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mardi 25 janvier 2022

Permis de tuer - Licence to kill, John Glen (1989)


 Dans cette nouvelle aventure, James Bond va devoir utiliser son "permis de tuer" contre l'avis même de M, son supérieur hiérarchique. En effet, son ami Felix Leiter a été torturé (et la femme de celui-ci tuée) par le plus puissant trafiquant de drogue de la planète, Franz Sanchez. 007 est bien décidé à venger ses amis, avec l’aide d’un agent de la CIA très pugnace, la belle Pam Bouvier...

Tuer n’est pas jouer (1987) avait, tant artistiquement que commercialement installé Timothy Dalton en tant que nouveau James Bond. Plus authentique, humain et dangereux, Dalton donnait un vrai nouveau souffle au personnage après la poussive fin de règne de Roger Moore. Néanmoins, Tuer n’est pas jouer avait un script pas spécifiquement écrit pour Dalton et qui donc comportait encore quelques scories fantaisistes pas adaptées à la personnalité du nouvel acteur. Dalton qui a minutieusement étudié les écrits de Ian Fleming souhaite donc pour cette seconde incarnation se rapprocher davantage de la dureté du Bond littéraire. Le script de Permis de tuer ira donc dans ce sens, qui correspond d’ailleurs aux nouveaux canons du film d’action contemporain. Les trafiquants de drogues et notamment le très médiatique Pablo Escobar se posent en nouveaux ennemis publics numéros 1, inspiration parfaite pour le Franz Sanchez (Robert Davi) nouveau et redoutable antagoniste. Des œuvres comme Scarface de Brian de Palma (1984) ou Miami Vice à la télévision ont contribuées à populariser cette imagerie de bad guy latino, transposant dans la fiction leurs terribles écarts de violence relayés dans les faits divers. Ce contexte amène ainsi à installer la production au Mexique (après une tentative avortée de tourner en Chine). 

Tout les codes bondiens sont là (base finale du méchant à détruire, gadgets, James Bond girls) mais à l’aune d’un traitement plus rugueux et réaliste à tout point de vue. Permis de tuer inaugure (exception faite d’Au service secret de sa majesté (1969)) d’ailleurs le fait d’avoir une implication personnelle de Bond dans la mission (ce qui sera le cas de tous les Pierce Brosnan et bien sûr les Daniel Craig) avec ici la vendetta personnelle de notre héros envers Sanchez ayant assassiné la femme de son ami Felix Leiter et fait dévorer ce dernier par des requins. Passé un pré-générique spectaculaire, la brutalité impitoyable de ce monde des narco-trafiquants nous frappe ainsi d’emblée. Corruption généralisée, Etats soumis à la loi des cartels étendant leur empire comme une entreprise capitaliste ordinaire, toute cette réalité passe par le prisme bondien. La grande réunion où le méchant vend son projet « économique » à ses associés existait déjà dans Goldfinger (1964) ou Dangereusementvotre (1985) et revient ici sous forme de simili comité d’entreprise normalisant des activités illégales. Robert Davi interprète Sanchez comme une petite frappe machiste et sadique telle que l’on imaginerait ce type de chef de cartel, et même les petites extravagances se fondent dans le mauvais goût (la villa rococo, l’iguane qui l’accompagne partout, orné d’un collier de diamant) inhérent à ce milieu. Dès lors Timothy Dalton incarne un Bond à la férocité inédite (hormis Sean Connery qui y ajoutait cependant un sadisme satisfait dans son jeu), à l’échelle des antagonistes lui faisant face.

Les débordements de violence (l’ouverture où Sanchez punit sa compagne infidèle (Talisa Soto) en la fouettant donne le ton) vaudront au film quelques démêlées avec la censure américaine mais installe son climat menaçant de façon immédiate. Personnages jetés en pâtures aux requins, explosé dans des sas de compression, la brutalité s’expose de manière crue et sans la dimension ludique qui atténuait les vrais moments corsés existant déjà dans les volets précédents. L’homme de main du méchant joué ici tel un chien fou incontrôlable par un tout jeune Benicio Del Toro nous fait bien ressentir cette différence, nous sommes loin de Oddjob (Golfinger) ou Requin (L’Espion qui m’aimait (1977), Moonraker (1979). Un semblant de légèreté n’apparait que dans la relation entre Bond et la belle Pam Bouvier (Carey Lowell) très convaincante en agent de la CIA suppléant notre héros, mais aussi par un Q (Desmond Llewelyn) plus actif que d’habitude sur le terrain et plus explicitement paternel envers Bond. 

Tout le traitement de cet épisode sert aussi à le raccrocher aux wagons de l’action hollywoodienne en vogue, et notamment les productions de Joel Silver (L’Arme Fatale 1 et 2 (1987 et 1989), Predator (1987), Die Hard (1987) …). Le choix du compositeur Michael Kamen ne doit par exemple rien au hasard et évoque davantage justement les production Silver que l’élégance bondienne (les apparitions du célèbre thème semblant presque incongrues). Pour le meilleur cela donne d’extraordinaires scènes d’actions, en particulier le climax sur fond de poursuite échevelée en semi-remorque sur des routes accidentées, où en point d’orgue Bond achève le méchant avec un radicalité rare. 

Donc Permis de tuer est un excellent film d’action mais où Bond perd peut-être en partie son identité, sans que cela soit payant au box-office puisque l’accueil pour ce Bond hargneux sera bien tiède. La concurrence incroyable de cet été 1989 y est pour beaucoup (Batman de Tim Burton, Indiana Jones et la dernière croisade de Steven Spielberg, L’Arme fatale 2 de Richard Donner, Abyss de James Cameron…), mais aussi le fait que le public n’était sans doute pas prêt pour cette mue de l’agent 007. C’est bien dommage tant ce Bond brutal et écorché est plus convaincant que celui de Daniel Craig qui aura cette fois les faveurs des spectateurs 15 ans plus tard. Une brillante anomalie qui gagnera en appréciation au fil des ans. La réinvention serait pour plus tard, et une longue mise en sommeil attendait alors la franchise. 

Sorti en dvd zone 2 français et bluray chez Sony

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