Maurice Decques est un
Parisien, né du mélange détonnant d'un père communiste et d'une mère
anarchiste. Il vit dans son quartier de Ménilmontant depuis son enfance, et
continue à y vivre, chez ses parents, après son mariage avec une violoncelliste
hongroise, peu sensible aux charmes du communisme réel.
Gérard Mordillat adaptait son premier roman éponyme Vive la sociale (paru en 1981) avec
cette première œuvre de fiction puisqu’il était déjà coréalisateur avec Nicolas
Philibert du documentaire La Voix de son
maître en 1979. Artistes aux talents variés (cinéastes, documentariste,
poète, écrivain), Gérard Mordillat aura établi comme fil rouge à ses divers travaux
son profond enracinement politique à gauche illustré par son soutien de
toujours au Parti Communiste ou plus récemment au Front de Gauche de Jean-Luc
Mélenchon. Cet engagement pu se manifester dans une veine sombre et
revendicatrice comme dans son roman Les
Vivants et les morts, où il dépeignait la liquidation d’une entreprise du
point de vue des salariés. Vive la
sociale par sa dimension autobiographique (même si Mordillat se défend d’avoir
uniquement œuvré dans ce sens) traite de la question sur un mode plus léger,
attachant et nostalgique en se penchant sur les souvenirs de Mordillat de son
enfance au début des années 50 aux 70’s et le voyant traverser des soubresauts
tel que la Guerre d’Algérie ou Mai 68. Maurice Decques (François Cluzet) double
du réalisateur, traverse donc avec amusement ses souvenirs qu’il commente et
dont il s’amuse face caméra.
On y découvre ainsi à travers sa famille une France
d’après-guerre encore profondément endoctrinée à gauche, niant encore l’évidence
des dérives du régime communiste en URSS. Point de pensum ou de grand discours
pour exprimer cet attachement aveugle, il suffira d’un gag où le père (Yves
Robert) est outré en faisant ses mots croisés qu’à l’intitulé « dictateur
du XXe siècle » la réponse corresponde à Lenine et qu’il refusera de
noter.
Le regard innocent de l’enfant nous fait ainsi découvrir les motifs d’agitation
d’alors avec son frère engagé en Algérie et lui écrivant sa répugnance à tuer
ses hommes qui ne lui ont rien fait. L’opinion du réalisateur et la candeur du
personnage s’entrecroise ainsi en évitant un message trop lourdement appuyé. La
personnalité de Decques sert au contraire à rebondir intelligemment sur ce
contexte puisque sa fugue (afin de suivre l’exemple de son idole le
scientifique Alain Bombard et son ouvrage Naufragé
volontaire) en barque intervient après avoir lu que son frère était
emprisonné par l’armée française.
Plus qu’une simple autobiographie, Mordillat cherche à
capturer l’esprit d’une époque et plus précisément d’un lieu, le 20e
arrondissement de Paris. Tout dans sa mise en scène, sa manière de rendre
familières les personnalités rencontrées (Jean-Pierre Cassel génial en une
courte apparition de camelot vendant de la vaisselle) et la façon dont la
caméra s’immisce dans les ruelles et cages d’escalier tend à faire du lieu un
espace dont le quotidien sera le nôtre.
D’après-midi dansant timide en drague
maladroite de vendeuses de supermarché, on traverse ainsi les premières
expériences et initiations de Decques et ses amis. Aucun vrai rebondissement ou
pic dramatique cependant, Mordillat fait au contraire l’éloge de la banalité où
la magie nait de moment parlant à tous comme une ravissante première rencontre
entre Decques et sa future femme Genichka (Elisabeth Bourgine) ou encore les
apartés amusants où il fera un portrait décalés de ses amis. Même là l’humour
se fera cocasse mais sobre, rien ne devant troubler le long fleuve tranquille
du quotidien des personnages.
C’est dans ce fil rouge sobre que naît d’ailleurs
finalement la dramaturgie avec un Decques qui cherche sa voie dans des métiers
peu exaltant ou finissant même par trouver une certaine lassitude dans son
entreprise de fête de mariage. Le conflit peut naître quand cette banalité
altèrera la fantaisie des personnages et notamment le quotidien de Decques et
Genichka rattrapé par la routine. Les signes de l’engagement de Decques défini
par ses parents se font également de façon amusée (son pyjama rouge, la crise
et l’incrédulité de son père lorsqu’on lui affirmera que oui i y a bien eu des
goulags en URSS) mais symbolise le possible carcan où pourrait s’enfermer
Decques. Là aussi Mordillat ne fait que survoler la question, préférant
prolonger l’atmosphère festive de l’ensemble à l’image d’un virevoltant, tout
le film esquissant des hommages à Jacques Tati notamment. Le casting est pour
beaucoup dans le plaisir du moment passé où l’on croise des tous jeunes Robin
Renucci, Ariane Ascarides ou encore Isabelle Nanty.
Sorti en dvd zone 2 chez Tamasa
Extrait
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