Détective Dee :Le mystère de la flamme fantôme (2011) avait été le film du renouveau pour
Tsui Hark après plusieurs années d’errance. Le génie hongkongais avait réussi
une parfaite synthèse de la dimension enquête/mystère du personnage avec sa
propre virtuosité mais aussi les exigences du blockbuster en costume chinoise –
puisque hormis Les Trois Royaumes
(2008) de John Woo les boursouflures numériques était le plus souvent la donne
dans le genre dernièrement.
Lors des recherches historiques effectuées sur le
Juge Ti – ce dernier étant un vrai personnage historique ayant officié durant
la Dynastie Tang même si récupéré par la littérature policière occidentale -
pour le premier film, Tsui Hark trouva une telle matière à exploiter qu’il fut
décidé en cas de succès que l’épisode suivant serait un préquel relatant les
premier exploit du personnage. Andy Lau laisse donc sa place au jeune Mark Chao
qui incarne un Dee débutant et fraîchement débarqué à la capitale pour prendre
ses fonctions de magistrat au Temple Suprême.
Notre héros y sera confronté à un mystère mettant l’empire
en péril. Un monstre marin aux proportions gigantesque vient de décimer la
flotte impériale en route pour affronter un voisin belliqueux. Les habitants
craintifs désigne la courtisane Yin (Angelababy) pour résider au temple du
dragon afin d’apaiser la fureur de la bête mais la jeune femme se voit à son
tour attaquée par une étrange société secrète ainsi qu’une créature humanoïde. Tsui
Hark conduit à un rythme trépidant une intrigue qui comme dans le premier volet
mêle enquête très serial où on sent l’influence de son mentor Chu Yuan (avec un
joli clin d’œil vu que l’île de la chauve-souris cadre du climax final reprend
le titre original de L’île de la bête
(1978) fameux titre de Chu Yuan), l’action ne naissant à chaque fois que des
déductions de Dee à travers les lieux parcourus et les rencontres inattendues.
Mark Chao est remarquable dans le rôle-titre, offrant une interprétation très
différente d’Andy Lau. La confiance tranquille du personnage installé et
reconnu du premier volet laisse place à l’arrogance juvénile du loup aux dents
longue cherchant à s’imposer. Toujours un coup d’avance et le cerveau en
ébullition, Dee est aussi agaçant qu’attachant dans son assurance, sa
vulnérabilité (cette idée géniale de montrer qu’il ne sait pas nager) n’en
étant que plus touchante quand il sera dépassé par les évènements.
La fusion entre enquête et l’action survoltée se fait par
l’usage brillant que fait Tsui Hark de la 3D. Le réalisateur avait expérimenté
la technique dans le dispensable Dragon
Gate, la légende des Sabres volants (2011) et fort de cette expérience fait
des merveilles dans Détective Dee. La
3D a ainsi un rôle narratif pour nous faire plonger dans les méandres de
l’esprit hyperactif de Dee dont les perspectives, réflexions et associations
d’idées défilent de façons limpide à l’écran et rendant moins nébuleuses et
improbables ses déductions. Dans les scènes d’action, le style frénétique du
réalisateur se fait tout aussi anarchique mais en jouant sur la verticalité
avec un découpage moins prononcé et au contraire des morceaux de bravoure se
déroulant dans une vraie continuité à l’image.
Cela donne quelques moments de
mise en scène prodigieux où l’on savoure autant les prouesses décuplées et
visibles dans toute la hauteur/largeur de l’écran que l’aspect plus fête
foraine de la 3D où les objets foncent sur le spectateur. L’inconvénient est
cependant une invasion intempestive du numérique où tout exploit physique se
voit secondé par les effets spéciaux, faisant regretter l’artisanat d’antan du
cinéma de Hong Kong où l’usage de câbles et l’art du montage donnait un
résultat tout aussi impressionnant et moins artificiel dans le rendu.
Tsui Hark avait surpris par le propos politique du premier
film où le personnage n’hésitait pas à s’opposer à l’Impératrice symbole d’un
pouvoir qui s’égare. La relation amour/haine entre Dee et l’Impératrice semble
être un des fils narratifs de la saga puisque c’est à nouveau Carine Lau qui
l’interprète ici. Impitoyable, calculatrice mais juste, l’Impératrice est une menace
sous-jacente et imprévisible aux dangers que rencontre le héros par ses
objectifs supérieurs. On découvre déjà là de quelle manière leur caractère
seront amenés à s’opposer (puisque l’on apprend dans le premier film que c’est
elle qui aura longuement fait emprisonner Dee) et c’est l’occasion de situation
à la tension psychologique captivante apportant une respiration bienvenue à la
vitesse de l’ensemble.
Après une première heure alternant intelligemment secousses,
réflexion et mystère, Tsui Hark se lâche totalement dans la dernière partie
pour un spectacle total qui renvoie tous les films d’aventures récents à leurs
chères études, Pirates des Caraïbes
en tête. On retiendra notamment un combat final suspendu à une colline
absolument prodigieux et l’indigestion n’est pas loin avec une ultime péripétie
maritime sacrément impressionnante en dépit de certains effets spéciaux limites
(mais supérieur à ceux parfois assez ratés du premier film). Un vrai grand
spectacle, généreux et captivant signé Tsui Hark et une saga que l’on souhaite
voir se poursuivre.
En salle en ce moment
Tout ceci donne envie, d'autant plus que le premier volet s'avérait convaincant. De Tsui Hark, on peut toutefois préférer la veine nihiliste ("L'Enfer des armes") ou intimiste (le sublime "The Lovers"), les deux combinées dans "The Blade", sans doute son chef-d'oeuvre (on aime bien aussi le point final à la trilogie de Woo, "Le Syndicat du crime 3").
RépondreSupprimerCe que vous dites sur le virtuel entamant le poids 'physique' du cinéma chinois, rejoint ma lecture de "Connected", ci dessous :
http://lemiroirdesfantomes.blogspot.fr/2014/08/connected-mon-pere-ce-heros.html?view=classic
Oui là on retrouve complètement le Tsui Hark fou qu'on adore c'est vraiment dans sa veine la plus virtuose. Content de voir que vous êtes un amateur du décrié Syndicat du Crime 3, je le préfère presque au premier (vu que le second ne vaut que pour le final) mais à cause de la production houleuse on sous-estime pas mal ce troisième volet où l'on retrouve le féminisme et le romantisme typique de Tsui Hark.
RépondreSupprimerMes favoris restent The Lovers, Green Snake et les trois premiers Il était une fois en Chine (pour ceux là ils faudra y revenir par ici pas encore évoqués sur le blog)
http://chroniqueducinephilestakhanoviste.blogspot.fr/2011/09/lovers-leung-juk-tsui-hark-1994.html
http://chroniqueducinephilestakhanoviste.blogspot.fr/2011/04/green-snake-ching-se-tsui-hark-1993.html
Dans vos articles, vous soulignez à raison le talent de James Wong, qui composa pour "Une balle dans la tête" une partition mémorable, au diapason de la fibre profondément mélodramatique - sous notre plume, il ne s'agit pas d'un reproche - de John Woo.
RépondreSupprimerQuant à Maggie Cheung, on l'aimait depuis "Police Story", et ses apparitions chez Hark, To, Wong Kar-wai, Assayas ou Zhang Yimou fortifièrent cet amour - on ne peut que regretter son retrait volontaires des écrans...
Si vous ne le connaissez pas, je vous conseille "Dragon from Russia", de Clarence Ford, adaptation méconnue de "Crying Freeman", beaucoup moins fétichiste que celle de Gans, dans lequel elle brillait aussi...
Oui autant les bandes son du cinéma hongkongais des 80's/90's sont de manière générale assez cheap et ringarde, autant James Wong est une merveilleuse exception à qui l'on doit nombre de partition mémorable. Pas vu ce "Dragon From Russia" je note. Grand fan de Maggie Cheung aussi je regrette également son retrait (elle fut coupée au montage du Inglorious Basterds de Tarantino le rôle était vraiment conséquent en plus dommage de ne pas avoir un aperçu au moins des scènes coupées. Mon rôle favori d'elle parmi tant d'autres doit sûrement être le superbe Center Stage de Stanley Kwan, et puis son registre plus délurée et extravagant du cinéma hongkongais fait merveille dans L'Auberge du Dragon aussi...
RépondreSupprimerhttp://chroniqueducinephilestakhanoviste.blogspot.fr/2011/04/center-stage-yuen-ling-yuk-stanley-kwan.html
http://chroniqueducinephilestakhanoviste.blogspot.fr/2013/07/lauberge-du-dragon-san-lung-moon-haak.html
Belle musique, d'ailleurs primée, de Johnny Chen pour "Center Stage"...
RépondreSupprimerSur l' autre auberge de King Hu, dans la superbe "Hirondelle d'or", je vous renvoie ici :
http://lemiroirdesfantomes.blogspot.fr/2014/07/lhirondelle-dor-le-prince-et-la-danseuse_1440.html?view=classic
Belle analyse de ce King Hu fondateur, j'en avais aussi parlé ici http://chroniqueducinephilestakhanoviste.blogspot.fr/2014/02/lhirondelle-dor-come-drink-with-me-ou.html
RépondreSupprimerAinsi que de l'autre volet de la trilogie des auberges (d'ailleurs à quand un dvd français pour Dragon Gate Inn ?) http://chroniqueducinephilestakhanoviste.blogspot.fr/2011/05/lauberge-du-printemps-ying-chun-ge-zhi.html