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mardi 26 septembre 2017

La Fête à Henriette - Julien Duvivier (1952)

Deux scénaristes doivent écrire une histoire pour un nouveau film. Leurs inspirations contradictoires vont faire vivre des situations rocambolesques à leurs deux héros, Henriette et Maurice…

La Fête à Henriette s'inscrit dans une parenthèse plus légère pour Julien Duvivier qui alignera quatre comédies (Sous le ciel de Paris (1951), Le Petit Monde de don Camillo (1952) et Le Retour de don Camillo (1953)) en ce début des années 50. L'idée du film naît lorsque Duvivier patinera dans l'écriture d'un projet antérieur et décidera d'en réorienter le ton. Cela lui inspirera donc le postulat de La Fête à Henriette qui mettra en scène les atermoiements d'un duo de scénariste sur un film tout en mettant en image les situations et ruptures de ton qui en découlent. Dans le film les deux scénaristes sont incarnés par Henri Crémieux et Louis Seigner et là encore Duvivier ne va pas chercher l'inspiration bien loin pour les caractériser. Duvivier collabore avec Henri Jeanson au scénario, un partenaire régulier (ils travailleront ensemble sur huit films de Duvivier) avec lequel il entretient une relation de travail tumultueuse du fait de leur caractères opposés. Les penchants romantiques et humanistes de Jeanson s'opposent ainsi gout de la noirceur de Duvivier, symbolisé dans le film par la truculence optimiste d'Henri Crémieux et les élans tourmentés de Louis Seigner. Le film s'en amuse dans un joyeux second degré, les excès de violence et d'érotisme de certaines situations contrebalançant avec la bienveillance jamais loin de la niaiserie tant à travers le film dans le film que des vifs échanges des deux auteurs.

Le récit tisse une trame assez simple mais constamment bousculée par les contradictions des auteurs : la jeune Henriette (Dany Robin) est délaissée en pleine festivités du 14 juillet par son fiancé Robert (Michel Roux) obnubilé par une possible aventure avec une cavalière (Hildegard Knef), ce qui laisse le champ libre au voyou amoureux Maurice (Michel Auclair). L'ensemble est extrêmement ludique grâce à plusieurs idées formelles et narratives qui relancent constamment l'action. Le film se pose en pastiche outrancier de l'univers de Duvivier et du cinéma français au sens large. L'atmosphère de bal festive de ce 14 juillet ramène au début des années 30 et à certaines œuvres de René Clair comme Sous les toits de Paris (1930) ou Quatorze juillet (1933), des personnages furtifs évoquent les œuvres de Carné/Prévert (l'apparition funeste du Destin qui rappelle entre autre Les Portes de la nuit (1946)) et Maurice le bandit amoureux au grand cœur (et son opposition complice avec le flic joué par Daniel Ivernel) rappellera forcément Pépé le Moko (1935).

De manière générale, La Fête à Henriette n'est qu'une variation amusée d'une thématique de Duvivier sur la fatalité du destin. Il l'explicite et en rit ici en montrant les scénaristes marionnettistes de ce destin, invisible dans la tragédie menant ses personnages à leur pertes dans d'autres œuvres ou conceptualisé dans ses films à sketches (Un Carnet de bal (1937) en France ou encore Obsessions (1943) à Hollywood) dont le thème central amenait une cohérence d'ensemble. Rien de tout cela ici où l'on passe d'un genre à un autre sans prévenir avec une mise en scène se mettant au diapason. Quand le scénariste pessimiste se laisse aller à son attrait pour la violence c'est un festival cadrage en biais, de contre-plongée à la Orson Welles et d'imagerie baroque surchargée (le cirque fantasmé, les allées de statues antiques dans la maison que compte dévaliser Maurice) où cadavres et filles dévêtues s'exhibent sans discontinuer.

Lorsque l'optimiste prend le pouvoir c'est un romanesque tourbillonnant qui domine, Duvivier alternant les images de vraies festivités du 14 juillet et les tours de danse de son couple avec une ampleur qui capture à la fois l'allégresse de la ville (ces plans en plongée depuis les toits où l'on voit Paris animé) et celle des amoureux (la caméra accompagnant la danse de Dany Robin et Michel Roux tandis que l'arrière-plan se transforme pour figurer les innombrables rues qu'ils traversent). Et bien évidemment, une réplique cinglante viendra toujours railler les écarts de chacun des narrateurs (Qu'allons-nous faire de ce cadavre ?). La distance et les clins d'œil s'inscrivent parfois aussi astucieusement dans les dialogues tel ce moment où le scénariste pessimiste désespère de trouver une bonne histoire et lit des faits divers dans le journal dont il n'y a rien à tirer (et qui sont en fait les synopsis du Voleur de Bicyclette et Le petit Monde de don Camillo) tandis que hors-champ quelqu'un sifflote le thème musical de Fanfan la tulipe, grand succès du moment.

Si la facette ludique fonctionne à plein, ce côté éclaté (réellement audacieux dans le cinéma français de l'époque) ne parvient pas complètement à faire naître l'émotion. Cela est parfois dû à un certain manque de charisme des protagonistes qui ne transcendent pas le dispositif (Dany Robin et Michel Roux) ou alors à un drame qui ne s'installe pas avec assez de force au moment opportun (le destin de Michel Auclair). Du coup on saluera l'inventivité de l'ensemble sans pour autant s'être totalement senti impliqué, un écueil que parvient à éviter le génial remake que Richard Quine signera douze ans plus tard avec Deux têtes folles.

Sorti en dvd zone 2 français et bluray chez Pathé

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