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vendredi 13 juin 2025

Le Manoir des mystères - Fortune is a woman, Sidney Gilliat (1957)

 Expert d'assurances, Oliver Branwell est chargé d'une enquête sur un incendie qui s'est déclaré au Lewis Manor, la veille de Noël. A sa stupéfaction, il retrouve dans ce manoir Sarah, une jeune femme qu'il avait aimée à Hong-Kong et qui avait disparu avec son père sans l'avertir. Devenue l'épouse de Tracey Moreton, le propriétaire du manoir, elle avoue confidentiellement à Oliver que des malversations commises par son père l'ont contrainte à fuir sans explication…

Le Manoir du mystère marque le point final provisoire (son ultime réalisation Endless Night (1972) marquera un retour aux sources) de l’obsession hitchcockienne de Sidney Gilliat. Avant de devenir les rois de la comédie anglaise durant les années 50, Sidney Gilliat et son partenaire Frank Launder coururent après la quête de la recette du thriller hitchcockien, d’abord en collaborant avec le maître du suspense pour lequel ils écriront Une Femme disparaît (1938) et sa variation réalisée par Carol Reed Train de nuit pour Munich (1940). Gilliat et Launder vont ensuite briller dans les récits à suspense, que ce soit le whodunit médical La Couleur qui tue (1946) et surtout l’haletante traque de Secret d’état (1950). La réussite exceptionnelle de ce dernier voyait Gilliat presque égaler son modèle sur le postulat fétiche du faux-coupable, et permettait au réalisateur de passer à autre chose avec cette mue vers la comédie.

Le Manoir du mystère marque dont une « rechute » fort plaisante autour de ce modèle hitchcockien. En adaptant le roman Fortune is a woman de Winston Graham, un fois n’est pas coutume Gilliat précède Hitchcock puisque ce dernier adaptera quelques années plus tard le même auteur avec Pas de printemps pour Marnie (1964). La scène d’ouverture plongeant dans les entrailles du manoir de Lewis Manor reprend l’ouverture inquiétante de Rebecca (1940) avec une obsédante et inquiétante atmosphère gothique. Ce lieu hante l’agent d’assurance Branwell (Jack Hawkins) qui, venu y enquêter pour un incendie accidentel va y retrouver Sarah (Arlene Dahl), un amour passé désormais mariée à Tracey Morton (Dennis Price) maître du manoir. Tout en renouant avec Sarah, une série d’évènements font suspecter à Branwell une fraude à l’assurance dont elle pourrait être complice. Un nouvel incendie puis un meurtre va emmener les amants dans une spirale de doute et de suspicion.

Sidney Gilliat nous embarque dans un scénario machiavélique qui multiplie les suspects et les fausses pistes, jusqu’à un retournement final que l’on aurait vraiment du mal à voir venir, tout en étant parfaitement logique. Entretemps, le brio formel du réalisateur aura fait son effet, notamment dans cette tonalité gothique, cette obsession pour le manoir et son panorama, dont les secrets se révèlent par procuration dans un tableau le représentant. Gilliat signe une vraie grande scène de frayeur lors de l’intrusion nocturne de Branwell dans le manoir, la seule recherche de fraude découlant sur une découverte réellement macabre. La scène se déroulant durant une pleine lune, les vitraux du manoir font passer un clair-obscur menaçant sur l’intérieur vide du manoir, au gré du passage des nuages devant la lune. Le travail conjoint de la photo de Gerald Gibbs et du montage font progressivement monter la tension au gré des pérégrinations de Branwell dans un ton lorgnant grandement sur le fantastique.

Malheureusement Gilliat abandonne ces amorces plus mystiques (si ce n’est à la fin pour un retour tout aussi réussi dans les ruines du manoir) pour une enquête plus terre à terre sur les rives du film noir. L’intrigue imprévisible réserve néanmoins son lot de surprise et de personnages retors, mais il est dommage (même si cela reste certainement soumis à l’intrigue du livre) que les élans plus oniriques et insaisissables ne soient pas plus approfondis au vu du brio visuel de Gilliat pour les amener. C’est d’autant plus regrettable que Hitchcock y plongera de plain-pied l’année suivante avec Vertigo (1958). Reste un très efficace et prenant suspense classique.

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