
lui permet d’exister à travers le regard et l’admiration de son jeune fan. C’est
cette relation qui en fera un vrai héros lorsque déboussolé il se confrontera
au monde réel, à la poursuite de l’infâme Benedict (Charles Dance) ayant volé
le ticket de cinéma magique.
La mise en abyme s’avère étonnamment touchante dans ce
rapport au réel. Jack Slater découvrira certes lois de la physique différente
et la douleur, mais c’est surtout en temps qu’être de fiction jouet des
scénaristes que le personnage suscite l’émotion. Les évènements les plus
douloureux de sa vie (la perte de son fils) n’auront été que des gimmicks
destinés à produire l’épisode suivant de ses aventures quand pour lui ils constituent
un vrai traumatisme. Cette vulnérabilité se révèle à l’image également où l’urbanité
nocturne et pluvieuse new yorkaise noie sa carrure quand elle s’épanouissait
dans les grands espaces lumineux californiens. Tout comme le Dutch de Predator, Slater devra donc dépasser ce
qui le définit (un barbouze dur à cuire/une star d’action) pour être réellement
ce héros sans peur et sans reproche. Cette fragilité nouvelle rend alors
soudainement l’aventure plus palpitante dans ce monde réel où « les
méchants gagnent à la fin » comme s’en délecte Benedict.
L’avalanche méta
inversée de la dernière partie – caméo e pagaille une nouvelle Schwarzy dans
son propre rôle compris – intéresse moins que la relation entre Slater et
Danny, le premier étant bien décidé à prouver au second que l’âme d’un héros ne
repose pas que sur des fanfaronnades sur pellicule mais par les actes. C’est
réellement une des prestations les plus captivantes d'Arnold Schwarzenegger ici
producteur et qui aura insisté pour que soit apportée cette profondeur au
scénario initial plus sombre et violent. McTiernan dont on avait déjà décelé
une dimension plus réfléchie dans ses précédents travaux se révèle
définitivement un auteur passionnant avec ce film où il distille un sens de l’humour
et de la dérision insoupçonné. Un vrai conte moderne et une réflexion sur le
cinéma et le statut de héros qui sera malheureusement un échec à sa sortie car
face au mastodonte Jurassic Park.
Sorti en dvd zone 2 français chez Sony et pour les parisiens visible bientôt en salle dans le cadre de la rétrospective consacrée au réalisateur ce mois de septembre
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