Mannequin à Paris est une œuvre gagnant son passage à la postérité pour être la première réalisation de Carol Reed. Après des débuts au théâtre, tout d’abord sur scène et encore adolescent en tant qu’acteur, puis en coulisse en étant l’adapteur attitré des adaptations théâtrale de l’auteur de thriller Edgar Wallace, Carol Reed intègre le monde du cinéma. Il est engagé au sein de Associated Talking Pictures, compagnie de production de Basil Dean. Il y gravit progressivement les échelons à travaillant à tous les postes (assistant, réalisateur de seconde équipe) jusqu’à enfin avoir l’opportunité de passer à la mise en scène avec It Happened in Paris. C’es d’ailleurs une coréalisation puisque si Reed y fait ses débuts, cela marquera la dernière expérience derrière la caméra de Robert Wyler, frère de William Wyler pour lequel il fera ensuite office de scénariste et producteur sur quelques-uns de ses plus fameux films (Histoire de détective (1951), Vacances Romaines (1953), La Maison des otages (1956), Les Grands Espaces (1958)).
Le film est l’adaptation de L’Arpète, pièce de d'Yves Mirande et Gustave Quinson jouée en 1928 et déjà transposée une première fois au cinéma dans une version muette réalisée par Émile-Bernard Donatien. Le film s’inscrit dans le système de production et la veine sociale des premiers films de Carol Reed, les quota quickies soit ces œuvres de complément de programme à brève durée ouvrant pour les titres plus prestigieux des majors américaines. S’il est difficile de déjà déceler l’identité de Reed dans ce contexte, on retrouve néanmoins la loufoquerie et l’observation des petites gens présentes dans les quotas quickies où il sera seul maître à bord comme le beau Bank Holiday (1938) ou encore La Grande Escalade (1938). L’intrigue se déroule dans le Paris bohème et romantique tel que fantasmé par les artistes en herbe durant les années 20 et 30. Nous allons suivre la rencontre et les amours de deux artistes frustrés. L’Américain Paul (John Loder) est un aspirant peintre installé dans un atelier miteux en attendant une espérée reconnaissance, tandis que la française Jacqueline (Nancy Burne) végète en tant que mannequin tout en aspirant devenir une grande couturière. La brièveté du film (1h06 à peine) ne tergiverse pas trop dans le rapprochement des deux jeunes gens, usant d’un étonnant et osé gag pour orchestrer la rencontre (il est question d’une culotte tombant au mauvais endroit et de quelques dialogues grivois) puis du motif plus classique mais joliment amené du vis-à-vis de fenêtre d’immeuble source de conflit puis de complicité. Il y a une plaisante simplicité, oscillant entre leitmotiv de screwball comedy et un pur ressort formel pour tisser le lien amoureux, notamment lors de la belle scène où Paul peint une Jacqueline endormie puis en profite pour l’embrasser avec son consentement amusé. La vie de bohème, les déconvenues professionnelles respectives et la touchante entraide entre les deux amants en quête de reconnaissance semble en grande partie constituer le socle de leur relation. Le « contrat » s’avère donc trahi lorsqu’il s’avère que Paul est un riche héritier absolument pas dans le besoin, les efforts et sacrifices ayant unis le couple s’en trouvant alors biaisés à travers plusieurs rebondissements. La séparation et les retrouvailles ne s’embarrassent pas trop d’une dimension dramatique complexe, mais reposent sur de belles idées narratives et formelles - les germes de la grâce d'une réussite comme Sentimentalement votre (1972) sont déjà là. C’est particulièrement vrai lors de la dernière séquence, magnifique aveu involontaire suite à un quiproquo. D’ailleurs le soin amené à toute les séquences du salon de couture et de l’exhibition des robes annoncent le raffinement à venir de Reed dans ses œuvres plus personnelles. De plus le film ayant entièrement été filmé en studio, Paris y apparaît dans une féérie stylisée lors de plan d’ensemble d’inspiration impressionniste par leur épure urbaine. Une modeste réussite mais le talent était déjà là.Disponible en streaming sur la plateforme MyCanal
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