Diana (Jessie
Matthews) trouve un travail dans une agence de mode. Elle y fait la
connaissance d’un riche et galant jeune homme, Nicky (Michael Redgrave) qui
tombe immédiatement sous son charme. Afin de la séduire, il prend un pseudonyme
pour travailler avec elle. Mais cette attention toute particulière du jeune
homme attise la jalousie de sa prétendante la plus éprise : Lady Constance (Margaret
Wyner), bien décidée à mettre le grappin sur le playboy, uniquement pour son
argent.
La Grande Escalade est le septième film de Carol Reed et témoin
de cette première période où il cherchait encore son style à la fin des années
30. La chronique douce-amère Week-end
sortie en cette même année 1938 est donc bien éloignée des thrillers
expressionnistes qui feront sa renommée. La
Grande Escalade montre que le réalisateur aurait également pu avoir un bel
avenir dans la comédie – même si certains de ses classiques n’en sont pas
dépourvus comme Notre Agent à la Havane
(1959) – tant cette tentative de screwball comedy à l’anglaise est
enthousiasmante.
Le rythme, l’extravagance des gags et le ton évoque
l’essence américaine du genre mais le film garde une profonde identité anglaise
par la nature de son couple antagoniste. Nicky Brooke (Michael Redgrave) est un
beau et riche sportif revenu vivre en Angleterre où il subit les assauts de
jeunes femmes en quête de bon parti et notamment Lady Constance (Margaret Wyner),
aristocrate fauchée le pressant pour un mariage. A l’opposé, la jeune Diana
(Jessie Matthews) se débat pour subsister, pressée notamment par son
propriétaire pour ses loyers en retard et va devoir rapidement se trouver un
travail en compagnie de ses farfelus colocataires dont le communiste acharné
Max (Alastair Sim). Le premier contact est rude puisque Nicky au volant de sa
rutilante voiture va renverser Diana.
La fille des classes populaires à pied et
le nanti en voiture, l’esprit de lutte des classes typique de la société et
donc du cinéma anglais se pose d’emblée notamment par la gouaille outrée de
Diana s’opposant au flegme amusé d’un Nicky sous le charme. D’autres rencontres
explosives auront lieu mais c’est précisément en pensant être finalement confrontée
à un égal que Diana daignera s’intéresser à Nicky, ce dernier dissimulant son
identité en se faisant passer pour un employé de la même agence de mode. Tous
les opposent quand les évènements semblent le pousser dans les bras vilement
intéressés de Lady Constance, celle-ci usant de toutes les ruses et stratagème
pour forcer le mariage.
L’intrigue amoureuse déjà très plaisante en elle-même se
voit dynamitée par les surprenantes ruptures de ton du film. La complicité
entre Nicky et Diana se crée ainsi après un long et dantesque gag où un
ventilateur surpuissant va entièrement dévaster le studio photo de l’agence. Un
moment de folie qui annonce les écarts d’un Hellzapoppin
(1941) et donne dans le burlesque le plus décomplexé où les protagonistes
voltigent, sont emplâtrés, entartés et repeints par les vents tandis que la
mine ahurie de Alastair Sim (un voleur de scène hors-pair) offre un contrepoint
calme hilarant au chaos.
Plus tard ce sera la rencontre en campagne d’un
cantateur échappé de l’asile qui s’étirera dans un gag où il oblige notre
couple à chanter jusqu’à l’épuisement. On peut ajouter à cette galerie de
personnages allumés le frère canadien de Diane (joué par Torin Thatcher futur
grand méchant attitré des productions Ray Harryhausen) aux manières rustres et son exact opposé avec
le directeur artistique frivole Gibson. Ces basculements peuvent se faire dans
une direction étonnamment dramatique. L’arrivée du chanteur fou est filmée dans
des angles menaçants par Reed avant que la nature de sa démence ne vienne
désamorcer la tension et les conflits se résolvent dans une périlleuse scène
d’escalade finale.
Reed fait preuve d’un sens du rythme et d’une inventivité
constante et le film tient donc de bout en bout cet équilibre entre sensibilité
anglaise et américaine. Jessie Matthews dans une de ses rares incursions hors
de la comédie musicale déploie un abattage réjouissant et symbolise en quelque
sorte cette énergie américaine tandis que Michael Redgrave offre un numéro de
séducteur taquin qu’il connaît bien avec une classe toute anglaise. Une belle
réussite, pleine de charme et entraînante.
Sorti en dvd zone 2 français chez Elephant Films
Extrait
bonjour, j'ai vu ce film hier.C'est excellent, trés drôle (la séquence de ventilateur est hilarante)mais la fin dans les montagnes suisses est un peu bâclée à mon goût..
RépondreSupprimerBonjour oui c'est dommage pour le final un peu poussif. En tout cas ça fait regretter que Carol Reed n'ai pas fait plus de comédie même si là aussi on sens pointer son sens du suspense avvec la scène du cantateur.
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