Pour sa première
mission le lieutenant Bishop est chargé de surveiller un commissariat en voie
de désaffectation à Anderson, les nouveaux locaux étant déplacés de quelques
centaines de mètres. Non loin de là, un car transporte trois condamnés à mort,
dont l’ennemi public numéro 1, Napoléon Wilson. Bientôt l’autobus pénitentiaire
est contraint de s’arrêter à Anderson pour soigner un passager. Pendant ce
temps, un père de famille Lawson, qui vient de venger l’assassinat de sa petite
fille, trouve lui aussi refuge dans le commissariat, sous l’assaut d’un gang.
Dark Star (1974),
premier essai semi-amateur, potache et plus œuvre collective que personnelle n’avait
pas permis à John Carpenter de lancer réellement sa carrière de réalisateur. Il
parvient néanmoins à convaincre la CKK Corporation, groupe d’investissement de
Chicago de financer son vrai premier film professionnel. Ses rêves de western
fondent malheureusement devant la maigre enveloppe de 100 000 dollars qui
lui est accordé. Faute de signer un vrai western (rêve caressé mais finalement
jamais accompli), Carpenter va en signer un masqué – comme de nombreuses fois
durant sa carrière – en revisitant Rio Bravo (1959) dont il reprend le postulat dans un cadre contemporain et
urbain. Ce sera Assaut avec son
scénario reprenant l’idée du classique de Hawks pour un huis-clos où des
personnages d’horizons différents vont devoir unir leur force en état de siège
face à une menace extérieure.
Un commissariat désaffecté et en voie de transfert va ainsi
se trouver assailli par un gang tandis qu’à l’intérieur, le lieutenant Bishop (Austin
Stoker) va ainsi devoir faire confiance au criminel Napoléon Wilson (Darwin
Johnston) pour repousser la menace. Avant d’en arriver là, Carpenter pose une
atmosphère de sourde menace urbaine dans une longue introduction où toute sa
maître s’impose déjà. Les membres du gang arpentent ainsi longuement un centre-ville
désertique en quête d’une victime pour leurs représailles, le scope capturant
leur errance avec ce même regard omniscient et incertain qui sera celui de
Michael Myers dans a première partie d’Halloween.
Carpenter illustre alors là
pour la première fois sa vision du Mal, entité indistincte et omnisciente
pouvant frapper à tout moment. Pour lui ce Mal n’a pas de visage et constitue
une sorte de force brute, surnaturelle et indestructible dont on ne peut
réchapper. On pense évidemment au masque sans émotion du tueur d’Halloween (1978), à la créature
protéiforme de The Thing (1982) ou
encore l’entité innommable de Prince des
ténèbres (1987).
Tout cela est déjà dans Assaut où Carpenter fait du gang une pure abstraction symbolisant
ce mal. Tant qu’il fait encore jour, il leur donne certes des visages mais non
seulement ils demeurent mutique et n’existe que par leurs actions néfastes mais
surtout ils sont multiethniques ce qui est une pure aberration dans la réalité
d la criminalité à LA (et un moyen pour Carpenter d’éviter les accusations de
racisme s’il avait choisi une race précise ses méchants) et renforçant ainsi
leur irréalité. La nuit venue ils sont réduits à l’état de silhouettes se
fondant dans l’obscurité, avançant dans un mouvement unique tel des spectres
rampant et sur lesquels les armes n’ont pas prise, chaque cadavre étant récupéré
pour donner l’illusion de calme dans le quartier. D’ailleurs en plus de Rio
Bravo une des grandes influences semble aussi être le western Quand les tambours s’arrêteront d’Hugo
Fregonese dont le traitement préfigure grandement Assaut.
Si le Mal forme un bloc homogène et sans identité, le Bien
se distingue par ses personnalités marqués. Le plus emblématique est bien
évidemment Napoléon Wilson, détenu en transfert dont les aptitudes vont s’avérer
précieuse. Carpenter en fait un sociopathe et extension exacerbée de sa propre
personnalité annonçant le Snake Plissken de New York 1997 (1981). Tout comme lui sa réputation le précède, c’est un être
taiseux et charismatique qui s’affirme dans l’action.
Carpenter en fait
cependant un être plus jovial et avenant que Snake avec cet humour à froid et
les gimmick que constituent ses répliques (Got a smoke?), le rendant
indéchiffrable pour son interlocuteur. Chacun des héros survit d’ailleurs en en
affirmant son caractère (notamment Bishop assumant endossant la quasi aura de shérif et qui refusera de livrer la proie recherchée par le gang en symbole de la loi qu'il est) quand les moins attachant (cet agent d’accueil toisant
Bishop d’un mépris que l’on suppose raciste à son arrivée) et courageux (la
standardiste jouée par Nancy Kyes) disparaissent rapidement.
L’économie de
moyen de Carpenter sert à merveille leur interactions, que ce soit le respect
voire l’amitié naissante des compagnons d’armes que sont Bishop et Wilson, mais
aussi la romance sous-jacente entre Wilson et Leigh (Laurie Zimmer) tout en
regard et dialogues à double sens. Le réalisateur réalise un pont idéal entre
le pessimisme et la noirceur chère à ces 70’s désabusées (la cruelle mort de la
fillette posant le danger de manière glaçante) et un classicisme assumé et
célébrant l’American hero dans une
incarnation revue et corrigée, un noir et un criminel (humanisé par ses actes
et pas d’explication ou de psychologie vaseuse sur la nature de son crime)
tenant le haut du pavé des John Wayne d’antan. Premier film et déjà un
classique pour Carpenter qui passera inaperçu à sa sortie US mais rencontre un
triomphe critique en Europe, synonyme du malentendu ayant cours tout au long de
la carrière du réalisateur.
Sorti en dvd et blu ray chez Metropolitan
Carpenter reprendra le plan du tueur en train de viser à l'identique dans le prologue de "The Thing" (bon article que le vôtre), analysé ici :
RépondreSupprimerhttp://lemiroirdesfantomes.blogspot.fr/2014/08/la-poursuite-impitoyable-le-debut-de.html
Superbe décryptage de l'ouverture de mon Carpenter favori !
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