Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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dimanche 28 septembre 2014

Le crime, c'est notre business - The Split, Gordon Flemyng (1968)


McClain un gangster afro-américain, revient à Los Angeles après deux ans d'absence. Il retourne habiter chez Elly, son ex-femme et prend contact avec Gladys, une ancienne complice qui lui propose d'organiser un hold-up. Il s'agit de voler la recette d'un grand stade de Los Angeles pendant un match de football. Il ne reste plus qu'à recruter des complices, de préférence des professionnels du crime. Un quatuor, trié sur le volet, est donc engagé. Le jour dit, l'opération se déroule sans anicroche et McClain dépose le butin dans l'appartement de son ex-femme.

Le succès du Point de non-retour (1967) de John Boorman va entraîner durant les années suivantes de nombreuses adaptations de Donald Westlake/Richard Stark et plus particulièrement de son personnage emblématique Parker. Cette figure imposante et emblématique du polar hard-boiled semble particulièrement malléable aux attentes des réalisateurs mettant en scène ses aventures tant les visions en diffèrent – et le baptisent d’un autre nom que Parker pour mieux se l’approprier. Le plus mémorable restera définitivement Lee Marvin dans le Boorman, brutal et taciturne, Robert Duvall saura être plus opaque et menaçant encore dans l’excellent Échec à l’organisation (1973) tandis que Mel Gibson reviendra au côté nerveux et obsessionnel de Marvin dans Payback (1999) et qu’un Jason Statham se montrera plutôt convaincant dans le revanchard mais trop léger Parker (2013). The Split (adapté du Parker Le Septième paru en 1966) n’est pas la plus connue des adaptations mais certainement une des plus mémorable.

On retrouve la dimension mystérieuse de Parker ici renommé McClain (Jim Brown) lorsque notre héros faire son retour à LA sans que l’on ne sache rien de son passé (sort- il de prison ?). Là il va retrouver son ex-femme Elly (Diahann Carroll) lui en voulant encore de privilégier son mode de vie criminel à leur relation. McClain n’en a cure, surtout lorsque son ancienne complice Gladys (Julie Harris) va le mettre sur une affaire juteuse à savoir un hold-up sur les recettes d’un match de football un jour de match. On retrouve le schéma classique de repérage des lieux, recrutement des acolytes et préparation du casse mais celui-ci prend un tour particulièrement jubilatoire ici. 

McClain va en effet tester les aptitudes de ses partenaires en les recrutant « en situation » : Il va donc aller coller une rouste à son futur homme de main (Ernest Borgnine), flanquer la peur de sa vie sur une route escarpée à son pilote (Jack Klugman), tendre un piège particulièrement vicieux à son perceur de coffre (Warren Oates) et mettre à mal les réflexes de son tireur d’élite (Donald Sutherland). En dépit du score funky de Quincy Jones, on ne ressent jamais le côté « à la cool » et détendu qu’on retrouve souvent dans le caper movie mais plutôt une vraie tension de série noire, notamment par le vrai danger et l’imprévisibilité que semble représenter les comparses (Sutherland semble être un psychopathe en puissance, Oates ne cache même pas son racisme, Borgnine est intimidant par son seul regard). Cette ambiguïté fonctionne également pour McClain qui manipule allégrement son ex-femme, complice involontaire et qui retombe dans ses bras lors d’une longue séquence romantique dont le scintillement ensoleillé n’est qu’une illusion.

Gordon Flemyng (ayant surtout officié à la télévision notamment sur Le Saint et Chapeau Melon et Bottes de Cuir) offre une mise en scène nerveuse et alerte où il parvient à retrouver ce qui faisait la force du film de John Boorman. On a ainsi constamment l’impression de se trouver dans une sorte d’envers de LA, un monde criminel sous-terrain et dangereux répondant constamment à l’imagerie de Californie touristique. Un magasin de jouet dissimule en fait une arrière-boutique où l’on achète des armes lourdes, un hangar désaffecté des voitures volés et méfiance si une ravissante blonde vient vous draguer dans un bar miteux car ses filets n’ont rien de bienveillant. La scène de casse est un modèle du genre, filmée au cordeau et sans virtuosité inutile car le procédé est aussi simple qu’astucieux. 

C’est plutôt l’après et le partage du butin tournant mal qui va se révéler captivant. Tous les éléments disséminés dans la première partie se trouvent là transcendés, la fatalité ou la malchance n’ayant pas grand-chose à voir avec le virage dramatique du récit. Cet aspect LA underground dissimulant des monstres se vérifie de la plus brutale des manières (la mort sanglante de la petite amie de Brown) avec une menace sous-jacente que l’on n’aura pas vu venir, cet envers du décor troublant les figures de justices (le flic incarné par un Gene Hackman loin de Popeye Doyle) et libéreant les instincts les plus primaires entre les complices avec la disparition du butin. 

Le suspense et les alliances sont complètement relancés avec l'apparition de Gene Hackman, Flemyng amorçant les revirements avec une efficacité rare (90 minutes qui vont droit au but) culminant lors d’un gunfight tendu à bloc dans une gare désaffectée appuyant le ton crépusculaire de l’ensemble. Casting aux petits oignons (où un Jim Brown sobre et charismatique n’a pas à rougir et fait un Parker très honorable) et déroulement astucieux pour une petite merveille de polar urbain. 

Sorti dans la collection Warner Archives, all zone mais dépourvus de sous-titres 

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