Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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samedi 30 août 2014

Man of Steel - Zack Snyder (2013)

Un petit garçon découvre qu'il possède des pouvoirs surnaturels et qu'il n'est pas né sur la Terre. Plus tard, il s'engage dans un périple afin de comprendre d'où il vient et pourquoi il a été envoyé sur notre planète. Mais il devra devenir un héros s'il veut sauver le monde de la destruction totale et incarner l'espoir pour toute l'humanité… Superman va devoir affronter deux autres survivants de la planète Krypton, le redoutable Général Zod, et Faora, son partenaire.

Superman (1978) de Richard Donner avait représenté la première grande et ambitieuse adaptation de comics de super-héros. Le film avait trouvé l’interprète idéal avec Christopher Reeves, les valeurs positives du personnage étaient totalement respectées et Richard Donner avait réussi à capturer la dimension mythologique mais aussi la proximité et la nature d’exemple/modèle associée à Superman avec son imagerie americana et ses péripéties spectaculaire. Le film allait représenter pour toutes les transpositions futures le canon de ce que devait être l’adaptation parfaite (le premier Spider-Man (2002) de Sam Raimi est entièrement calqué sur sa structure notamment) mais serait également un modèle indépassable pour toutes les futures visions du personnage. Des bisbilles de production allait faire évincer Richard Donner de Superman II (1980) pour un résultat dispensable signé Richard Lester (Donner n’aurait sa revanche que bien plus tard avec director’s cut plus conforme à sa vision puisqu’il avait en grande partie tourné la suite avant l’arrivée de Lester qui élimina sa contribution) qui ferait pourtant bien pire avec le ridicule Superman III (1983), la saga se concluant avec le nanar Superman 4 (1987).

Durant les années suivantes Batman (1989) et Batman Returns (1992) de Tim Burton ferait oublier l’Homme d’acier qui trouverait refuge à la télévision pour les visions moyennement palpitantes de Loïs et Clark et Smallville. Superman Lives constituerait un retour manqué au cinéma, le projet de Tim Burton destiné à sortir en 1998 étant finalement gelé par la Warner car trop couteux. Superman Returns (2006) de Bryan Singer ramènerait enfin le personnage en salle mais en dépit de belles images ce ne serait qu’une suite/variation du film de Richard Donner dans une déférence ennuyeuse et stérile. Warner décide donc de faire table rase de cet opus et de reprendre la franchise à zéro en en confiant les rênes à Christopher Nolan qui sut si bien ressusciter Batman avec Batman Begins (2005) et surtout The Dark Knight (2008). Simplement au scénario (avec David S. Goyer) et la production, Nolan fera appel à Zack Snyder, responsable des spectaculaires et ambitieuses adaptations des comics 300 (2006) et Watchmen (2009) pour réaliser la refonte que sera Man of Steel.

Le film sera donc un détonant mélange des styles Nolan et Snyder. Le cheminement spirituel de Superman, la construction en flashback de la première partie rappelant Batman Begins et le sérieux papal de l’ensemble évoque forcément Nolan mais le spectaculaire démesuré et finalement les thèmes du film lorgnent bien plus du côté de Snyder. Après le déroutant Sucker Punch (2011), Zack Snyder avait atteint un point de non-retour dans son esthétique tapageuse et avait promis de se réinventer avec son film suivant, cela participant à la rénovation profonde du mythe de Superman dans ce Man of Steel qui bouscule les acquis du personnage.

Tout le film tourne autour du statut d’étranger, d’être différent de Clark Kent/Superman qui cherchera sa place dans un monde où ses pouvoirs le mettent à part. Dès la spectaculaire ouverture sur la planète Krypton, le thème est posé. Les kryptoniens par leur volonté de contrôle excessif ont épuisé les ressources de leur planète qui se meurt et ont vu leur race décliner à cause de leur société pratiquant l’eugénisme génétique où chaque être est prédisposé à une fonction. Jor-El (Russell Crowe) comprenant que Krypton est perdue met au monde un fils de manière naturelle et décide le faire fuir vers la Terre dans une variation comics de l’Ancien Testament et de Moïse. Ce fils conçu sans manipulation génétique sera ainsi libre de sa destinée et de ce qu’il souhaite devenir, ses pouvoirs démesurés (due à la gravité différente de la planète Terre et de son soleil) lui permettant peut-être de servir de guide aux humains pour qu’ils ne commettent pas les mêmes erreurs que Krypton. 

A l’inverse le Général Zod (Michael Shannon) est un kryptonien suivant avec ferveur ce pour quoi il a été façonné, défendre krypton quoiqu’il en coûte. On constatera les ravages de ce dogme lors de l’ouverture où son fanatisme se confronte à la sagesse de Jor-El mais surtout lors de sa tonitruante arrivée sur Terre où il va traquer Clark et chercher à brutalement assujettir la planète. Superman/ Clark Kent acquiert donc ici une dimension nouvelle puisque son existence lui a laissé le droit à une incertitude qui courra une bonne partie du récit.

Les flashbacks montreront de quelle manière sa nature d’étranger l’isole, notamment l’adaptation difficile de son métabolisme durant l’enfance où le monde entier est une agression pour ses sens hypersensible. Ce sera ensuite un questionnement quant à l’usage de ses dons où son instinct d’entraide se confrontera toujours à la peur du regard des hommes pour ce qui est différent. Le scénario revisite ainsi de manière passionnante la relation de Clark et son père terrien Jonathan (Kevin Costner) qui cherchera constamment à contenir ses dons, estimant qu’il n’est pas assez mûr pour assumer le regard du monde sur sa vraie nature. 

Il lui apporte (au prix de sa vie) un sens de la mesure et de la modestie tout humain quand la rencontre avec Jor-El lui fera enfin accepter son destin de messie (là ce seront de lourde allusion au Nouveau Testament, Clark ayant 33 ans et multipliant les poses christiques en Superman) surpuissant. Une approche juste tant les premiers sauvetages de Clark  sont des reflets de son caractère irrésolu avec des bienfaits se disputant à des réactions à vif où il peine à contenir (notamment face aux provocations des brutes ordinaires) ses émotions.

Forcément avec pareille approche l’esthétique du film est loin de la tonalité lumineuse de l’opus de Richard Donner ou du décalque maladroit de Bryan Singer. Plus ténébreux et introspectif, le film reprend les motifs americana associé à Clark Kent et verse parfois dans un contemplatif lorgnant sur Terence Malick. La photo de  Amir Mokri adopte une lumière grisâtre où il faut voir le point de vu de Clark sur ce monde où il ne se sent pas à sa place et ce n’est que quand il acceptera et assumera son statut de héros, qu’il ressentira ce lien à la Terre et la volonté de la sauver que son environnement lui apparaîtra bienveillant et pourra être baigné de lumière. 



La première scène de vol est ainsi un grand moment et signe la première étape de ce changement, la seconde étant lorsqu’il se présentera au monde pour répondre au défi de Zod (avec une apparition toute christique dans les airs et les rayons immaculés du soleil) puis le dépassement de soi final où il stoppera la dévastatrice machine à gravité. Chacune de ces étapes est magnifiée par le superbe thème d’Hans Zimmer. Loin du tonitruant et inoubliable thème de John Williams, celui de Zimmer reflète la tonalité introspective de la première partie du film avec son motif de piano simple prenant de plus en plus d’ampleur et de puissance épique tandis que l’humain Clark Kent et le kryptonien Kal El deviennent enfin le meilleur des deux mondes, le héros Superman.

Chacun des films de Zack Snyder montrait des héros acculés et derniers rempart face une un ennemi illustrant une évolution forcément mauvaise. Ce seront les humains en luttes contre les zombies dans L’Armée des morts (2004), bien sûr les spartiates combattant l’envahisseur perse dans 300  ou les super-héros de Watchmen cherchant à sauver un monde imparfait menacé de destruction par un ennemi visionnaire et mégalomane. Man of Steel amène un développement étonnant à cette idée puisque c’est cette fois le méchant qui endosse ce statut de garant de la tradition (Zod) et le gentil qui symbolise cette évolution et ce mélange (Superman) plus forcément vu comme néfaste. 

Le Royaume de Ga'hoole (2010) et Sucker Punch avait amorcé cette bascule puisque le statu quo, l’ordre établi et le dogme y était vu comme une tare (les chouette militaires aux velléités totalitaire du premier, la lobotomie de l’hôpital psychiatrique du second) en oppostion aux aspirations de libertés des héros. 

Zod est donc un méchant captivant car sûr de son fait et déterminé, Michael Shannon lui apportant un charisme et une présence sacrément menaçante. Pourtant par sa conception génétique préétablie c’est également un être unidimensionnel suivant aveuglément le dogme et la fonction pour laquelle il a été façonné. Tout le contraire de Clark Kent qui aura douté, tâtonné et finalement trouvé sa voie en Superman. Cette facette prend un tour puissant dans la dernière partie soulignant leur différence, Zod par sa formation militaire s’adaptant et acquérant les mêmes pouvoirs que Superman en un temps record alors qu’il avait fallu toute une vie pour les maîtriser à Clark.

Visuellement le film est sans doute l’illustration la plus spectaculaire de la puissance démesurée de Superman, les anciens films n’ayant pas la technologie pour l’exploiter à son maximum. Snyder abandonne les ralentis iconiques qui ont fait sa gloire pour adopter un étonnant style « sur le vif » dans le filmage de l’empoignade de ses surhommes. On a constamment l’impression d’avoir un temps de retard, comme si la caméra avait du mal à suivre la rapidité de mouvement insensés des personnages dans l’idée de traduire de quelle manière l’œil humain serait incapable d’englober l’ensemble des informations s’il se trouvait face à des êtres d’un tel pouvoir. 

 Cela fonctionne magnifiquement, notamment grâce au charisme des acolytes de Zod dont une Faora (Antje Traue) à la présence glaciale et au regard hautain envers ces faibles humains, Snyder lui donnant une aura de puissance tout simplement dévastatrice. Le combat de titans à Smallville est un grand moment, laissant enfin Superman déployer sa force mais aussi se montrer sous un jour positif à la méfiance des humains qui l’accepteront alors. Les marivaudages et le jeu de dupes avec Loïs Lane (Amy Adams) ont complètement disparus puisque celle-ci devine d’emblée son identité et elle sera tout au long du film e référent permettant à Clark d’exprimer ses failles, sa sensibilité.

Le film est donc très spectaculaire, peut-être trop dans sa dernière partie (on se demande ce qu’il restera à détruire pour la suite annoncée), Snyder se montrant sans doute trop généreux et créant un léger déséquilibre avec la belle introspection de la première partie. Du coup la manière de vaincre Zod (après un long combat à la Dragon Ball Z – décalque japonais de Superman à l’origine la boucle est bouclée – où les buildings s’effondrent) est quelque peu radicale pour brutalement interrompre le récit mais a le mérite d’établir la frontière que Superman ne franchira plus et établir définitivement le canon du personnage. Une réinvention brillante et un des meilleurs films de Zack Snyder dont la furie aura été judicieusement dosée par Nolan. 

Sorti en dvd zone 2 français et blu ray chez Warner

3 commentaires:

  1. Justin, je crois que votre billet va finalement me faire regarder ce film... sans doute bêtement boycotté à sa sortie. Aimant beaucoup Superman (d'ailleurs, j'avais adoré le travail fait sur le personnage par John Byrne, il y a quelques années), je suis restée très méfiante envers ce qui avait l'air d'une grosse machine bébête à effets spéciaux maousse costauds mais dépourvus de neurones...
    Et, dois-je l'avouer ? J'aime beaucoup la série "Lois & Clark" dont la première saison (avec le Lex Luthor génial de John Shea, onctueux et maléfique à souhait) est quand même assez super... malgré ses effets spéciaux assez faméliques.
    Sans compter que la Lois de Teri Hatcher est quand même la meilleure qu'on ait vue à l'écran !

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  2. Oui si vous êtes fan de Superman c'est une relecture qui vaut vraiment le coup d'oeil (et apporte du neuf comparé aux Superman Returns de 2006) quelques entorses mais l'esprit est respecté et le personnage a rarement été plus fouillé au cinéma. Après effectivement il y a beaucoup de badaboum numérique, c'est souvent plaisant (pour le coup on retrouve complètement la démesure des cases de comics) même si ça déséquilibre peut être un peu avec une première moitié très intimiste. A tenter donc !

    Pour Loïs et Clark j'ai été un peu sévère dans mon texte, j'aimais bien aussi surtout le feeling screwball comedy entre les deux et oui Teri Hatcher est sûrement la meilleure interprète de Loïs ! John Shea fait un très bon Luthor aussi, plus inquiétant que le Gene Hackman cabot du fim de Richard Donner. Le problème c'était vraiment Dean Cain très fade en Clark Kent/ Superman et effectivement les effets spéciaux n'étaient pas de première fraîcheur ^^ Toujours plus recommandable que Smallville en tout cas!

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    1. Effectivement, ce ne sont pas les intrigues proprement dites qui faisaient le sel de "Lois & Clark", mais le jeu de ping-pong entre Lois, Clark et son alter-ego. Je vous trouve un peu dur avec D Cain qui avait quand même l'avantage de faire archi Américain tout en ayant un zeste d'exotisme... ce qui correspondait au personnage. Ceci dit, son Superman m'a toujours nettement moins convaincue que son Clark... Logique, vu le titre de la série !
      Merci pour la recommandation : je vais tester "Man of Steel" bien que sur un écran télé, cela soit sans doute bien moins impressionnant à voir !

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