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mardi 10 juin 2025

Le Feu follet - Louis Malle (1963)

Alain Leroy, bourgeois trentenaire et alcoolique, a quitté New York pour Paris afin de suivre une cure de désintoxication. Autrefois mondain abonné aux soirées de débauche, Alain est aujourd'hui las de la vie. Les retrouvailles successives avec ses amis d'antan ne l'aident en rien. Même Lydia, une belle jeune femme avec qui il a passé une nuit, ne semble pouvoir le sauver de son désespoir et de son dégoût.

Louis Malle signe avec Le Feu Follet un de ses sommets, avec une des plus intenses expression de la dépression au cinéma. Malle adapte le roman éponyme de Pierre Drieu la Rochelle, publié en 1931. L’ouvrage est en grande partie autobiographique, témoignant de la vie dissolue et de la personnalité torturée de Drieu la Rochelle, auteur salué du surréalisme avant une bascule fasciste qui en fera une des figures les plus en vue durant l’Occupation allemande. Louis Malle transpose l’ouvrage à l’époque contemporaine et édulcore en partie les addictions du héros, passant de toxicomane à alcoolique.

L’une des forces du film, c’est de capturer la nature insaisissable et irrépressible de la dépression. Alain Leroy (Maurice Ronet) est certes interné pour alcoolisme, mais c’est une des conséquences davantage que la cause de son mal. L’isolation de la société mondaine de ses anciennes frasques l’apaise non pas par l’éloignement de la tentation alcoolisée, mais car la superficialité de ce cadre exacerbe son mal-être. La routine de sa cure et les excentriques authentiques qu’il y côtoie sont plus incarnés que la pantomime des nantis, Alain a lâché prise avec la vie et même l’amour d’une femme ne saura l’y raccrocher de nouveau.

La force du film vient en grande partie de la double identification à Leroy se faisant à la fois pour Louis Malle et Maurice Ronet. La vacuité de la vie mondaine et de la mentalité bourgeoise est ancrée dans les origines sociales de Malle tandis que Ronet est un écorché habitué à brûler la vie par les deux bouts. Le réalisateur et l’acteur s’influencent l’un l’autre dans la caractérisation (dans un mimétisme qui se prolongera à la ville), chacun amenant des éléments de son expérience intime, notamment la chambre de Leroy en cure comportant les effets personnels de Louis Malle.

Passant du cadre presque hors du temps du centre de désintoxication à la réalité urbaine et sociale parisienne, Le Feu follet brille par la longue errance sans but de sa deuxième partie. Grisaille oppressante de la ville, puis malaise des espaces de vie où l’on se sent épié et commenté (les brasseries parisiennes), et enfin la suffocation des dîners mondains durant lesquels se disputent commisération gênante ou mépris froid. Maurice Ronet est au-delà de l’affliction, du dégoût ou de la colère, c’est un être éteint incapable d’aimer et refusant de l’être en retour. 

Il n’attend qu’une chose, que cette douleur lancinante s’arrête. L’absence totale d’hésitation dans le geste fatal et son exécution en forme d’aller simple (une balle dans le cœur) exprime l’absence totale d’un possible appel au secours, mais davantage la volonté d’un point final. Cette conclusion choc ajoute à la puissance du film, qui amorçait là un questionnement autour de la fragilité masculine moderne et le mal-être social que prolongerait le superbe La Vie à l’envers d’Alain Jessua (1964) l’année suivante.

Sorti en bluray français chez Gaumont 

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