Le Voyage Fantastique
de Sinbad est le deuxième volet de la trilogie Sinbad produite par Ray
Harryhausen et Charles Schneer, après le fameux Le Septième voyage de Sinbad (1958) et Sinbad et l’œil du tigre (1977). Le film de 1958 avait amorcé un
bond à la fois technique (le fameux duel avec le squelette) et thématique
puisqu’il fut la première incursion d’Harryhausen dans ce mélange de conte,
péplum et récit mythologique qui trouverait son apogée avec Jason et les Argonautes (1963). C’était
également une manière de se décomplexer avant d’attaquer d’autres couches de
l’imaginaire tout au long des années 60 avec le steampunk de Les Premiers hommes dans la lune (1964),
le récit préhistorique de Un milliond'années avant J.C. (1966) et pouvant se mélanger au western dans La Vallée de Gwangi (1969), l’aventures
à la Jules Verne de L’île Mystérieuse
(1961). Le Voyage Fantastique de Sinbad
signe donc une forme de régression en revenant à une imagerie déjà explorée. Les
précédentes tentatives n’ayant pas toujours rencontrée le succès, l’objectif
est clairement commercial en revenant à l’aspect le plus identifié des
productions Schneer/Harryhausen.
La formule magique n’est cependant pas reproductible sur
commande comme vont le démontrer les nombreux défauts du film. Le scénario est
cosigné par Brian Clemens, célèbre pour être le créateur de la série Chapeau melon et bottes de cuir mais
aussi participé à la mue de la Hammer avec son script de Docteur Jekyll et Sister Hyde (1971) et Capitaine Kronos, tueur de vampires (1974) sa seule réalisation. On
peut constater ses apports notamment avec le casting de Caroline Munro (a qui
il offrit un de ses premiers rôles important dans Capitaine Kronos) qui par sa
seule présence apporte la dose d’érotisme plus prononcé des productions Hammer
des seventies. Cet aspect avait pu de
fait surnager chez Harryhausen avec Un
million d'années avant J.C (Raquel Welch et Martine Beswick en peau de
bête, un élément érotique largement exploité dans la promotion du film) mais
toujours mis en situation dans le récit. Ce n’est pas le cas ici où le
personnage de Caroline Munro dégage une sensualité agressive mais sans
l’iconoclasme sexy que pouvait amener Clemens sur d’autres projet. Cet élément
somme toute trivial traduit pourtant le problème du film coincé entre certaine
volonté de modernité et un retour aux sources des productions plus naïves
d’antan.
Ainsi le relatif réalisme de cet Orient fantasmé (la scène
d’arrivée dans la cité) ne se fond jamais complètement dans la tonalité de
conte qui faisait l’équilibre des films précédents. Les décors de John Stoll et
la photo baroques de Ted Moore lors des séquences d’action et de suspense se
veulent inquiétantes afin d’accompagner le ton plus sombre qu’amène le
personnage du sorcier Koura (Tom Baker). Si l’acteur ne démérité pas, il
n’égale pas le charisme de Torin Thatcher sur ce même registre dans Le Septième Voyage de Sinbad. Mais
surtout le film échoue dans sa volonté d’un spectacle plus sombre lorgnant sur
l’épouvante quand se manifeste les sortilèges de Koura. Jack le tueur de géant (1962) décalque des productions Harryhausen
moins abouti dans sa stop-motion avait pourtant sur ce terrain su donner une
atmosphère plus dérangeantes, une cruauté plus prononcée et ses créatures plus
inquiétantes. Pour revenir à Hammer, Les Vierges de Satan est également un bon exemple de manifestations de magie
noires formellement inventives.
L’innovation voulue s’oppose donc ainsi tout au long du film
à un cahier des charges établi. La construction du film décalque cette de
Jason, mais la mise en place laborieuse et les enjeux nébuleux ont bien du mal
à lancer l’aventure. Le bestiaire est original dans l’idée (convoquer les
icones de la mythologie hindoue change un peu la donne) mais pas dans
l’utilisation et surtout l’exécution bien fort maladroite. Gordon Hassler a
surtout œuvré à la télévision et ne possède pas le solide bagage technique de
Don Chaffey ou Nathan Juran qui surent dynamiser l’imaginaire de Harryhausen.
Les créatures sont ici plus rares et surtout mal mise en situation par le
découpage chaotique lors d’un combat avec la statue de Kali. John Philip Law
dégage un certain charisme physique en Sinbad mais ce côté adulte est comme le
reste des tentatives du film, superficiel. Sans l’émerveillement naïf des débuts
et sans un apport plus mature, Le Voyage fantastique de Sinbad amorce le déclin
(malgré un succès en salle) des productions Harryhausen qui paraitront bien
désuète avec l’arrivée de Star Wars quelques années plus tard.
Sorti en bluray et dvd zone 2 français chez Sidonis
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