En 1931, un déserteur espagnol se réfugie dans une ferme isolée. Les quatre filles de l'agriculteur ont tôt fait de s'intéresser au jeune militaire qui ne peut s'empêcher de tomber amoureux de chacune d'elles.
Belle Epoque est pour Fernando Trueba une œuvre qui vient confirmer la reconnaissance critique et commerciale amorcée avec son film précédent Le Rêve du singe fou (1989). Belle Epoque est la pièce centrale d’une trilogie historique se situant dans les années 30, suivant Manolo (1986) et précédant La Fille de tes rêves (1998). Le film se déroule en 1931, moment crucial dans l’histoire espagnole. Le pays est dans une période intermédiaire entre la chute du régime royal des Bourbons et l’avènement de la Seconde République, effective le 14 avril 1931. La population est ainsi déchirée entre ces deux possibilités de pouvoir, ainsi qu’avec les idéologies qui s’y rattachent. Laïcité, fin des inégalités, liberté de la presse notamment pour la République tandis que le poids de la tradition, l’influence de la religion restent encore un héritage de la royauté.
Belle Epoque scrute précisément ces contradictions, mais sous un angle surprenant de satire légère et lumineuse. Cela n’empêche pas le film de s’ouvrir sous une couche de comédie noire. Fernando (Jorge Sanz), jeune déserteur est capturé par deux soldats de l’armée monarchique. Le plus âgés des deux, conscient des jours comptés du régime préfère libérer le prisonnier quand son compagnon (qui s’avérera être son beau-fils) est bien plus fanatisé et préfèrera abattre son collègue avant de se suicider à son tour. Tout l’absurde de la situation du pays est illustré dans cette entrée en matière, mais Fernando Trueba préfèrera l’exprimer dans une approche intimiste et tendre. Fernando va trouver refuge auprès de Manolo (Fernando Fernández Gómez) un vieux républicain vivant seul dans sa ferme, et avec lequel il va se lier d’amitié. Comme tous les étés celui-ci s’apprête à accueillir ses quatre filles, Clara (Miriam Díaz Aroca), Rocio (Maribel Verdú), Violeta (Ariadna Gil) et la cadette Luz (Penelope Cruz). Fernando va tomber amoureux et avoir une aventure avec chacune des filles qui chacune représentent une contradiction sociale et/ou morale reflétant le clivage du pays.L’histoire se déroule dans un cadre rural et se propose de montrer un microcosme amusé de cette situation. Point de grand discours cependant, l’approche amusée de Fernando Trueba est entièrement au service des personnages plutôt que d’une démonstration politique. Le joyeux marivaudage déroute par sa totale absence de manichéisme, les protagonistes étant toujours hésitant entre la logique d’un système, d’une éducation qu’il suivent ou renient au gré de leurs désirs. La crise d’identité est de mise pour Violeta élevée et considérée comme un homme par sa famille et qui mène littéralement la danse lors de sa grande scène d’amour avec Fernando, où Trueba renverse tous les codes. Le prétexte d’un carnaval la voit revêtir un uniforme militaire tandis que Fernando est déguisé en soubrette, et un tango endiablé puis une étreinte renversent les archétypes homme/femme ou supposés dominant/dominé avec une inventivité et modernité confondante. Rocio hésite à s’unir avec Juanito (Gabino Diego) son fiancé étouffé par une mère royaliste et bercée de mœurs traditionalistes. Rocio en devient une figure hésitante et malicieuse, tour à tour sur le recul puis provocante, propageant cette schizophrénie à son fiancé fou de désir, passant de républicain à royaliste au gré des sursaut de sa libido. L’aîné Clara est une jeune veuve supposée se chercher un parti honorable mais est également tiraillé par la solitude sans se résoudre à céder à des prétendants vieillissants. Fernando n’est pas l’objet d’une rivalité amoureuse entre les sœurs, mais plutôt le catalyseur de ce tiraillement social et intime qui les agitent - c'est un peu Les Proies de Don Siegel dans un versant positif. Dès lors l’acte est assez vite consommé avec les trois aînées dans des situations aussi cocasses que sensuelles, que Fernando Trueba sait mettre en valeur au gré de leurs caractères respectifs, chacune des formes de beauté des actrices. L’inconséquence de Fernando à tomber amoureux de celle qui lui cède ou l’assaille est aussi aussi par ce cœur d’artichaut une métaphore des élans politiques contradictoires espagnols. Seule la cadette Luz, la plus timide et sincèrement amoureuse, est exclue de ce marivaudage : par ses aînées l’éloignant dès que les confidences sexuelles se font plus croustillantes, et par Fernando ne sachant pas lire dans son propre cœur alors que dès l’ouverture nous devinons que son cœur penche vers elle. La dimension libertaire de cette petite famille n’est jamais questionnée ni jugée, et le contexte rural constitue une sorte de bulle où chacun est libre de suivre la norme où de se perdre à sa guise. L’arrière-plan politique est un fil rouge dont les personnages sont tenus au courant, et les quelques anicroches directes qu’il suscite sont plutôt sources de comédie. Fernando Trueba trouve ainsi un équilibre assez étonnant en signant un film qui est à la fois très léger, conscient et profond quant à la période charnière dans laquelle il se situe. La dernière partie atteint des sommets dans ce mélange de tradition et d’hédonisme avec l’apparition de la figure détonante de la mère Amalia (Mary Carmen Ramírez), mais l’on ressent malgré la victoire Républicaine un sentiment de paradis perdu. A la fin de l’été, toutes et tous retournent à leur quotidien, certains quittent même le pays, et le spectateur sait bien que les heures sombres du Franquisme sont en ligne de mire quelques années plus tard. C’est cette mélancolie qui domine en voyant le vieux Manolo retourner à sa solitude. Cette parenthèse enchantée restera cependant inoubliable et sera un immense succès, saluée par 9 Goya et l’Oscar du meilleur film étranger.Sorti en dvd zone 2 anglais chez Second Sight et doté de sous-titres anglais
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