Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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mercredi 6 août 2014

Détective Dee II : La Légende du Dragon des Mers - Di Renjie: Shen du long wang, Tsui Hark (2014)

L’impératrice Wu règne sur la dynastie Tang aux côtés de l’empereur Gaozong. Elle envoie sa flotte vers l’empire Baekje afin de soutenir cet allié de longue date, envahi par le belliqueux empire Buyeo. Mais, juste après leur départ, les navires sont attaqués par une mystérieuse et gigantesque créature surgie du fond des mers. Afin d’apaiser ce dernier, la courtisane Yin, « la plus belle fleur de Luoyang », est choisie pour être enfermée dans le Temple du Dragon des Mers ; en fait une punition qui lui est infligée pour avoir refusé les avances de riches notables. Par chance, Dee Renjie arrive à Luoyang le même jour pour prendre ses fonctions de magistrat au Temple suprême. Son poste englobe les fonctions de détective, juge et bourreau. 


Détective Dee :Le mystère de la flamme fantôme (2011) avait été le film du renouveau pour Tsui Hark après plusieurs années d’errance. Le génie hongkongais avait réussi une parfaite synthèse de la dimension enquête/mystère du personnage avec sa propre virtuosité mais aussi les exigences du blockbuster en costume chinoise – puisque hormis Les Trois Royaumes (2008) de John Woo les boursouflures numériques était le plus souvent la donne dans le genre dernièrement. 

Lors des recherches historiques effectuées sur le Juge Ti – ce dernier étant un vrai personnage historique ayant officié durant la Dynastie Tang même si récupéré par la littérature policière occidentale - pour le premier film, Tsui Hark trouva une telle matière à exploiter qu’il fut décidé en cas de succès que l’épisode suivant serait un préquel relatant les premier exploit du personnage. Andy Lau laisse donc sa place au jeune Mark Chao qui incarne un Dee débutant et fraîchement débarqué à la capitale pour prendre ses fonctions de magistrat au Temple Suprême. 

Notre héros y sera confronté à un mystère mettant l’empire en péril. Un monstre marin aux proportions gigantesque vient de décimer la flotte impériale en route pour affronter un voisin belliqueux. Les habitants craintifs désigne la courtisane Yin (Angelababy) pour résider au temple du dragon afin d’apaiser la fureur de la bête mais la jeune femme se voit à son tour attaquée par une étrange société secrète ainsi qu’une créature humanoïde. Tsui Hark conduit à un rythme trépidant une intrigue qui comme dans le premier volet mêle enquête très serial où on sent l’influence de son mentor Chu Yuan (avec un joli clin d’œil vu que l’île de la chauve-souris cadre du climax final reprend le titre original de L’île de la bête (1978) fameux titre de Chu Yuan), l’action ne naissant à chaque fois que des déductions de Dee à travers les lieux parcourus et les rencontres inattendues. 

Mark Chao est remarquable dans le rôle-titre, offrant une interprétation très différente d’Andy Lau. La confiance tranquille du personnage installé et reconnu du premier volet laisse place à l’arrogance juvénile du loup aux dents longue cherchant à s’imposer. Toujours un coup d’avance et le cerveau en ébullition, Dee est aussi agaçant qu’attachant dans son assurance, sa vulnérabilité (cette idée géniale de montrer qu’il ne sait pas nager) n’en étant que plus touchante quand il sera dépassé par les évènements.

La fusion entre enquête et l’action survoltée se fait par l’usage brillant que fait Tsui Hark de la 3D. Le réalisateur avait expérimenté la technique dans le dispensable Dragon Gate, la légende des Sabres volants (2011) et fort de cette expérience fait des merveilles dans Détective Dee. La 3D a ainsi un rôle narratif pour nous faire plonger dans les méandres de l’esprit hyperactif de Dee dont les perspectives, réflexions et associations d’idées défilent de façons limpide à l’écran et rendant moins nébuleuses et improbables ses déductions. Dans les scènes d’action, le style frénétique du réalisateur se fait tout aussi anarchique mais en jouant sur la verticalité avec un découpage moins prononcé et au contraire des morceaux de bravoure se déroulant dans une vraie continuité à l’image. 

Cela donne quelques moments de mise en scène prodigieux où l’on savoure autant les prouesses décuplées et visibles dans toute la hauteur/largeur de l’écran que l’aspect plus fête foraine de la 3D où les objets foncent sur le spectateur. L’inconvénient est cependant une invasion intempestive du numérique où tout exploit physique se voit secondé par les effets spéciaux, faisant regretter l’artisanat d’antan du cinéma de Hong Kong où l’usage de câbles et l’art du montage donnait un résultat tout aussi impressionnant et moins artificiel dans le rendu.

Tsui Hark avait surpris par le propos politique du premier film où le personnage n’hésitait pas à s’opposer à l’Impératrice symbole d’un pouvoir qui s’égare. La relation amour/haine entre Dee et l’Impératrice semble être un des fils narratifs de la saga puisque c’est à nouveau Carine Lau qui l’interprète ici. Impitoyable, calculatrice mais juste, l’Impératrice est une menace sous-jacente et imprévisible aux dangers que rencontre le héros par ses objectifs supérieurs. On découvre déjà là de quelle manière leur caractère seront amenés à s’opposer (puisque l’on apprend dans le premier film que c’est elle qui aura longuement fait emprisonner Dee) et c’est l’occasion de situation à la tension psychologique captivante apportant une respiration bienvenue à la vitesse de l’ensemble.

Après une première heure alternant intelligemment secousses, réflexion et mystère, Tsui Hark se lâche totalement dans la dernière partie pour un spectacle total qui renvoie tous les films d’aventures récents à leurs chères études, Pirates des Caraïbes en tête. On retiendra notamment un combat final suspendu à une colline absolument prodigieux et l’indigestion n’est pas loin avec une ultime péripétie maritime sacrément impressionnante en dépit de certains effets spéciaux limites (mais supérieur à ceux parfois assez ratés du premier film). Un vrai grand spectacle, généreux et captivant signé Tsui Hark et une saga que l’on souhaite voir se poursuivre. 

En salle en ce moment 

6 commentaires:

  1. Tout ceci donne envie, d'autant plus que le premier volet s'avérait convaincant. De Tsui Hark, on peut toutefois préférer la veine nihiliste ("L'Enfer des armes") ou intimiste (le sublime "The Lovers"), les deux combinées dans "The Blade", sans doute son chef-d'oeuvre (on aime bien aussi le point final à la trilogie de Woo, "Le Syndicat du crime 3").
    Ce que vous dites sur le virtuel entamant le poids 'physique' du cinéma chinois, rejoint ma lecture de "Connected", ci dessous :
    http://lemiroirdesfantomes.blogspot.fr/2014/08/connected-mon-pere-ce-heros.html?view=classic

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  2. Oui là on retrouve complètement le Tsui Hark fou qu'on adore c'est vraiment dans sa veine la plus virtuose. Content de voir que vous êtes un amateur du décrié Syndicat du Crime 3, je le préfère presque au premier (vu que le second ne vaut que pour le final) mais à cause de la production houleuse on sous-estime pas mal ce troisième volet où l'on retrouve le féminisme et le romantisme typique de Tsui Hark.

    Mes favoris restent The Lovers, Green Snake et les trois premiers Il était une fois en Chine (pour ceux là ils faudra y revenir par ici pas encore évoqués sur le blog)

    http://chroniqueducinephilestakhanoviste.blogspot.fr/2011/09/lovers-leung-juk-tsui-hark-1994.html

    http://chroniqueducinephilestakhanoviste.blogspot.fr/2011/04/green-snake-ching-se-tsui-hark-1993.html

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  3. Dans vos articles, vous soulignez à raison le talent de James Wong, qui composa pour "Une balle dans la tête" une partition mémorable, au diapason de la fibre profondément mélodramatique - sous notre plume, il ne s'agit pas d'un reproche - de John Woo.
    Quant à Maggie Cheung, on l'aimait depuis "Police Story", et ses apparitions chez Hark, To, Wong Kar-wai, Assayas ou Zhang Yimou fortifièrent cet amour - on ne peut que regretter son retrait volontaires des écrans...
    Si vous ne le connaissez pas, je vous conseille "Dragon from Russia", de Clarence Ford, adaptation méconnue de "Crying Freeman", beaucoup moins fétichiste que celle de Gans, dans lequel elle brillait aussi...

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  4. Oui autant les bandes son du cinéma hongkongais des 80's/90's sont de manière générale assez cheap et ringarde, autant James Wong est une merveilleuse exception à qui l'on doit nombre de partition mémorable. Pas vu ce "Dragon From Russia" je note. Grand fan de Maggie Cheung aussi je regrette également son retrait (elle fut coupée au montage du Inglorious Basterds de Tarantino le rôle était vraiment conséquent en plus dommage de ne pas avoir un aperçu au moins des scènes coupées. Mon rôle favori d'elle parmi tant d'autres doit sûrement être le superbe Center Stage de Stanley Kwan, et puis son registre plus délurée et extravagant du cinéma hongkongais fait merveille dans L'Auberge du Dragon aussi...

    http://chroniqueducinephilestakhanoviste.blogspot.fr/2011/04/center-stage-yuen-ling-yuk-stanley-kwan.html

    http://chroniqueducinephilestakhanoviste.blogspot.fr/2013/07/lauberge-du-dragon-san-lung-moon-haak.html

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  5. Belle musique, d'ailleurs primée, de Johnny Chen pour "Center Stage"...
    Sur l' autre auberge de King Hu, dans la superbe "Hirondelle d'or", je vous renvoie ici :
    http://lemiroirdesfantomes.blogspot.fr/2014/07/lhirondelle-dor-le-prince-et-la-danseuse_1440.html?view=classic

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  6. Belle analyse de ce King Hu fondateur, j'en avais aussi parlé ici http://chroniqueducinephilestakhanoviste.blogspot.fr/2014/02/lhirondelle-dor-come-drink-with-me-ou.html

    Ainsi que de l'autre volet de la trilogie des auberges (d'ailleurs à quand un dvd français pour Dragon Gate Inn ?) http://chroniqueducinephilestakhanoviste.blogspot.fr/2011/05/lauberge-du-printemps-ying-chun-ge-zhi.html

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